Les éloges n'ont pas manqué. «Elle marque l'histoire»; «elle grave son nom au panthéon des exploits verticaux»; «une performance exceptionnelle»; ou encore «un tournant dans l'histoire de l'escalade»: c'est par ces formules que la presse spécialisée a qualifié le nouveau numéro de Barbara Zangerl. Or son exploit n'a pas été relayé au-delà du petit monde de l'escalade, et c'est regrettable tant il en impose.
L'Autrichienne s'est distinguée sur El Capitan à Yosemite. Un terrain de jeu mythique et une paroi rocheuse de plus de 900 mètres qu'elle commence à bien connaître. Zangerl a en effet gravi là-bas diverses voies, par exemple El «Nino» (8a/+), «The Nose» (8a+/b), «Zodiac» (8b), «Pre-Muir Wall» (8b) et «Magic Mushroom» (8b+), signant parfois la première ascension féminine ou la première répétition.
Or cette fois, Barbara Zangerl a fait un peu plus fort. La grimpeuse a réussi la première ascension flash – tous genres confondus – d'El Capitan. On entend par flash le fait d'achever une voie à la première tentative. Si «Babsi» a certes eu droit à une prise d'informations au préalable, elle n'avait en revanche jamais posé ses mains sur la paroi. «Flasher une grande voie, c’est unique: on n’a qu’une seule chance, et sur un big wall de 1'000 mètres, cela rend les choses encore plus brutales», a-t-elle déclaré après sa réalisation auprès de Planet Grimpe.
C'est sur «Freerider» (7c+) que l'athlète a effectué son coup. Un parcours de 1'100 mètres, composé de 30 longueurs et grimpé en quatre jours, sans donc connaître la chute. «Même si nous n'avions jamais grimpé aucune des 30 longueurs et que beaucoup d'entre elles étaient "à vue", nous en savions beaucoup sur le parcours avant de partir. Nous connaissons des grimpeurs qui ont répété l'itinéraire avant nous et ont essayé d'en savoir le plus possible, et bien sûr nous en avons vu sur YouTube. Nous sommes également allés au cinéma voir Free Solo à la sortie du film. Par conséquent, nous ne pouvons pas classer notre ascension dans la catégorie "à vue"», a détaillé l'Autrichienne pour le site Lacrux, consciente des informations dont elle disposait. Sa performance n'est reste pas moins unique.
«Babsi» est venue à bout de «Freerider» à son premier essai en présence de son compagnon, Jacopo Larcher, une référence de l'escalade traditionnelle. Ces deux-là sont inséparables lorsqu'ils grimpent: ils forment un duo redoutable. Or l'Italien n'est pas parvenu à flasher «Freerider», empêtré dans un célèbre mouvement.
C'est donc une femme qui a réalisé cette première convoitée par les grimpeurs masculins. Zangerl suit ainsi les traces de Lynn Hill, connue pour avoir libéré en 1993 la première ascension en escalade libre de «The Nose» à El Cap. «It goes boys», avait-elle lancé après sa réussite, soit en français:
Précurseuse, «Babsi» Zangerl l'est certainement autant qu'Hill, surtout que l'Autrichienne inspire également par sa polyvalence. Elle s'est d'abord illustrée en bloc où elle est devenue la première femme à grimper du 8b, avant de se tourner vers les falaises, notamment en escalade traditionnelle. Mais Zangerl a aussi des références en escalade sportive et figure dans le petit club des grimpeuses de 9 depuis son ascension réussie de «Sprengstoff» dans le Vorarlberg autrichien.
Bref, la grimpeuse mène des projets variés, que ce soit sur les big walls de Yosemite ou en très haute montagne, par exemple au Pakistan. Il lui arrive aussi de faire étape en Suisse, où elle a réussi la première ascension libre en un jour de la voie peut-être la plus difficile de la face nord de l'Eiger: «Odyssee» (8a+, 33 longueurs, 1'400 mètres). «Babsi» est enfin devenue la première femme à escalader la célèbre «Trilogie alpine», c'est-à-dire trois grandes voies parmi les plus dures des Alpes et situées entre la Suisse, l'Autriche et l'Allemagne. L'ascension helvétique n'est autre que celle de «Silbergeier» dans le Rätikon.
On ne connaît pas encore le prochain projet de Barbara Zangerl, mais nul doute qu'il sera une fois de plus imposant.