Le Championnat du monde masculin de curling organisé il y a quelques jours au Canada a été entaché d'une polémique, après qu'un joueur de l'équipe de Chine a touché avec son balai une pierre lancée par son capitaine, ce que le règlement interdit.
L'action en elle-même n'a rien de choquant: on parle simplement d'une pierre brûlée. Or Li Zhichao n'a pas annoncé sa faute, dans une discipline qui est pourtant un sport de gentlemen, où l'auto-arbitrage est de mise et où les officiels occupent davantage un rôle de superviseur. Le curleur a donc été accusé de tricherie, quand bien même la déviation n'a visiblement pas avantagé la Chine.
Le geste était-il intentionnel? Li Zhichao a-t-il délibérément «oublié» de déclarer sa maladresse ou n'a-t-il tout simplement rien senti? Il est difficile de répondre à ces questions. Toujours est-il que l'équipe de Chine aurait été impliquée dans une action identique au premier tour du Mondial. Celle-ci aurait d'ailleurs coûté un point à l'Allemagne, alors qu'un autre incident aurait récemment concerné l'équipe féminine de Chine. Si ces situations ambiguës ne sont pas nouvelles, il apparaît étrange qu'elles se reproduisent dans un laps de temps très court, toujours avec la même nation.
C'est donc dans ce contexte que la Suisse a affronté l'Empire du Milieu en demi-finale du Championnat du monde. «On a évidemment discuté de cela ensemble. On était les prochains à les jouer», se souvient en rigolant Benoît Schwarz-van Berkel, fourth du CC Genève.
Que pense, à titre personnel, le médaillé de bronze des Jeux olympiques de 2018 au sujet de ces allégations de triche? «J'ai un avis extrêmement mesuré sur la question», assure Schwarz-van Berkel.
Le curleur de 33 ans préfère s'attarder sur ce qui pourrait être fait pour éviter tout démêlé. «Une situation comme celle-ci démontre que le règlement doit être légèrement adapté, car finalement, les règles actuelles (réd: basées sur le bon vouloir des curleurs) mettent sous pression l'équipe qui n'a pas commis la faute. On arrive à des litiges comme ceux que l'on a vu avec la Chine, et qui ont des influences dans un Championnat du monde comme celui-ci, qualificatif pour les Jeux olympiques. On doit faire évoluer le règlement pour qu'il y ait des nuances et pour que les arbitres puissent avoir plus d'options à disposition», pointe le Genevois.
Comme par exemple la vidéo? «Il faut voir la réalité de notre sport. Nous n'avons pas des milliards à dépenser pour régler chaque incident mineur ou majeur», regrette Benoît Schwarz-van Berkel. Mais «en tant que membre de la Commission des athlètes de la Fédération mondiale», le curleur suisse affirme que les discussions vont bon train pour tenter d'améliorer les procédures.
Or il faudra du temps, «une, deux voire peut-être trois années pour faire bouger les choses», concède Schwarz-van Berkel, qui a battu avec ses coéquipiers du Team Schwaller CC3C Genève la Chine en demi-finale du Mondial, avant de s'incliner lors de l'ultime partie contre l'Ecosse.
La tâche sera toutefois loin d'être évidente. Pénaliser après coup viendrait à transformer quelque peu les principes fondamentaux du curling. «On revendique le fait que les arbitres aient peu d'influence sur le jeu. C'est une de nos valeurs. Les joueurs ont la capacité de régler les problèmes entre eux», tient à rappeler Benoît Schwarz-van Berkel. Autrement dit: le curling préférerait ne pas avoir à créer une quelconque Commission d'enquête ou de discipline. Mais il n'a peut-être pas le choix.