Cette règle rend la Diagonale des Fous encore plus brutale
Il y a une semaine, la Western States, l’une des courses d’ultra-trail les plus renommées au monde, annonçait un changement majeur: dès 2026, les bâtons de trail y seront autorisés.
Le sujet faisait débat en interne depuis une dizaine d’années, entre respect de la tradition et prise en compte de l’innovation. Mais l’usage des bâtons est devenu si courant sur les longues distances que la Western States a jugé qu’il était temps pour elle de franchir le pas.
Pour les futurs participants à la course américaine, l’introduction des bâtons a toutefois un impact limité, tant le parcours de la Western States reste roulant comparé à d’autres ultra-trails, notamment la «Diag», réputée pour ses sentiers exigeants, que les coureurs affronteront ce week-end sans bâtons. Privés de cette aide précieuse pour soulager les muscles en montée et amortir les chocs en descente, ils feront face à une difficulté supplémentaire.
Une rareté en ultra
Avec ce changement adopté par la Western States, la Diagonale des Fous est désormais le seul Majeur, et l’un des rares ultra-trails de calibre international, à ne pas accepter les bâtons.
Selon L’Equipe, cette interdiction remonte au début des années 2000, après un accident impliquant deux traileurs. Il faut dire que l’importante affluence sur des chemins étroits, techniques et à fort dénivelé peut rendre l’usage du dispositif compliqué, voire dangereux, surtout lorsque la fatigue commence à s’installer. L’accessoire pourrait également favoriser les chutes de pierres.
Mais l’aspect environnemental entre également en ligne de compte. La Diagonale des Fous traverse les sentiers du Parc national de la Réunion, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Si d’autres courses empruntent elles aussi des sites classés, tout en autorisant l’usage des bâtons, il faut comprendre que la Réunion, régulièrement exposée aux cyclones, abrite des sentiers jeunes et vulnérables, ainsi qu'un écosystème fragile que les locaux s’efforcent de préserver.
D’ailleurs, en conférence de presse d’avant-course, le président du Comité d’organisation du Grand Raid, Pierre Maunier, ainsi que les représentants de l’Office national des forêts (ONF) et du Parc national de la Réunion, ont insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de protéger l’île. Un discours qui fait écho à celui d’Hassen Patel, patron d’une épreuve concurrente, qui nous expliquait auparavant que des interdictions similaires sont en vigueur «sur les 140 courses organisées à la Réunion».
Des locaux minimalistes
Dans ce contexte, les coureurs réunionnais, engagés ce week-end sur la Diagonale des Fous, tirent-ils un avantage de ce point de règlement? «Je crois que oui», estime Nicolas Charretier, interrogé à ce sujet. Il entraîne Fabrice Payet, sixième du Grand Raid 2023 et premier athlète local.
Cette pratique sans artifices reflète la philosophie de ces deux hommes, ainsi que celle des athlètes réunionnais, de manière générale. «Je ne me préoccupe pas de toutes les données. Je n’en utilise que quelques-unes. J’aime le côté naturel, l’écoute du corps. Fabrice, lui, aime courir en pleine nature. Il n’apprécie pas le renforcement en salle et préfère donc le Mycross Max», explique Nicolas Charretier. Il s'agit d'une méthode d'entraînement née à la Réunion, qui alterne du travail en côte et des exercices statiques.
Les élites s'adaptent
L’interdiction des bâtons est toutefois perçue autrement par les athlètes élites qui se déplacent à la Réunion, comme la Suissesse Emily Vaudan. «Ce sera ma première course sans bâtons. C’est une appréhension», nous confiait-elle à la veille du départ, après avoir modifié son entraînement en conséquence.
La Valaisanne précisait que cette composante compliquait encore davantage une course déjà rendue difficile par la technicité des sentiers et le climat tropical. «On fera sans, et comme on peut», résumait-elle.
Les amateurs, en revanche, semblent parfois mieux accepter le règlement. Cette année, 48 Suisses participent à la Diagonale des Fous, parmi lesquels Thérèse Guevara, infirmière et pâtissière passionnée de course à pied. Cette Genevoise ne court jamais avec des bâtons. «Pour le coup, ce point ne me pose aucun problème.»
