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Cyclisme: Cancellara a failli devenir Belge

Cyclisme: Cancellara a failli devenir Belge
Même s'il a arrêté sa carrière il y a déjà neuf ans, Fabian Cancellara ne peut toujours pas se déplacer incognito en Belgique.

Fabian Cancellara a failli devenir Belge

Le Bernois est le co-recordman de victoires (trois) sur le Tour des Flandres, une course qui a forgé sa légende et aurait pu lui offrir un nouveau passeport.
07.04.2025, 18:4907.04.2025, 18:49
simon häring
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Même s'il a arrêté sa carrière il y a déjà neuf ans, Fabian Cancellara ne peut toujours pas se déplacer incognito en Belgique, tant il est apprécié par les habitants de ce pays fou de vélo. Des femmes âgées lui claquent la bise, des fans de cyclisme lui assènent des tapes amicales dans le dos: pour les Flamands, Cancellara est l'un des leurs. Son fan-club en Belgique comptait plus de 8000 membres lorsqu'il a mis un terme à sa carrière après avoir remporté sa deuxième médaille d'or olympique en contre-la-montre (2016).

Quelques mois après les JO de Rio, «Spartacus» avait organisée une soirée d'adieu endiablée à Gand, en Belgique. Le grand quotidien Het Nieuwsblad lui avait consacré un supplément de huit pages (!). Le soir même, il avait roulé une dernière fois au vélodrome «Het Kuipke» de Gand devant 6200 spectateurs, qui tous avaient payé leur place. Sir Bradley Wiggins, vainqueur du Tour de France 2012 et septuple champion du monde sur piste, était de la partie, tout comme le géant belge du cyclisme, Eddy Merckx, rentré spécialement d'Espagne pour l'occasion.

GENT, BELGIUM, NOVEMBER 12: Fabian Cancellara pictured during "Ciao Fabian". An event to honour Fabian Cancellara's carreer. In Kuipke, Gent, Belgium on Saturday, november 12 2016 *** © ...
La soirée avait été intitulée «Ciao Fabian».Getty Images Europe

Le duo flamand Clouseau avait surpris Cancellara en interpétant la chanson «Jij bent een Flandrien» («Tu es un Flandrien»). Les deux compères y chantaient notamment:

«Sur le papier, tu es un Suisse, mais tu parles notre langue. Tu n'es pas arrogant, toujours bienvenu dans notre pays, car tu es un Flandrien»

Fabian Cancellara a remporté trois fois le Tour des Flandres (en 2010, 2013 et 2014), a terminé une fois troisième et a pris la deuxième place lors de sa dernière édition en 2016. Ce week-end, le dirigeant de 44 ans était de retour dans la région pour la deuxième fois en tant que propriétaire de l'équipe suisse Tudor Pro Cycling. Nous en avons profité pour lui demander de nous raconter des épisodes de son histoire d'amour très personnelle avec le «Ronde van Vlaanderen».

Lorsqu'il prend le départ de ce monument du cyclisme pour la première fois en 2003, Cancellara ne pense pas qu'il pourra un jour prétendre à la victoire.

«J’avais des préoccupations complètement différentes parce que c’était très dur. J'avais l'impression d'être un junior qui roulait parmi les grands. C'était un cyclisme différent de celui d'aujourd'hui: quand on était jeune, on se tenait en retrait et on ne voulait gêner personne.»

Il ne se souvient ni s'il a fini la course, ni à quelle place il l'aurait terminée. Il se classe 73e (sur 94), avec 10'26 de retard sur le vainqueur, le Belge Peter van Petegem. Même s'il remportera trois ans plus tard Paris-Roubaix, Cancellara a eu besoin de «beaucoup de temps pour maîtriser le bitume belge». Ce n'est qu'en 2010, lors de sa huitième tentative, qu'il remporte pour la première fois le Tour des Flandres.

epa02103953 Team Saxo Bank Swiss Fabian Cancellara in action on the famous hill 'Kapelmuur' better known as 'Muur van Geraardsbergen' (Mur de Grammont), during the 94th edition of  ...
Cancellara dans le Mur de Grammont en 2010.Image: EPA

S'il a dû patienter aussi longtemps, c'est aussi en raison de la malchance. En 2009, il s'était blessé à l'épaule et de son propre aveu, sa forme n'était «pas assez bonne pour être devant». Il s'était tout de même aligné sur le Tour des Flandres mais avait subi une rupture de chaîne, qui l'avait obligé à monter le Koppenberg à pied, puis à abandonner.

Il avait ensuite réagi de manière impressionnante en remportant deux étapes du Tour de Suisse puis de France, portant ainsi le maillot jaune pendant neuf jours et devenant en automne champion du monde du contre-la-montre pour la deuxième fois. Il rêvait ensuite de devenir champion du monde de la course en ligne mais cette année-là, il n'avait terminé que 5e après avoir sans cesse attaqué. «J'ai payé pour apprendre», rappelle-t-il. Le Bernois avait fait une constatation importante: «Mieux vaut attaquer une fois, mais correctement».

C'est exactement ce qu'il fait l'année suivante lors du Tour des Flandres. A 43 kilomètres de l'arrivée, Cancellara, qui porte le maillot de champion de Suisse, et Tom Boonen, qui porte le maillot de champion de Belgique, se détachent au Molenberg. A 14 kilomètres de l'arrivée, Cancellara accélère le rythme au mur de Geraardsbergen et, assis sur la selle, semble distancer Boonen sans effort, bien que ce dernier se détache encore de la selle.

L'accélération dévastatrice de Cancellara en vidéo:

Vidéo: twitter

Cancellara termine avec 1'15 d'avance sur Boonen et deux autres Belges (Gilbert à 2'11, Leukemans à 2'15). Une semaine plus tard, il remporte Paris-Roubaix pour la deuxième fois de sa carrière.

Chez Tom Boonen, cette domination suscite le mécontentement. Il continue aujourd'hui encore de soupçonner son rival d'avoir couru avec un moteur dans le cadre. La vidéo sur Youtube, qui montre des mouvements inhabituels des mains avant que le Suisse ne laisse son adversaire sur place, a été visionnée plus de cinq millions de fois.

La fameuse vidéo:

Aujourd'hui, Cancellara est tranquille à ce sujet:

«Ces accusations étaient douloureuses et tristes à l'époque. Désormais, je les prends avec beaucoup plus de sérénité et je peux même en plaisanter»

Il ajoute: «A l'époque, on en faisait tout un plat si je faisais 30 kilomètres seul. Mais dans le cyclisme actuel, c'est presque normal.» Il a raison: le week-end dernier, Mads Pedersen a remporté Gand-Wevelgem après une échappée solitaire de 50 bornes.

En 2012, Cancellara se sent dans une forme éblouissante, et sans doute trop en sécurité. «Je pensais que j'allais écraser tout le monde. J'avais une certaine arrogance et je roulais trop loin derrière, ce qui était une erreur», reconnaît-il aujourd'hui. C'est alors que l'accident survient:

«J'avais une musette dans une main et l'autre sur le guidon. Un bidon a roulé en travers de la route et j'ai cru pouvoir sauter par-dessus. Mais je l'ai percuté avec la roue avant, le guidon m'a échappé et je me suis écrasé sur l'asphalte. Résultat: triple fracture de la clavicule. C’était entièrement de ma faute.»

Comme quelques semaines plus tard, lorsqu'il glisse dans un virage à droite dans le final de la course sur route des Jeux olympiques de Londres.

La crise sportive se transforme en crise personnelle. Pendant deux mois, il ne remonte plus sur un vélo. «J'en avais assez du cyclisme et j'avais besoin de temps pour moi et ma famille», écrira-t-il plus tard dans son autobiographie. «Je n'arrivais tout simplement plus à me ressaisir, raconte-t-il aujourd'hui. J'étais épuisé, aussi bien physiquement que psychologiquement. Mes erreurs me touchaient de près. Et comme je ne pouvais plus m'en sortir seul, j'ai fait appel à une aide professionnelle.»

Fabian Cancellara, proprietaire de l'equipe Tudor Pro Cycling, pose lors d'une conference de presse de Tudor Pro Cycling avant le Tour de Romandie le lundi 22 avril 2024 a Yverdon. (KEYSTONE ...
Fabian Cancellara est aujourd'hui propriétaire de l'équipe Tudor Pro Cycling.Keystone

C'est aussi en raison de ces antécédents que Cancellara qualifie sa deuxième victoire au Tour des Flandres 2013 de «plus belle et plus spéciale». D'autant plus qu'il déclasse un espoir du cyclisme (Peter Sagan). Juste avant le dernier passage du Paterberg, Cancellara se détache, aborde les 18 derniers kilomètres en solitaire et s'impose avec 1'27 d'avance.

La troisième victoire, l'année suivante, est également une histoire particulière. Avec Greg van Avermaet, Sep Vanmarcke et Stijn Vandenbergh, il se retrouve face à trois Belges, qu'il renverse en lançant le sprint à 250m de la ligne d'arrivée.

Le final de l'édition 2014:

Après avoir rempli ses obligations de vainqueur et être monté dans le bus de l'équipe pour célébrer sa victoire, la bière vient déjà à manquer. «Alors, sur le chemin de l'hôtel, nous nous sommes arrêtés dans une station-service, avons acheté quelques caisses et avons continué à faire la fête jusqu'au petit matin», se souvient Cancellara.

Pour sa 11e et dernière participation au Tour des Flandres (2016), le rouleur suisse vise un quatrième triomphe, ce qui ferait de lui l'unique recordman du nombre de victoires sur le Ronde. «Avant la course, on me disait que si je gagnais, j'obtiendrais le passeport belge». Il se présente sur la ligne de départ avec moins de graisse et plus de muscle, mais termine cette fois 2e derrière Peter Sagan. Cancellara vide alors presque d'un trait une bouteille de sa bière préférée, la Kwaremont, du nom du mont qu'il affectionne. Puis les larmes coulent. «Deuxième, ce n'est pas premier», souffle-t-il.

Fabian Cancellara et le Tour des Flandres, c'est donc une histoire particulière. «Je suis fier d'avoir laissé une trace ici. Je pense que les Belges m'aiment parce qu'ils savent que je respecte le pays, la culture, les gens et le sport.»

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