Les aficionados se rappellent encore la finale de la Ligue des champions 1999, quand Teddy Sheringham et Ole Gunnar Solskjær donnaient la victoire aux Mancuniens dans les arrêts de jeu, dans un Nou Camp en ébullition. Enorme. Une leçon de ténacité et d'abnégation. Le match «mode d'emploi »d'un club mythique. Une époque dorée qui a perduré avec les Paul Scholes, Ryan Giggs, Peter Schmeichel, Rio Ferdinand, Roy Keane ou Ruud Van Nistelrooy.
Pour ce qui est de la ténacité, 23 ans plus tard, disons qu'elle est partie en poussière. Le retour de Cristiano Ronaldo avait restauré une passion d'antan, comme la piqûre de rappel d'un passé glorieux. Mais les talents du Lusitanien n'ont pas suffi à sauver une saison bouclée à la sixième place, à...35 points de Manchester City. Surtout, ce rang est synonyme de non-qualification pour la Ligue des champions.
La baffe 5-0 essuyée contre Liverpool à domicile est le symbole de la fracture béante d'un club en perdition. L'effondrement est consommé, les fissures à Old Trafford sont visibles et le staff tente de colmater les brèches, sans trouver une quelconque efficacité. L'humiliation est possible dans chaque stade et face à chaque club de Premier League. Cette saison 2021/2022 a tourné à l'humiliation.
Solskjær, le héros de 1999, était devenu un entraîneur «indécis, faible et manquant de sens tactique», selon ESPN. Impossible pour lui d'intégrer correctement Cristiano Ronaldo dans son schéma tactique, la pièce pour que le puzzle ne se défasse pas.
Autre gros problème dans les vestiaires, la rancœur d'Edison Cavani. L'Urugayen n'avait pas du tout apprécié d'abandonner son numéro 7 au profit de Ronaldo. Des sources ont expliqué que toute la bonne volonté de l'avant-centre s'était évanouie. Même ambiance chez Anthony Martial qui chauffait le banc jusqu'au mois de janvier et son prêt à Séville. L'arrivée de la star portugaise n'a pas fait que des heureux, elle aurait même été source de nombreux malheurs.
Au milieu du tumulte des acteurs, le cas le plus symptomatique est assurément celui de Ralf Rangnick, le remplaçant de Solskjær licencié en novembre. Un temps, Antonio Conte était pressenti, mais la direction l'a jugé «trop exigeant». Le technicien allemand est donc arrivé et le mariage ne s'est pas bien passé du tout. Ronaldo a même fait part de son désir de lever le camp si Rangnick restait en poste. Et pour ne rien arranger, l'entraîneur adjoint, Chris Armas, un ancien entraîneur de MLS qualifié «d'oubliable avec le Toronto FC» par le Guardian, a hérité du surnom de Ted Lasso, personnage comique d'une série à succès sur Apple TV+, selon les informations d'ESPN. La reconstruction se transforme en oraison funèbre.
Manchester United s'est enlisé dans les entrailles du football anglais. Pire, les tensions n'ont cessé de croître. Tout un symbole d'une profonde problématique dans le football moderne, à force de brasser différentes cultures. A United, les joueurs britanniques formaient un bloc et d'autres joueurs se rangeaient du côté de Cristiano Ronaldo. Les bruits de couloir disaient que trois camps distincts se tiraient dans les pattes.
L'une des grosses sources de tension était liée au brassard: plusieurs membres de l'équipe stigmatisaient les pieds carrés d'Harry Maguire, capitaine chancelant et gaffeur. Fin février, selon des fuites rapportées par le bien informé Mark Ogden (ESPN), les relations entre le staff et les joueurs étaient ingérables, voire horribles.
Manchester est dans les cordes. Le monstre qu'il était ne fait même plus trembler. Maintenant que Rangnick a mis les voiles en prenant la barre de l'Autriche, et refusant de garder un rôle de consultant au club, place à Erik ten Hag. Guten (T)Hag à l'ancien entraîneur de l'Ajax, qui a d'ores et déjà impressionné la direction par sa volonté d'imposer la discipline. Il s'est même fendu d'un courriel, relayé par les tabloïdes anglais, qui pose le cadre: les individualités au placard, le collectif au centre, une rigueur sur et hors du terrain. Sinon, la porte.
Pour le Hollandais, ce n'est plus les travaux d'Hercules, mais presque Mission Impossible tant il faut reconstruire désespérément l'ADN (surtout son jeu) du club. Le PDG de Manchester United, Richard Arnold, a appelé les fans à faire preuve de patience avec le nouveau manager.
Au bord du terrain ça bouge, mais également sur le «pitch». Paul Pogba, Jesse Lingard, Juan Mata, Nemanja Matic et Edison Cavani s'en vont. Frenkie de Jong est dans le viseur – même si le Batave préfèrerait rester à Barcelone –, tout comme Pau Torres (presque officialisé), Rúben Neves et Jurriën Timber, comme le confirme Fabrizio Romano.
Manchester United interest in Jurrien Timber is concrete and serious, deal now still at early stages with Ajax. Timber name has been discussed internally with ten Hag alongside Pau Torres. 🔴 #MUFC
— Fabrizio Romano (@FabrizioRomano) May 30, 2022
Ajax have also offered Timber a new short term deal, in case he doesn’t leave. https://t.co/ZiwJ5qExoY
La nouvelle ère passe par un recrutement réfléchi pour enfin stabiliser une charnière centrale aux abois. Les jeunes de l'académie, aussi, se verront appelés. Enfin, Old Trafford sera rénové, ce qui pourrait entraîner un endettement de plus d’un milliard d’euros (autant d'impact sur les futurs transferts).
Les grands clubs anglais ont tous vécu des moments de disette avant de renaître à l'ambition. Liverpool ne saurait dire le contraire.