Vous les avez forcément vus, même sans y prêter attention. Les autocollants des fans de football prolifèrent dans les villes suisses. Poteaux de panneaux de signalisation, arrêts de bus, barrières, poubelles: ils sont collés partout, dès qu'un objet présente la moindre surface lisse.
Ce phénomène est propre au mouvement ultra et s'est développé avec l'essor d'Internet. Sur la toile, il est facile de dessiner puis faire confectionner des stickers personnalisés, qui sont commandés par milliers.
Dans leur ville, celles des adversaires ou même dans des endroits insignifiants footballistiquement parlant, par exemple des stations balnéaires ou des célèbres sites touristiques.
«Le stickage reste un affrontement assez pacifique, c'est une guerre de territoire presque romantique», témoigne dans So Foot Jules, stickeur compulsif et grand fan de l'AJ Auxerre.
Le magazine spécialisé français vient de publier un long article sur cette pratique, dans son édition de novembre. On y apprend que le design de ces autocollants si singuliers «peut être sobre, en affichant simplement le nom du groupe assorti de quelques symboles classiques du mouvement ultra (bière, torche, etc.) ou bien se démarquer avec des références plus ou moins obscures».
C'est le même principe avec leurs bâches, drapeaux et vêtements.
Oui, le mouvement ultra est très codé et exclusif dans tout ce qu'il entreprend. Les autocollants ne font pas exception. Alors les supporters n'acceptent pas que des fans «lambda» tentent de les copier, en ne respectant pas les codes. «Il y a même des connards qui font des trucs génériques, adaptables à chaque club, qu'ils vendent sur Vinted et Etsy. Je les déteste», s'emporte Jules dans So Foot.
Sur X, l'internaute «Le G'nevois» est lui aussi furax. Pour la même raison. Apparemment affilié à la «Section Grenat», principal groupe ultra du Servette FC, il a récemment posté un message – photo à l'appui – dans lequel il crie son dégoût pour les imitations d'autocollants servettiens (comprendre: ceux réalisés par des supporters non-agréés) qu'il a aperçus à Genève:
La propagation des sticks affreux et éclatés au sol autour du Servette FC et ce qui semble vouloir s’assimiler à la Tribune Nord me donnent autant envie de gerber que toutes ces pancartes dans les tribunes du Stade de Genève qui réclament un maillot match après match. 😤🆘 https://t.co/DvIktq4Oba
— ♕ Le G'nevois ♕ (@GrenAvery) November 28, 2024
On ne peut pas lui donner tort concernant le design de ce sticker alternatif: il est tout sauf original et comporte même une affreuse faute d'orthographe («Srevette FC»).
On ne sait pas qui se cache derrière ces papiers adhésifs «clandestins». Mais si les ultras de clubs rivaux voulaient ulcérer leurs homologues servettiens, ils ne pourraient pas mieux s'y prendre. Oui, coller des contrefaçons est un sabotage bien plus subtil et efficace, dans cette «guérilla urbaine», que les vulgaires arrachages d'autocollants ou collages d'un sticker par-dessus un autre.