Depuis 25 ans, seulement six nations ont participé à tous les Euros. Pas besoin de trop se creuser la tête pour trouver les cinq premières, véritables mastodontes du football sur le Vieux Continent: l'Espagne, la France, l'Italie, l'Allemagne et le Portugal. La sixième? La République tchèque.
Oui, depuis sa création en 1994 (après la scission de la Tchécoslovaquie), la sélection d'Europe centrale s'est qualifiée pour les sept dernières phases finales. Et elle y a souvent brillé: finale en 1996 – perdue contre l'Allemagne 2-1 après prolongations –, demi en 2004, quarts en 2012 et donc 2021.
Une telle constance ne doit rien au hasard. Systématiquement, dans les sports collectifs, un groupe obtient de bons résultats uniquement s'il vit bien. Pas étonnant donc de retrouver des valeurs humaines à la source du succès tchèque:
Jaroslav Plasil a eu le temps de s'en rendre compte. L'ancien milieu de terrain a disputé quatre Euros avec la Narodni tym (2004-2016). Il connaît bien le sélectionneur actuel Jaroslav Silhavy, adjoint entre 2001 et 2009. «C'est un coach chaleureux qui instaure un climat positif, se réjouit le désormais entraîneur-assistant des Girondins de Bordeaux. Il a pleinement conscience de tout ce qu'il faut pour réussir un grand tournoi.»
Une continuité dans l'état d'esprit, malgré un remodelage important de l'effectif. «Quand Silhavy a repris la sélection en 2018, la République tchèque arrivait à la fin d'un cycle», explique Jaroslav Plasil. Lui et plusieurs tauliers de l'équipe, dont Cech, Rosicky et Lafata, avaient pris leur retraite internationale deux ans plus tôt. D'autres éléments vieillissants – Skoda et Gebre Selassie – sont devenus indésirables.
Après la non-participation tchèque à la Coupe du monde en Russie (depuis qu'elle existe, la Narodni tym ne s'est qualifiée paradoxalement que pour une édition, en 2006), Jaroslav Silhavy a réussi à reconstruire une équipe capable de réaliser de gros coups. Comme par exemple sortir les Pays-Bas, l'un des favoris de l'Euro 2020, en huitième de finale (2-0) dimanche dernier à Budapest.
Pour ce tournoi, le coach s'appuie notamment sur l'ossature du Slavia Prague, quart de finaliste de l'Europa League cette saison. Cinq sélectionnés portent les couleurs du club de la capitale (Tomas Holes, Jan Boril, Lukas Masopust, Petr Sevcik et David Zima).
Ils côtoient au sein de la Reprezentace d'autres talentueux éléments, exilés, eux. Et ces mercenaires évoluent dans les meilleurs championnats du continent: l'Espagne pour le portier Tomas Vaclik (Séville), l'Allemagne pour Pavel Kaderabek (Hoffenheim) et Patrick Schick (Leverkusen, déjà auteur de 4 buts dans cet Euro) ou encore l'Angleterre pour Matej Vydra (Burnley) et le duo de West Ham Vladimir Coufal/Tomas Soucek. L'ancien défenseur de la Narodni tym David Rozehnal s'est montré élogieux sur le milieu londonien, dans le magazine français So Foot:
Des huit quart de finalistes de cet Euro 2020, la République tchèque est celui qui a la moins grande possession de balle (46%). Mais elle n'en est pas moins dangereuse pour autant. «Cette équipe peut faire mal sur les contres, prévient Jaroslav Plasil. Grâce à un bloc solide et beaucoup d'efforts collectifs, elle a très bien défendu jusqu'à présent. Elle me fait penser à la France en 2018.» Des Tricolores qui avaient, pour rappel, été sacrés champions du monde cette année-là...
L'ancien milieu de Bordeaux, Monaco et Osasuna, entre autres, voit aussi un autre point fort chez ses compatriotes: «Ils sont efficaces sur coups de pied arrêtés, comme ça a été le cas face aux Pays-Bas. Là encore, l'état d'esprit est décisif: on ne peut marquer que si on y croit.»
Face au Danemark, le technicien bordelais s'attend à une partie difficile, surtout mentalement. Mais il est convaincu que les footballeurs tchèques répondront à nouveau présents, «parce que les supporters veulent voir une équipe qui joue avec son cœur.» Ils ont tout intérêt à le faire, aussi d'un point de vue individuel: «L'équipe nationale est une vitrine pour les joueurs qui veulent partir à l'étranger. S'ils y parviennent, leur expérience renforcera encore la sélection pour les années suivantes», anticipe Plasil.
L'ex-international (103 sélections) est persuadé que la Narodni tym peut aller au bout de cet Euro. Et du coup, faire mieux que la dream team tchèque – dont il faisait partie avec Nedved, Baros, Rosicky, Cech et Koller, entre autres – éliminée en demi-finale par l'immense surprise grecque au Portugal il y a 17 ans (défaite 1-0 après prolongations).
Son pronostic contre le Danemark? «2-1 pour la République tchèque.»