«Beaucoup d'amis m'avaient envoyé cette photo après la rencontre, et elle m'avait bien fait marrer!» Au bout du fil, Giorgio Contini en plaisante encore. L'actuel coach de Grasshopper se souvient très bien de la seule fois où il a «affronté» Christian Constantin dans un match de football. C'était le 7 mars 2021. Le FC Lausanne-Sport, alors dirigé par Contini, avait reçu le FC Sion au stade de la Tuilière et «CC» s'était assis sur le banc qu'occupait jusque-là Fabio Grosso.
Quelques secondes avant le coup d'envoi, l'entraîneur autoproclamé des Sédunois avait claqué une bise sur la tempe de son homologue vaudois. La scène avait surpris tout le monde, à commencer par celui qui l'avait saisie, le photographe de l'agence Keystone-ATS Laurent Gilliéron.
Cela avait fonctionné puisque Sion s'était imposé 3-1. Mais d'autres que le photographe avaient perçu ce geste comme une marque de supériorité, un petit jeu de domination dont «CC» était sorti gagnant. Il y avait le sentiment qu'à quelques secondes du coup d'envoi, un entraîneur avait pris le dessus sur l'autre. Mais ce n'est pas du tout ainsi que Giorgio Contini l'avait ressenti:
Contini n'a jamais considéré que le protocole d'avant-match constituait le premier mouvement d'un joueur d'échecs, l'occasion de monter dans les tours. «Nous ne sommes pas les protagonistes de la partie. On peut gueuler un peu, c'est vrai, mais ce n'est pas nous qui marquons les buts. Je n'ai d'ailleurs jamais vu l'entraîneur adverse comme une personne à battre.»
Quand «GC» parle de «CC», et de ce 7 mars 2021, il dit que Constantin avait «fait l'entraîneur», comme s'il tenait à marquer une différence avec le fait «d'être un entraîneur». «Parce que le métier de Christian, c'est président», rappelle-t-il quand on l'interroge sur le sens de sa formule. Ce jour-là donc, le coach du LS avait été battu par un dirigeant, et il serait légitime qu'un entraîneur diplômé et expérimenté, habité par l'ego de la profession, en ressorte affecté, voire tourmenté. Mais ce n'est pas ainsi que Contini a vécu sa défaite.
Giorgio Contini s'est aperçu cette semaine que sa photo avec Christian Constantin était soudain réapparue sur les réseaux sociaux. «Certains supporters espèrent que Christian restera sur le banc jusqu'au 18 mars, pour qu'il puisse me donner un nouveau bisou, puisque nous affronterons le FC Sion ce jour-là avec GC», se marre le coach au crâne lisse, qui aime beaucoup le président valaisan. «On s'est souvent croisé ces dix dernières années, surtout autour des terrains, mais aussi une ou deux fois dans le privé, pour parler d'autre chose que de football.» Ces deux personnalités ont en commun l'amour du jeu, une approche tactile et le tempérament latin «de ceux qui essaient de transmettre des émotions».
On suggère au coach de GC que s'il apprécie autant Constantin, c'est certainement parce qu'il n'a jamais été son entraîneur. La remarque le fait rire. «Peut-être, en effet. Peut-être qu'un jour je tiendrai un autre discours mais jusqu'à présent, c'est comme ça.»
Giorgio Contini est l'un des rares entraîneurs de Super League à n'avoir jamais été sollicité par le dirigeant sédunois, sans doute parce qu'il avait toujours une équipe quand l'occasion aurait pu se présenter. Mais s'il avait été libre? La perspective de recevoir plus de reproches que de bisous l'aurait-elle séduite? Quand on lui demande s'il aurait accepté le poste, il rit d'abord, prévient ensuite –«c'est une blague»– et conclut avec amusement: «Si on considère mon profil et mon parcours, les crises que j'ai traversées à Lausanne et GC ces dernières années, la suite logique devrait être le FC Sion, non?!»