La défaite de trop. Celle du 6 novembre dernier, face à Ajoie après prolongations (3-4). L'entraîneur de Genève-Servette Patrick Emond doit partir. Son équipe n'a gagné que 7 matchs sur 23. Même le bilan glorieux de la saison précédente, avec une place en finale, ne peut plus aider le Canadien.
A ce moment, les Aigles, 11e, n'ont que trois points de plus que Langnau et cinq de retard sur Berne. Désormais, ils sont 8e du classement, avec 29 longueurs d'avance sur les Emmentalois et 11 sur les Ours.
Entre-temps, Jan Cadieux est passé de coach assistant à coach principal. Louis Matte a gardé son poste d'assistant et Rikard Franzén est arrivé en tant qu'assistant supplémentaire.
Le Suédois avait déjà occupé ce poste à Langnau, aux côtés de Heinz Ehlers, pendant deux ans. Il était devenu entraîneur principal des Tigres la saison dernière. Une saison bien particulière: pas de spectateurs, pas de relégation, pas d'investissements. La plupart du temps, le technicien scandinave devait faire sans joueurs étrangers. Souvent, il n'avait qu'un junior comme gardien. Dans ces conditions, la 12e et dernière place était inévitable. Malgré tout, le contrat de Rikard Franzén n'a pas été prolongé et il s'est retrouvé au chômage au printemps 2021.
Aujourd'hui, Rikard Franzén écrit, avec Jan Cadieux et Louis Matte, une success-story à Genève. Après son départ de Langnau, il est retourné en Suède. Avec une seule idée en tête:
Le Suédois a refusé quelques offres d'autres championnats. Et puis est arrivé le coup de fil du directeur sportif de Genève-Servette, Marc Gautschi, mi-novembre.
Dans la cité de Calvin, le changement d'entraîneur n'implique pas une nouvelle ligne directrice. Louis Matte travaille depuis 2003 pour les Aigles, avec un poste d'assistant dès 2008. Jan Cadieux, fils de l'entraîneur légendaire Paul-André Cadieux, vit sa troisième saison au bout du Léman.
Le renouvellement du coaching staff genevois est donc plutôt un petit tour de vis, avec un effet maximal. La culture de la performance est intacte. Il n'y a pas besoin de révolution. Pas de nouveau départ. Il s'agit d'ajuster le jeu, l'organisation défensive et la discipline. De rétablir l'équilibre entre l'attaque et la défense.
Jan Cadieux, Louis Matte et Rikard Franzén ont tendance à travailler en équipe grâce à leur expérience d'assistants. Ils privilégient un style de management collectif. Aucun d'eux n'est un entraîneur principal renommé et n'a le profil d'un véritable général qui peut tout faire. Il n'y a pas de conflit d'ego. Des conditions idéales quand il est question d'assurer la continuité. Quand tout ne doit pas être chamboulé. L'évolution plutôt que la révolution.
Avant le départ de Patrick Emond, Servette encaissait plus de trois buts par match. Depuis le changement d'entraîneur, ce chiffre est inférieur à deux. Côté attaque, les Aigles sont passés de 2,5 réussites par match à plus de 3. Autrement dit, quand Emond est parti, leur goal-average était de 58-80 (-22). Ce mercredi, il est quasiment à l'équilibre (110-112).
On reconnaît ici la signature de Rikard Franzén. Ce compagnon de longue date du magicien-tacticien Heinz Ehlers s'y connaît en tactique. L'art d'enseigner le jeu sans puck en fait partie: si tous ceux qui n'ont pas la rondelle bougent et se placent correctement, la moitié du chemin est déjà parcourue.
La question est intéressante: où en serait Langnau si Rikard Franzén était resté? Tout le monde est plus intelligent après. Comme après la guerre, où chaque soldat est un général.
L'amélioration d'une équipe n'est, souvent, pas seulement le fruit du travail des nouveaux entraîneurs. Elle est aussi due à Patrick Emond: il a réussi à laisser une équipe intacte.
Un changement positif après l'arrivée de nouveaux coachs dépend souvent davantage de l'environnement que de la personnalité des entraîneurs. «Dis-moi si un changement d'entraîneur a un impact, et je te dirai dans quel état se trouve un club de hockey», pourrait-on utiliser comme mantra.
Le directeur sportif servettien Marc Gautschi avait envisagé d'engager Sam Hallam comme entraîneur principal pour la saison prochaine. Mais le Suédois va devenir le nouveau sélectionneur de son pays. Le triumvirat composé de Jan Cadieux, Louis Matte et Rikard Franzén pourrait donc être la solution d'avenir des Aigles.
Adaptation en français: Yoann Graber