Pourquoi il est presque impossible d'assister à la Fête de lutte
En réalité, il ne devrait pas être difficile d’obtenir un billet pour la Fête fédérale de lutte à Mollis, dans le canton de Glaris. Et pour cause: l’arène peut accueillir 56 500 personnes. Pourtant, décrocher un ticket est extrêmement compliqué. Sans connaître le système de distribution propre à l'événement, les chances d’y parvenir sont quasi nulles. En revanche, ceux qui le comprennent peuvent le contourner et, avec un peu de préparation, décrocher leur place pour ce rendez-vous très convoité.
Sur l'ensemble des 56 500 places de l'arène, seulement 4 000 ont été mises en vente libre sur internet. «Lorsque nous avons ouvert la billetterie en mai, tous les billets sont partis en un quart d’heure», raconte Rolf Gasser, membre du comité central de l'Association fédérale de lutte suisse (AFLS).
Mais alors, où vont les billets restants?
34 000 places sont attribuées par la fédération à ses clubs affiliés, qui les revendent ensuite à leurs membres. Ce lot comprend également les billets réservés aux fonctionnaires de l'AFLS, aux membres d’honneur ainsi qu’aux rois de la lutte. Rolf Gasser explique:
18 500 billets sont ensuite alloués aux nombreux acteurs directs de la fête, un événement dont le budget dépasse les 40 millions de francs. Sont concernés les invités d’honneur de la fédération et du comité d’organisation, les propriétaires de terrains, les prestataires, les VIP (politiciens, représentants des autorités locales, cantonales, fédérales et militaires), ainsi que les sponsors qui, eux-mêmes, invitent leurs propres hôtes. C’est une conséquence directe de la commercialisation grandissante de la Fête fédérale de lutte suisse.
Connaître ce système permet de le contourner et d’obtenir un billet. Mais ici, une règle prévaut: les bonnes relations ne nuisent qu’à ceux qui n’en ont pas. Deux chemins mènent à Glaris ou à Thoune, qui accueillera dans trois ans la prochaine édition.
Le premier passe par le réseau économique. Entretenir des relations d’affaires avec une entreprise partenaire de l’événement, ou connaître quelqu’un au sein de sa direction, augmente considérablement les chances d’obtenir un billet, parfois même gratuitement.
L’autre voie, sans doute la plus sûre, passe en quelque sorte par le bistrot du coin. Un chemin plus long, qui comprend toutefois un péage. Les 34 000 billets confiés aux 170 clubs de lutte sont en priorité vendus à celles et ceux qui s’engagent activement pour la préservation de la culture de la sciure. Autrement dit, à celles et ceux qui montrent leur attachement à la lutte par leurs actes. Les clubs indiquent à la fédération combien de billets ils souhaitent; la répartition se fait ensuite proportionnellement au nombre de licenciés.
Rolf Gasser affirme qu’il est généralement possible de satisfaire les demandes. Celui qui, au plus tard deux ans avant l’événement, tisse de bons liens avec son club local, complimente la lutte autour d’un verre, offre une tournée quand le président ou le secrétaire est là, parraine un prix pour une compétition locale, aide au montage ou démontage de la buvette, paye pour une publicité dans le journal du club ou offre un survêtement ou des culottes neuves, peut être quasiment certain de recevoir des billets pour la prochaine fête. Mais cela représente, en plus du prix du ticket (jusqu’à 290 francs à Mollis), plusieurs centaines de francs supplémentaires au profit du club.
Quid du marché noir? Rolf Gasser reconnaît son existence: «Mais juridiquement, nous ne pouvons rien faire». Cela dit, la fédération n’est pas inactive: «Si nous voyons que quelqu’un propose des billets à des prix excessifs sur une plateforme en ligne et qu’il est membre d’un club, nous intervenons». Il n’y a pas de sanctions, mais la personne est contactée et avertie. Ce comportement diminuera à l’avenir les chances d’obtenir des billets, tant pour lui que pour son club.
Et pour les faux billets? Gasser se montre confiant: la falsification est très difficile. «Le fabricant a tout fait pour rendre les billets infalsifiables.» Il serait donc plus facile de payer sa tournée dans un bar de Mollis avec un faux billet de 100 francs que de réussir à contrefaire une entrée officielle.
Enfin, une rumeur circule sur une méthode ayant déjà fonctionné par le passé: se déguiser en boucher, vêtir une tenue professionnelle, transporter des saucisses dans un bac, et foncer, l’air pressé, vers l’entrée. Le personnel, pensant à une livraison urgente de saucisses (il en faut une grande quantité), laisserait alors passer sans contrôler l’accréditation. Cependant, rien ne garantit que cette astuce fonctionne encore en 2025.
