Cinq courses, cinq défaites. Les éliminatoires de la Coupe de l'America ne pouvaient pas plus mal débuter pour le défi suisse Alinghi Red Bull Racing. Mais l'équipe s'est battue de manière admirable et se trouve désormais en demi-finale des Challenger Selection Series. Le vainqueur de cette compétition affrontera en octobre prochain la Nouvelle-Zélande pour la victoire finale en Coupe de l'America. Le collectif Alinghi fera-t-il aussi bien qu'en 2003 et 2007? Cinq suisses vont tout faire pour!
Arnaud Psarofaghis est aux commandes du bateau. Il n'est autre que le skipper de l'équipe et fait un peu la pluie et le beau temps sur le navire. Psarofaghis, 36 ans, est né à Corsier (GE) et a navigué dès son plus jeune âge. Il n'avait que trois ans lorsqu'il est monté pour la première fois sur un voilier – ses parents et son oncle étant des passionnés. Adolescent, chaque minute de son temps libre était dédiée à la navigation.
Il était clair que le Genevois travaillerait dans le milieu. Il a commencé par concevoir des voiles puis s'est engagé avec Alinghi en 2016. C'est à ce moment là qu'il est devenu navigateur professionnel. Le fait de pouvoir défendre les couleurs helvétiques à la Coupe de l'America le remplit de fierté. «Je suis un grand fan d'Alinghi depuis ma tendre enfance. Cela a toujours été un rêve pour moi de naviguer pour cette équipe», a déclaré Psarofaghis lors d'une visite des journalistes de CH Media, le groupe auquel watson appartient, à Barcelone. L'homme apprécie le fait de pouvoir naviguer sur un bateau hors du commun: le «Boat One».
Psarofaghis est également l'un des deux barreurs d'Alinghi. Comme les membres de l'équipage n'interchangent pas les positions durant les régates, il ne perçoit qu'une moitié du bateau en course. Il est donc important de bien communiquer avec le deuxième barreur. «C'est une toute autre façon de naviguer», explique Psarofaghis. Lorsque l'équipe Alinghi Red Bull Racing s'est retrouvée dos au mur après un début de compétition désastreux, le skipper de 36 ans ne s'est pas laissé déstabiliser. Son coéquipier, Franco Noti, a ainsi déclaré à la SRF:
Maxime Bachelin est l'autre barreur du défi suisse. Enfant prodige de la voile, il est à 26 ans le plus jeune membre de l'équipage. Bachelin a commencé à naviguer à l'âge de huit ans et est venu à la voile grâce à son frère Jérémy, de cinq ans son aîné. Ce dernier avait été inspiré par les victoires d'Alinghi à la Coupe de l'America. Maxime est talentueux et se fait rapidement remarquer. Il devient champion d'Europe juniors dans la catégorie olympique des 49er. Sa voie semble toute tracée en direction des Jeux olympiques de Paris 2024, mais voilà qu'une offre d'Alinghi se présente à lui.
Maxime Bachelin navigue alors avec Arno de Planta. Ils s'étaient promis entre eux: «Si l'un de nous parvient à rejoindre Alinghi, qu'il y aille». Bachelin est recruté et de Planta reste à quai. «Cela n'a pas été facile pour moi. Je ne voulais pas arrêter le projet avec Arno, mais il y avait la possibilité de faire partie d'Alinghi». Pendant qu'Arno de Planta a terminé sixième en compagnie de Sébastien Schneiter, cet été aux Jeux de Paris, Bachelin a réalisé son rêve et a rejoint Alinghi.
Yves Detrey est le seul marin à avoir été de toutes les campagnes Alinghi. Il n'était qu'un jeune homme lorsqu'il a célébré les succès de prestige en 2003 et 2007. Le Vaudois est aujourd'hui, à 45 ans, un homme d'expérience. C'est le régleur de l'équipe, autrement dit celui qui est responsable de la bonne tenue des voiles et de la vitesse du bateau.
Les autres membres de l'équipage pourraient être ses enfants. Mais Yves Detrey ne se sent pas vieux pour autant. «Je pense que nous pouvons profiter les uns des autres. Les plus jeunes sont peut-être parfois un peu plus naïfs, mais aussi beaucoup plus courageux. J'apporte en revanche l'expérience», explique-t-il. D'un point de vue technique, beaucoup de choses ont changé au cours des vingt dernières années. Les bateaux ne sont plus comparables à ceux de ses premières aventures. Detrey est dorénavant attiré par le mode foiling, qui permet aux voiliers de voler sur l'eau.
Quand l'équipe Alinghi s'est retirée de la Coupe de l'America, Detray est resté. Il a navigué en dessous des radars, mais le succès est resté. Il a ainsi remporté le Championnat du Monde GC32 en 2019 et le GC32 Racing Tour la même année, puis deux ans plus tard. Yves Detrey a dû se battre contre des concurrents plus jeunes pour maintenir sa place dans le groupe lorsque l'équipe Alinghi a décidé de revenir en Coupe de l'America. Puis, au début de la campagne, il a lutté contre des problèmes de dos et une hernie. Or il est de nouveau en pleine forme et veut plus que jamais revivre les émotions du passé.
Lorsque le «Boat One» est en mer au large de Barcelone, Antoine Sigg n'est pas à bord. Or si Alinghi venait à gagner une nouvelle fois, le succès lui reviendrait aussi. Il travaille dans l'équipe en tant que Fiber Optic Manager. Il est en fait responsable du développement du bateau et est l'une des nombreuses mains qui travaillent en coulisses pour faire de l'embarcation une F1 des mers.
Ayant grandi à Nyon, Sigg était un enfant passionné par la voile. «Je voulais étudier quelque chose en lien avec ce domaine», explique-t-il. Il suit le cursus Science et génie des matériaux à l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) et est impliqué dans le projet Alinghi dès son Bachelor, car l'équipe collabore avec l'université. Il la rejoindra plus tard et travaillera pour elle.
Lorsque le défi suisse se retire de la Coupe de l'America en 2010, Sigg poursuit sa carrière au plus haut niveau et rejoint l'équipe suédoise Artemis, puis American Magic. Le bateau chavire en 2021 en plein round robin et échappe de peu au naufrage. Le Nyonnais le retape alors en un temps record avec ses hommes. Il ne prévoyait pas de revenir chez Alinghi. Il pensait même se retirer un peu du milieu, afin de profiter de ses trois enfants. Or lorsque la possibilité de participer à la Coupe de l'America avec le bateau suisse s'est présentée, il était clair qu'il devait prendre part à cette aventure.
Barnabé Delarze est un athlète puissant. Lorsque le bateau, porté par les vents, navigue vers la victoire, il pédale fort comme trois de ses collègues. Les voiles étaient autrefois réglées à la main. Or l'énergie nécessaire est désormais produite par des vélos. Delarze participait encore aux Jeux olympiques de Tokyo il y a trois ans, en aviron. Il a terminé cinquième avec Roman Röösli en finale du deux de couple et s'est tourné vers la voile après avoir remporté la légendaire Boat Race contre Cambridge lors de son semestre à Oxford.
Les rameurs, puissants, font parfaitement l'affaire sur les navires de compétition. Le fait qu'ils soient lourds – contrairement aux cyclistes – n'est pas un inconvénient. Delarze mesure 1m93 et pèse près de 100 kilos. Il occupe une place fixe sur le bateau et garde les yeux rivés sur un écran qui lui indique le moment où il doit fournir son effort. Si une manœuvre est prévue, lui et ses trois compères écrasent les pédales pendant 20 à 30 secondes.