Elle était très attendue sur 100 m mais elle n'est jamais venue, suspendue des JO pour un contrôle positif à la marijuana. Sha’Carri Richardson deviendra peut-être une martyr de la fumette: interpellée sur ce cas embarrassant, l'AMA annonce que le statut des cannabinoïdes sera réévalué.
Richardson a révélé qu’elle fumait depuis le décès de sa mère, pour soulager une douleur atroce, ce qui participe bien d'une forme de dopage. Mais à quel degré? Comme le baume au coeur ou la tricherie dans le sang? Au Canada, où le cannabis est en vente libre, la suspension de la sprinteuse aura suscité une grande incompréhension, sur le principe plus ou moins admis: comment un petit joint peut-il faire autant de mal?
L'AMA promet de réétudier la question - et chacun aura deviné la réponse que la fédération d'athlétisme lui souffle à l'oreille, puisque le président (et ancien champion) Sebastien Coe commente sobrement: «Il n'est pas déraisonnable aujourd'hui d'avoir un réexamen...»
Assez naturellement, le changement de paradigme ne dissipe pas tous les doutes, notamment celui de l'effet dopant. Certaines études continuent de mentionner un pouvoir relaxant rédhibitoire, aussi bien psychologique que musculaire, dans des disciplines de haute précision (tir, etc) ou à risques élevés (escalade, etc); d'où l'intérêt de planer, très éventuellement.
La pétanque, un temps, a semblé mal tourner, perdue dans une règlementation floue et des effluves de mauvaise herbe. La démarche, ici, viserait moins la gaieté que le cochonnet.
Un point de vue que relativise Raphaël Faiss, responsable de recherche à l’Institut des sciences du sport de l’UNIL:
Le chercheur rappelle que l’évaluation d’un produit s’opère autour de trois critères:
«Pour qu’un produit soit intégré à la liste d’interdiction, il doit enfreindre au moins deux de ces critères.»
Raphaël Faiss cite d'autres substances équivoques: «Certaines boissons bien établies socialement, dont la deuxième boisson la plus consommée au monde, présentent des taux de caféine et/ou de cocaïne qui, à partir d’une certaine quantité, peuvent devenir problématiques en termes de dopage.»
D'une question philosophique, le cannabis est aussi devenu un sujet économique, avec ses propres fonds (ETF) côtés en bourse et un enjeu politique majeur. Raphael Faiss ne le cache pas: «La lutte antidopage est financée par les états. On ne peut pas exclure qu’un pays comme le Canada, dont la population est plutôt favorable au cannabis, exerce une certaine pression politique sur l’AMA (ndlr: qui a son bureau principal à Montréal).»
Là encore, la question divise:
Raphael Faiss conclut avec le troisième critère, l'esprit du sport, pour trancher finement la question sous-jacente des vrais tricheurs et des faux problèmes.