Une dépêche de l'agence ATS nous apprenait la semaine dernière que la Suisse était sur le point de trouver l'hôtel dans lequel elle résidera lors du Mondial au Qatar (21 novembre - 18 décembre). Mais aussi qu'avant «de finaliser son choix», l’Association suisse de football (ASF) entendait «veiller à ce que ces hébergements aient respecté les droits des travailleurs et les droits humains lors de leur construction».
Par quels moyens, maintenant que les chantiers sont terminés? Comment la Nati peut-elle être certaine de choisir un hôtel correspondant à ses valeurs? Ces questions, nous les avons posées à Adrian Arnold, chef de presse de l'ASF ainsi qu'à Hasni Abidi, politologue au Global Studies Institute de l’Université de Genève.
La FIFA a formulé trois propositions d'hébergement à l’Association Suisse de Football. Pour faire son choix, l'équipe de Murat Yakin a diligenté deux enquêtes:
Le responsable de la communication explique que l'ASF a eu «très tôt conscience de l'importance du respect des droits humains dans le pays hôte de la prochaine Coupe du monde». La première rencontre entre les dirigeants de la Nati et Amnesty International a ainsi eu lieu à l'été 2020 déjà. «Le président de l'ASF Dominique Blanc a par la suite mené un groupe de travail composé de divers représentants, dont la FIFA, l'UEFA, Amnesty International et plusieurs sélections participant au Mondial. Ce collectif a déjà effectué deux visites à Doha. Une troisième est déjà prévue.»
Ces efforts, s'ils sont louables, peuvent-ils aboutir? La Suisse a-t-elle une chance de trouver un hôtel ayant été respectueux des droits de l'Homme lors de sa construction? Spécialiste du monde arabe, Hasni Abidi nuance.
Hasni Abidi explique toutefois que «les entreprises internationales qui ont été mandatées pour construire les infrastructures de la Coupe du monde ont dû remplir le cahier des charges en matière de respect des droits des travailleurs». Mais comment en être certain?
Le spécialiste poursuit: «Les hôtels étant déjà construits, les employés ont certainement déjà quitté le lieu de travail pour aller sur un autre chantier ou pour rentrer chez eux. On ne peut dès lors plus leur demander s'ils ont reçu leur salaire à temps, s'ils ont été payés pour les heures supplémentaires qu'ils ont effectuées, etc. On ne peut interroger que les propriétaires des hôtels ou les entreprises qui avaient la charge de les bâtir. Vous pensez bien que ces interlocuteurs nous diront ce qu'ils ont envie. Le syndicat Unia n'a aucun moyen de vérification objectif.»
La démarche de la Suisse n'est pas vaine pour autant. «Les démarches effectuées permettent de mettre la pression sur les autorités qataries, de leur dire: «On regarde de près les conditions dans lesquelles va se disputer le tournoi», souligne M. Abidi. C'est aussi un message pour l'avenir. Imaginez si une liste d'hôtels ayant été construits sans respecter les droits des travailleurs était publiée demain. Cela permettrait aussi aux voyageurs de boycotter certains établissements et d'exercer une pression sur les autorités locales, qui perdurerait après les grands évènements comme la Coupe du monde.»
La Coupe du monde au Qatar, la première de l'histoire en hiver, s'avance comme un laboratoire du futur, et pas seulement sur le terrain.