Quand ils ont appris qu'ils allaient recevoir Servette en 32e de finale de la Coupe de Suisse, les dirigeants de Saint-Prex (5900 habitants) ont sauté de joie. Cinq semaines ont passé, et ce n'est plus vraiment la même ambiance sur la Côte.
Le Vaudois est assis sur l'un des deux bancs de touche. En face, trois ouvriers finissent d'assembler une plate-forme de 25m, destinée aux médias et VIP. Derrière lui, des bénévoles réceptionnent des frigos et des fûts de bière. Partout, ça visse, ça grince et ça bourdonne. C'est le chantier.
Le petit stade de Marcy ressemblera dimanche (coup d'envoi à 15h) à ces villages du sud de la France qui, aux beaux jours, voient leur affluence exploser. L'Amical Saint-Prex (2e ligue inter) rassemble en moyenne 200 personnes en championnat contre Collex-Bossy ou Genolier-Begnins; ils seront huit fois plus pour la venue de Servette, un club au palmarès prestigieux, qui fédère à travers toute la Suisse.
Le téléphone de M. Brodard ne cesse de sonner. Lorsqu'un problème est résolu, deux autres surgissent. Les bénévoles ont dégoté une machine à glaçons; il faut désormais trouver une prise de terre, afin de la brancher sans faire sauter les plombs. Casse-tête permanent, que le président nous explique en nous invitant à faire le tour du stade avec lui.
Ce qui frappe d'entrée, c'est le peu de dégagement autour du stade. Concrètement: le site est conçu pour recevoir quelques centaines de personnes, mais pas davantage.
Or, pour une 32e finale de Coupe de Suisse, au moins 600 places de parc doivent être disponibles. Où les trouver? «Nous avons réquisitionné plusieurs parkings du village. L'entreprise Fischer Connectors nous met gracieusement le sien à disposition. Et puis, on utilisera aussi un champ derrière un but.»
Le bricolage est permanent. C'est de la débrouille et des contacts. Par chance, Bernard Brodard est architecte. Il connaît du monde dans le bâtiment. Les copains sont venus donner un coup de main. «Tous les échafaudages m'ont été prêtés et ont été installés par des amis», glisse-t-il, reconnaissant.
L'installation provisoire la plus imposante est cette plate-forme, située en surplomb du terrain.
En grimpant sur la structure, le président a un doute: la barrière de sécurité, telle qu'elle est fixée, empêche la caméra de balayer l'ensemble du terrain. Faut-il retirer la sécurité, au risque de mettre en danger les équipes de télévision? Nouvelle prise de tête et coup de fil à Genève pour se renseigner sur les exigences des médias.
Ce n'est pas mieux au pied de la tour. Il n'y a guère de place entre la ligne de touche et la rambarde («ce n'est pas le Camp Nou», se marre le dirigeant) pour y installer une caméra, comme demandé par les diffuseurs. Il faut donc modifier l'installation et dévisser le portail.
Derrière les deux buts, on distingue une pile de grillages destinés à fermer le site.
Car le stade de Marcy est, comme tous les stades de village, un endroit semi-ouvert, au sein duquel les habitants peuvent circuler librement. Or, impossible d'approcher du terrain dimanche sans avoir un billet (et un pass sanitaire). Les dirigeants doivent donc grillager le site et imaginer trois points d'entrée, respectivement de contrôle. «Nous allons mettre en place des couloirs de 3m sur 10, afin de procéder aux formalités d'entrée.»
Le tour du stade se termine par le chemin qui mène au vestiaire. D'ordinaire, à Saint-Prex, c'est l'endroit où les fans donnent une petite tape amicale sur le dos de leurs potes en leur souhaitant bonne chance. Mais en Coupe de Suisse, cette zone est sacrée. On l'appelle la «zone 1».
Au même titre que le vestiaire et le terrain, le chemin entre les deux n'est accessible qu'à un contingent limité de personnes, dûment enregistrées auprès de l'ASF. Saint-Prex doit donc l'interdire aux spectateurs. Comment? Avec de nouvelles barrières, réquisitionnées pour l'occasion, et qui seront déployées avant le coup d'envoi, à la mi-temps et à la fin du match.
Il y a enfin les aménagements visibles et tous ceux qu'on ne voit pas:
On vous passe les exigences de l'ASF sur les panneaux publicitaires autour du stade, sur la dénomination «Coupe Suisse» qui doit être absolument respectée sur toutes les affiches (on ne dit pas «Coupe de Suisse») ou encore sur l'emplacement exact des sponsors sur les maillots.
Avec tout ça, il faut espérer que Saint-Prex n'encaisse pas trop de buts sur le terrain et un maximum d'argent en coulisses. «Le budget d'une telle rencontre se situe entre 50 et 60 000 francs, estime le président vaudois. On ne vise aucun bénéfice. On espère simplement amortir les dépenses grâce notamment aux buvettes, au sponsoring et à la billetterie.» Servette a promis de participer, en prenant en charge une partie des frais liés à la sécurité et peut-être à l'arbitrage.
Un geste que le club grenat n'était pas tenu de faire et qui témoigne des menaces qui planent sur les petites équipes dans ce genre d'évènements, pourtant souvent présentés comme de formidables opportunités pour les amateurs.