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Coupe du monde 2022: Les experts n'ont rien vu venir

Coupe du monde 2022: Les experts n'ont rien vu venir
Badr Benoun et ses coéquipiers du Maroc ont déjoué tous les pronostics depuis le début de la Coupe du monde au Qatar.

Maroc, Naples, Leicester: pourquoi les experts n'ont rien vu venir

Il n'y a jamais eu autant de données ni de modèles de prédictions dans le football. Pourtant aucun analyste n'avait prédit que le Maroc serait en demi-finale du Mondial, que Naples aurait 8 points d'avance en championnat et que Leicester remporterait la Premier League en 2016. Comment est-ce possible? Un expert répond.
12.12.2022, 16:5912.12.2022, 19:22
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Raffaele Poli, vous êtes responsable et cofondateur du CIES, le Centre international d’étude du sport. Vous êtes un homme de chiffres, un scientifique du football. Pourtant, ni vous ni vos collègues n'ont pu prédire les épopées du Maroc, de Naples ou de Leicester. Pourquoi?
Bon, Samuel Eto'o (réd: qui annonçait que les équipes africaines allaient frapper un grand ocup et que le Cameroun serait champion du monde) avait quand même vu juste... (ironique).

C'est vrai qu'on avait oublié le théorème de Samuel Eto'o.
Et celui de Paul le Poulpe, aussi. Mais il n'a plus refait parler de lui, il a dû se tromper! Plus sérieusement, sur les trois équipes que vous citez, même s'il y a des écarts de compétitivité avec certaines autres, aucune n'est, ou n'était, complètement dépassée dans sa compétition.

Pour autant aucun modèle, parmi les plus sophistiqués, n'a été capable de prédire leurs victoires.
Parce que cela dépend aussi du format de compétition. La Coupe du monde par exemple, au-delà de la phase de poules, est un tournoi à élimination directe. Or plus vous avez des aléas en lien avec le format de compétition, plus les pronostics sont difficiles à établir. Lyon est arrivé en demi-finale de la Ligue des champions en 2020, lorsque les quarts et demis se sont disputés sur un seul match et sur terrain neutre.

Mais c'est en championnat que Leicester a brillé, sur 38 journées. Il y a tout de même moins d'aléas.
C'est vrai, mais c'était absolument exceptionnel. Leicester, c'est du domaine de l'imprévisible. Comment ça arrive? Je vous renvoie à la lecture du livre «Le hasard sauvage». Il y a des choses qu'on ne peut pas prévoir et c'est ainsi dans tous les domaines. Avec le recul, on peut imaginer qu'il y a eu une alchimie, une magie qui s'est créé à ce moment-là dans le groupe. Quant à Naples, c'est quand même l'équipe qui a le deuxième contingent le plus cher d'Italie. Après, ça n'explique pas non plus pourquoi ils ont 8 points d'avance sur Milan.

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Les Napolitains (ici Politano) sont en train d'émerveiller la Serie A.Image: AP LaPresse

Vous parliez du Mondial comme d'un tournoi à élimination directe dès les 8es de finale. Mais avant, il y a une phase de groupes. Or le Maroc a dû disputer trois matchs, une sorte de mini-championnat, pour sortir d'une poule composée de la Belgique, de la Croatie et du Canada. Est-ce que ce type d'exploits rend votre travail de chercheurs encore plus passionnant, ou est-ce au contraire décourageant?
Notre ambition n'est pas de prédire les résultats d'une compétition. On traite des données (réd: les valeurs des joueurs, leurs chances de buts, leurs temps de jeu etc.) qui permettent d'expliquer un certain nombre de choses, mais si on avait toujours raison, si la réalité ne faisait que confirmer les chiffres, alors notre travail ne servirait plus à rien. Donc heureusement qu'il y a des surprises. Vive les surprises!

Elles sont aussi dues à la progression de certains joueurs, que les prédictions peuvent par définition difficilement anticiper.
Quand on fait des modèles prédictifs, on regarde ce qu'il y a eu dans le passé et on pense que les mêmes choses vont se reproduire à l'avenir. Donc on fige les choses, forcément. Or le joueur évolue, l'équipe aussi, selon qu'il y ait une alchimie ou pas. Le Maroc aurait très bien pu se faire sortir en phase de poules. Khvicha Kvaratskhelia, la pépite de Naples, aurait pu aussi avoir de grandes difficultés d'adaptation pour sa première saison dans le championnat italien. Faire l'histoire après coup, c'est facile. On appelle ça le biais de rétrospection: on a l'impression qu'on aurait pu prévoir, sans tenir compte de la part d'aléas.

D'ailleurs, certaines industries prospèrent grâce à ce biais de rétrospection, comme les compagnies de paris sportifs. Le parieur se dit souvent: «Ah mais ça, j'aurais pu le prévoir». Ce qui l'incite à rejouer.
Exactement. Comme on devine un bon résultat la première fois, on croit savoir. On se sent intelligent. C'est tout le problème.

Raffaele Poli, Responsable de l'Observatoire du football CIES, prend la parole a cote de Christian Binggeli, President de Neuchatel Xamax FCS, Christian Constantin President du FC Sion et Constan ...
Raffael Poli lors d'une conférence.Image: KEYSTONE

Y'a-t-il une seule donnée, un seul chiffre, qui aurait pu vous faire penser, en début de Mondial, que le Maroc pouvait être une surprise.
En tenant compte des qualités individuelles des joueurs, des clubs où ils sont passés, de leurs minutes de jeu etc., on aurait pu les situer dans le top 16. On aurait pu penser qu'un 8e de finale n'aurait pas été une immense surprise, mais arriver en demi-finale, c'est autre chose. Là, c'est la magie du groupe qui opère. Mais l'histoire de la Coupe du monde nous enseigne aussi que ce genre d'équipes surprises va rarement au bout. Cela dit, si Leicester a été champion, pourquoi pas le Maroc?

Finalement, c'est le groupe qui fait la différence. La Belgique a été éliminée en phase de poules parce que si elle avait de grands joueurs, elle avait une petite équipe.
Voilà.

La Coupe du monde se termine dimanche. Quels enseignements en retirerez-vous? Le modèle de prédictions s'améliore-t-il après chaque grande compétition?
Pas forcément. Au coup d'envoi du Mondial, on pensait que le Brésil serait favori mais on s'est rendu compte que dans une compétition à élimination directe, quand les joueurs qui s'affrontent évoluent tous dans des grands clubs, il y a peu d'écarts.

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