On ne peut pas dire que les biathlètes des Championnats du monde soient pétrifiés de peur lorsqu'ils voient Molly. Ils appellent la chienne, la caressent et prennent des selfies avec elle, tout en lui susurrant qu'elle est adorable. Oui, les athlètes aiment faire des câlins à Molly et, ce faisant, ils deviennent insoupçonnables.
Car Molly, un springer anglais de dix ans, sent les produits dopants. Dans les sacs, dans les conteneurs, mais aussi sur le corps des athlètes. Avec sa propriétaire, la contrôleuse antidopage suédoise Joanna Sjöö, la chienne parcourt les moindres recoins du site de Lenzerheide (GR) pour tenter de débusquer les contrevenants au dopage. Ce qui ressemble à une blague est en fait une affaire très sérieuse. Le commanditaire de Molly et de sa maîtresse est la Biathlon Integrity Unit (BIU), qui travaille à la prévention et aux contrôles pour un biathlon propre.
A la question de savoir s'il ne s'agit pas avant tout d'une opération de communication, le représentant de la BIU Jeremy Hope balaie:
La présence de la chienne a de quoi accroître nettement la visibilité de la BIU durant la Coupe du monde ou les Mondiaux de biathlon. Et donc, aussi, booster la sensibilisation au thème du dopage. Molly est aussi un «brise-glace», explique Joanna Sjöö. De nombreux entretiens avec des athlètes ont lieu grâce à la chienne. Des entretiens au cours desquels il est également question de dopage et de prévention.
Mais Molly peut aussi apporter une aide très concrète, se réjouit sa propriétaire. La chienne a déjà fourni à plusieurs reprises des indices qui ont permis d'interpeller un ou une athlète dans différentes disciplines sportives.
Jeremy Hope, le représentant de la BIU, ne répond pas à la question de savoir si Molly a déjà permis de confondre des dopés en biathlon, secret professionnel oblige. Ce que le Britannique affirme en revanche, c'est que «Molly trouve toujours quelque chose».
Mais il n'y a pas un drame à chaque fois.
Mais parfois, un «puzzle» – pour reprendre le terme de Joanna Sjöö – se construit au fil des jours, voire des années, grâce aux indices fournis par la chienne.
Depuis sept ans, Molly participe à différents événements sportifs, souvent en Suède mais aussi internationaux. Comme, justement, ces Mondiaux de biathlon en Suisse (12 au 23 février). L'agence antidopage suédoise est à l'origine du projet. Molly a été formée comme chien de police et de douane. Elle s'est ensuite rapidement spécialisée dans la détection de stéroïdes anabolisants, de testostérone synthétique et de nombreux autres produits dopants.
La palette de parfums du canidé est toutefois constamment élargie. Mais la BIU ne souhaite pas révéler dans quelle direction. «Nous voulons que les athlètes restent dans l'ignorance concernant tout ce que Molly peut sentir», justifie Jeremy Hope.
Mais on peut supposer que les sportifs ou leurs staffs ne sont pas si naïfs au point d'emporter d'éventuels produits dopants sur le site des Championnats du monde. Toutefois, il arrive que Molly détecte d'infimes traces d'odeur sur les textiles ou les corps, témoigne Joanna Sjöö. Si la chienne sent la suspicion, elle transmet très discrètement l'information à sa propriétaire. «Avec des petits signes que je suis la seule à comprendre», ajoute celle-ci. La BIU est ensuite alertée. Mais ce n'est que lorsque le puzzle commence à donner une image plus claire qu'une enquête est envisagée, précise Jeremy Hope.
Le travail de Molly semble si sophistiqué et si indispensable qu'on se demande pourquoi il n'y a pas plus de chiens renifleurs de produits dopants. Joanna Sjöö a la réponse:
La Suédoise ajoute qu'il ne faut pas non plus sous-estimer les coûts du projet.
En ski, le «dopage matériel» est également un sujet d'actualité. Avec par exemple le fluor, qui est interdit sur les skis de fond. Malheureusement, dans ce cas, Molly ne peut pas aider, regrette sa propriétaire.
Par contre, le springer anglais est parfois présent lorsque les contrôleurs antidopage rendent des visites annoncées à des clubs ou à des sportifs, à des fins de formation et de sensibilisation. Et sur certains événements, Molly reste en retrait – contrairement à ces Mondiaux – afin de ne pas attirer l'attention des athlètes sur elle.
Linn Gustafsson, représentante de la Biathlon Integrity Unit, voit une véritable mission à travers le canidé:
Dans le milieu du biathlon, la chienne est connue comme le loup blanc. Une preuve? Le compte Instagram personnel du springer anglais. Les sœurs grisonnes Aita et Elisa Gasparin posent avec la chienne sur une photo prise à Lenzerheide. Mais on peut aussi voir Molly avec des haltérophiles, des motards ou des joueurs de fléchettes.
Reste une question: les sportifs qui évitent Molly de manière frappante ont-ils de quoi être suspectés de dopage? «Bien sûr que non, il se peut aussi que ces personnes aient tout simplement peur des chiens», répond Jeremy Hope.
Et pourtant, ce pourrait être un indice. Ou, autrement dit, la première pièce du fameux puzzle mentionné.
Traduction et adaptation en français: Yoann Graber