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National League: les raisons du boom du hockey suisse

ZSC Fans verfolgen das sechste Playoff Final Eishockeyspiel der National League zwischen den ZSC Lions und dem Lausanne HC im Public Viewing in der Swiss Life Arena, am Samstag, 27. April 2024, in Zue ...
Dans le nouveau temple des Zurich Lions, comme ailleurs en Suisse, le hockey est une expérience qui se vit indépendamment du résultat du match.Image: keystone

Le boom du hockey suisse est dû à un changement improbable

Record de spectateurs, niveau de jeu, recettes: la National League n'a jamais autant cartonné. Ce succès est notamment lié à une nouvelle mentalité étonnante du public.
29.09.2024, 07:02
Klaus Zaugg
Klaus Zaugg
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Au cours des dix dernières années, aucune autre ligue au monde n'a connu un développement aussi stable que notre National League, tant sur le plan sportif que sur celui des infrastructures. La saison dernière, la moyenne de spectateurs par match est passée de 6'762 à un record absolu de 7'130.

La fin de la fête n'est pas encore en vue. Et ce, malgré que la ligue soit passée entre-temps de 12 à 14 équipes et que les nouveaux clubs (Ajoie et Kloten) n'aient pas atteint la moyenne de la ligue la saison dernière. Le responsable du calendrier, Willi Vögtlin, est optimiste:

«Je m'attends à un nouveau record de public pour la nouvelle saison»

Deux questions se posent:

  • Comment une telle évolution a-t-elle été possible?
  • Ce boom est-il durable?

Nous répondons à ces deux interrogations.

Miracle infrastructurel et grand divertissement

Le directeur général de la National League, Denis Vaucher, a une réponse simple à la première question:

«Nous avons un produit attractif»

Et il explique pourquoi ce produit est devenu si bon:

«L'infrastructure a été fortement améliorée ces dernières années et la ligue est désormais plus équilibrée que jamais»

Il a raison. Notre équipe nationale dépend fortement des stars de la NHL, mais notre championnat, autrement dit celui du triple vice-champion du monde 2013, 2018 et 2024, offre un bon hockey avec une valeur de divertissement élevée.

Eine Choerographie der Freiburger Fans im ersten Eishockey Playoff Viertelfinal Spiel der National League zwischen dem HC Fribourg Gotteron und dem HC Lugano, am Samstag, 16. Maerz 2024, in der BCF Ar ...
Le hockey sur glace est roi à Fribourg: la saison dernière, la patinoire était pleine à craquer à chaque match.Image: keystone

Celui qui assiste à l'un des 364 matchs de saison régulière voit du vrai hockey, du hockey de classe mondiale, et l'équilibre de la ligue fait que tous les résultats sont possibles pour toutes les rencontres.

Et, contrairement au football, il n'y a pas de concurrence de ligues étrangères à forte présence télévisuelle.

Seule la NHL est clairement meilleure sur le plan sportif, mais elle est pratiquement invisible à la télévision gratuite.

Le développement de l'infrastructure au cours des 15 dernières années est presque époustouflant: une nouvelle arène dans la vallée montagneuse déserte de la Léventine (Ambri), la patinoire la plus moderne d'Europe à Zurich, la ville qui n'arrive tout simplement pas à construire un nouveau stade de football.

De nouvelles enceintes à Lausanne, Bienne et Zoug ou encore celles, entièrement rénovées, de Davos, Langnau, Porrentruy et Fribourg: aucune autre ligue au monde n'a autant développé ses infrastructures en si peu de temps.

Ambri's fans, during the match of National League Swiss Championship 2021/22 between HC Ambri Piotta and HC Fribourg-Gotteron at the ice stadium Gottardo Arena, Switzerland, Saturday, September 1 ...
Ambri-Piotta joue depuis 2021 dans sa nouvelle patinoire.Image: keystone

Ce «miracle infrastructurel» a été rendu possible par une particularité de la culture du hockey: les clubs sont très bien connectés politiquement et économiquement à leur lieu d'implantation et leurs propriétaires – tous suisses à l'exception de Lausanne – ne se soucient pas seulement de la compétitivité sportive.

Ils sont également en mesure de trouver une grande partie des fonds nécessaires à la construction ou à la rénovation des patinoires dans le secteur privé.

Ainsi, ils ne dépendent pas entièrement d'un financement public. Cela permet des délais de construction beaucoup plus courts et des coûts moins élevés.

Américanisation et robe de soirée

On a tendance à négliger un facteur décisif dans le développement dynamique de notre ligue: l'américanisation de celle-ci. Autrement dit: un rapprochement avec la NHL. Bien sûr, un monde sépare la National League de la NHL, de loin le championnat le plus important au monde. La prestigieuse ligue nord-américaine réalise un chiffre d'affaires annuel de plus de trois milliards de francs. Celui de la National League est, quant à lui, d'environ 300 millions.

Mais la philosophie est désormais étonnamment similaire: le match est célébré comme un événement. Cela signifie qu'une rencontre devient une expérience pour le public et offre un excellent divertissement, même si l'équipe locale ne gagne pas.

La formule du succès est cette déconnexion de l'idée de résultat pur.

Les Maple Leafs de Toronto, les Canadiens de Montréal et les Rangers de New York sont les trois organisations les plus prestigieuses de la NHL. Trois équipes notoirement infructueuses: Toronto attend depuis 1967 de remporter la coupe Stanley, et Montréal depuis 1993. Les Rangers n'ont, eux, fêté qu'un seul sacre depuis 1940 (1994).

Dans notre National League, la saison dernière, Fribourg-Gottéron a été le premier club de l'histoire à atteindre un taux d'occupation de la patinoire de 100% en saison régulière. Tous les matchs à domicile d'une équipe notoirement sans succès – Gottéron n'a jamais été champion – se sont joués à guichets fermés. Bienne avait atteint la finale en 2023 et n'a terminé la saison dernière qu'à la 9e place. Malgré cette chute, les spectateurs étaient plus nombreux.

Biels Spieler und Fans jubeln, nach dem Eishockey-Qualifikationsspiel der National League zwischen dem EHC Biel und dem EV Zug, am Samstag, 16. September 2023, in der Tissot Arena in Biel. (KEYSTONE/M ...
Les fans du HC Bienne étaient plus nombreux en 2023/24, malgré une saison moins bonne que la précédente. Image: KEYSTONE

Même les Langnau Tigers réalisent un chiffre d'affaires de 18 millions de francs par saison, grâce à leur gastronomie bien développée dans la patinoire. Et cela malgré que les Emmentalois n'aient atteint les play-offs dans l'élite que deux fois dans leur histoire.

Cette évolution de la mentalité des spectateurs est étroitement liée au développement des infrastructures. Pour résumer, de manière un peu polémique:

Un match n'est un événement que si le confort est tel que l'épouse peut accompagner son mari à la patinoire en robe de soirée.

Le cas particulier de Berne

C'est aussi ce qui explique que le CP Berne n'a toujours pas atteint ses chiffres d'avant Covid-19 en termes de taux d'occupation de la patinoire. Chez les Ours, l'affluence dépend des résultats, comme pour aucun autre club.

En dehors des loges VIP, le confort dans cette arène pleine de courants d'air est plus faible que dans toute autre enceinte de Suisse alémanique. Si l'immense et célèbre mur de places debout n'est pas rempli, la morosité se répand partout ailleurs dans la PostFinance Arena. Or, ce mur n'est plein que lorsque le CP Berne brille, ce qui n'a plus jamais été le cas depuis le dernier titre, en 2019.

Berns Fans sorgen fuer Stimmung im Final des Swiss Ice Hockey Cups 2014/15 zwischen dem SC Bern und den Kloten Flyers, am Mittwoch, 11. Februar 2015, in der PostFinance-Arena in Bern. (KEYSTONE/Peter  ...
Le célèbre mur de la PostFinance Arena, une enceinte qui devient vétuste.Image: KEYSTONE

Le club de la capitale ne peut survivre économiquement que parce qu'il a développé son offre gastronomique: être devenu un véritable groupe de restauration – il possède plus de dix bistrots hors de la patinoire – lui permet de réaliser un chiffre d'affaires de près de 60 millions de francs.

Une forte conséquence sur les hockeyeurs

Pour la National League, la question est bien sûr de savoir si ce boom est durable ou si l'on peut même s'attendre à une nouvelle augmentation. Les perspectives sont bonnes à moyen et long terme et l'espoir de Willi Vögtlin de voir le public battre un nouveau record est justifié.

Notre hommage à Paul-André Cadieux

Mais les managers des clubs ont – contrairement à la NHL – trop de pouvoir. Les décisions centrales en NHL (comme par exemple le plafond salarial) sont imposées par les propriétaires des équipes, qui font attention à leur propre argent.

En revanche, en Suisse, les propriétaires des clubs laissent les mains libres, pour organiser la partie hockey, à leurs managers et directeurs sportifs, qui, eux, ne mettent pas de leur propre poche.

L'organe suprême de la ligue, le conseil d'administration de la National League AG, se compose d'un représentant de chacun des 14 clubs. Les propriétaires laissent ces sièges du conseil d'administration à leurs managers. Or, ceux-ci n'ont aucun intérêt à limiter les budgets et donc les salaires. Contrairement à la NHL, il n'y a pas de plafond salarial en National League.

Alors qu'en Amérique du Nord, la part des salaires des joueurs dans le chiffre d'affaires total est fixée d'année en année, en National League, les recettes supplémentaires sont affectées aux salaires des hockeyeurs de manière pratiquement illimitée.

Au cours des dix dernières années, le salaire moyen en National League a doublé, pour atteindre désormais près de 250'000 francs.

Il n'y a qu'en NHL et en KHL russe que les salaires sont encore plus élevés.

En résumé: des clubs de première division suisse sont, certes, dans les chiffres noirs, mais aucun d'entre eux ne peut réaliser de véritables bénéfices. Ce ne sont pas les propriétaires qui ont profité du boom des dix dernières années, mais les joueurs.

Une première dans l'histoire du hockey suisse

Plus d'équipes, de meilleurs contrats TV (environ 1,5 million de francs pour chaque club), plus de spectateurs, des recettes de restauration plus élevées: le développement est flagrant. Et, comme le montrent les chiffres des ventes d'abonnements, cette nouvelle saison apportera encore de nouveaux records de recettes.

Pour la première fois dans l'histoire, trois clubs (les ZSC Lions, Zoug et Fribourg-Gottéron) ont pu vendre tous leurs abonnements.

Mais il ne faut pas s'attendre à un nouveau boom à moyen terme. Si les recettes diminuent – ce qui n'est pas encore à prévoir dans les cinq prochaines années –, la conséquence sera une baisse des salaires des joueurs.

Mais ce ne sera pas un problème: même si ces rémunérations diminuent de 20%, ni le niveau sportif, ni la valeur de divertissement, ni l'engouement du public ne diminueront. Ce spectacle de haute qualité continuera toujours. The show must go on, comme chantait un mythique groupe de rock britannique.

Adaptation en français: Yoann Graber.

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