Walter Reusser, notre équipe masculine de ski alpin enchaîne les succès. La situation est-elle aussi idyllique que les performances le laissent penser?
Oui, si l'on se réfère aux résultats. Les performances des skieurs sont impressionnantes, sur une large base et dans toutes les disciplines. Et si l'on regarde du côté de la Coupe d'Europe et de la relève, on voit que nous sommes vraiment bien partout.
A l'inverse, il est presque regrettable que notre adversaire numéro 1, l'Autriche, soit en train de se morfondre.
Le ski autrichien est loin d'être aussi mauvais qu'on le dit. Haaser, Babinsky et Hemetsberger ont envoyé un signal fort lors des courses de vitesse de Kitzbühel. L'équipe de slalom, elle, était presque toujours exemplaire avant les bons résultats de Schladming. Ils skiaient bien, mais il manquait en fait les podiums. L'Autriche a de très bons athlètes.
Chez nos féminines, la densité n'est pas aussi élevée et les cheffes de file sont plutôt en fin de carrière. Pourquoi la situation est-elle si différente?
De nombreuses coureuses nées au tournant du millénaire ont dû faire face à des blessures souvent récurrentes. Je pense à Camille Rast, Mélanie Meillard, Aline Danioth ou Eliane Christen. Je crois que nous avons trop poussé ces skieuses durant leurs jeunes années, et que nous les avons engagées trop tôt en Coupe du monde. En conséquence, elles se sont blessées. Et nos études ont démontré que le risque de blessures augmente avec chaque blessure subie. De nombreuses coureuses étaient donc en permanence en rééducation. C'est la raison pour laquelle nous avons eu un trou avec ces classes d'âge.
Vous semblez malgré tout confiant.
Nous avons essayé d'inverser la tendance, avec une plus grande largesse et plus de patience. Même si nos jeunes athlètes skient très bien très tôt, cela ne veut pas dire qu'il faut les engager tout de suite en Coupe du monde. Ils ont besoin de temps pour se développer physiquement. Chez nos jeunes nés entre 2004 et 2008, nous avons déjà une grande densité de talents, en comparaison avec le niveau international.
En tant que CEO Sport au sein de la fédération, vous êtes responsable de l'ensemble des disciplines gérées par Swiss-Ski. Or vous venez de l'univers du ski alpin. Devez-vous parfois prouver que vous ne négligez pas les autres sports?
Cela arrive. Certains peuvent se demander si j'ai réellement de bonnes intentions pour «leur» discipline. Mais les sceptiques réalisent peu à peu à quel point nous nous engageons pour toutes les activités. Nous abordons également des thèmes qui étaient restés en friche ces dernières années, et nous les développons de manière conséquente.
Vous avez été dernièrement très occupé sur le front «nordique». Pourquoi de telles heures supplémentaires?
Nous avons perdu l'été dernier Guri Knotten, qui était notre directeur du nordique. Comme il n'y avait à court terme aucun successeur convaincant, capable de s'engager sur le long terme, nous avons décidé de gérer le pôle avec les ressources déjà en place. Malgré un surcroît de travail, j'ai apprécié le fait d'avoir un aperçu approfondi des disciplines nordiques, et de pouvoir accompagner les gens de très près.
Votre travail supplémentaire est néanmoins terminé.
Nous avons trouvé la solution parfaite avec Jürg Capol. Il connaît la Suisse et le domaine international, pour avoir travaillé à la Fédération internationale de ski (FIS). Il dispose d'un solide réseau et, en tant que patron des Mondiaux de biathlon, il a désormais de l'expérience dans un domaine aux exigences différentes. Je me réjouis de travailler avec lui et je suis convaincu qu'il saura faire évoluer le nordique avec dynamisme.
Les premiers Mondiaux de biathlon en Suisse constituent un événement majeur. Quel héritage sportif espérez-vous laisser à cette occasion?
On espère que le biathlon et le ski nordique en général recevront plus d'attention en Suisse. Les clubs et les associations régionales doivent avoir un déclic et en tirer la motivation et le courage nécessaires pour faire le grand saut. Il faut investir du temps et du personnel pour enthousiasmer les enfants pour ces sports.
Swiss-Ski envisage également d'organiser les Mondiaux de ski nordique. Y a-t-il un projet prêt à être lancé?
Il n'est pas encore prêt, car c'est un sujet très complexe, et différents paramètres ont une influence dessus. Il faut d'abord disposer des infrastructures nécessaires, notamment les tremplins. Nous avons également besoin de temps pour faire nos devoirs et construire une belle équipe suisse. Des Mondiaux n'ont un sens que si l'on dispose d'athlètes capables de performer. Ils seraient néanmoins intéressants dans le cadre du projet olympique, et pourraient être vus comme un test avant 2038.
Dernière question, Walter, quels sont, à l'heure actuelle, les plus grands défis de votre fédération?
La professionnalisation au niveau de l'encadrement des jeunes est un vaste sujet, en raison des évolutions sociales et sociétales. Les enfants aiment faire du sport et les parents aiment confier leurs enfants dans les clubs. Mais la pratique tend à devenir plus coûteuse et plus complexe, et l'on sent que les parents ont une certaine réticence par rapport au sport de compétition. Une transformation au niveau des clubs et des associations régionales est nécessaire, avec davantage de regroupements et de partenariats, afin d'unir les forces. Tout le monde ne peut pas tout proposer. Les infrastructures d'entraînement devront également être déplacée, là il y aura encore de la neige à l'avenir.