On a peut-être eu tort, à chaque fois qu'on nous demandait avec quel sportif suisse on aimerait se marrer autour d'un apéro, de penser toujours aux mêmes, et pas assez à Dario Cologna, ce petit farceur qui cachait bien son jeu. «Beaucoup de gens pensent que Dario est le genre de personne à ne se préoccuper que de sport et qu'il est plutôt ennuyeux. C'est en réalité tout le contraire: c'est un mec très marrant», assure Peter Röthlisberger. Le journaliste révèle une nouvelle facette de l'ancienne star du ski de fond dans une biographie parue mercredi aux éditions Somedia.
Intitulée «Dario Cologna, Die Erfolgsformel» (en français: la formule du succès), elle permet de faire connaissance avec une personnalité enjouée, férue de vin et de bonne chair. «Il n'a jamais été le sportif austère que les gens imaginent, relance Röthlisberger. Il a toujours aimé boire un bon verre avec ses amis, et ne s'est jamais privé de manger ce qu'il aimait, sans jamaix exagérer bien sûr. Car c'était un grand professionnel.»
Pour appréhender la trajectoire du quadruple champion olympique, parti à la retraite en fin de saison dernière, l'auteur a choisi une méthode originale, découpant son récit en trois parties distinctes. La première revient sur l'épopée du prodige, né dans le Val Müstair en 1986. On l'accompagne dans ses victoires (il y en a beaucoup) et ses défaites (elles sont moins nombreuses), au gré de ses pérégrinations sur le circuit mondial. Tout y est, jusqu'aux soupçons de dopage qui ont pesé sur la discipline et notamment sur le serviceman de Cologna lors de l'opération «Aderlass», sans pour autant que le fondeur grison y soit mêlé.
On apprend que Dario Cologna était l'athlète suisse de sport d'hiver le plus contrôlé durant sa carrière. «Il est arrivé que des contrôleurs antidopage viennent chez lui à 23 h alors qu'il était en train de dormir, et reviennent le lendemain à 6 h pour la même procédure (échantillons de sang et d'urine). Il était contrôlé jusqu'à 2-3 fois par semaine», retrace Peter Röthlisberger.
La deuxième partie est celle qui a donné son nom au titre du livre: la formule du succès. Dario Cologna partage avec le lecteur toutes les clés de sa réussite (motivation, discipline, entraînement, matériel, etc.). Ce choix éditorial peut interroger, sachant que les conseils d'un tel prodige n'auront qu'un effet limité sur les performances de ses lecteurs, mais Peter Röthlisberger nous invite à considérer la chose autrement. D'abord, la plupart des recommandations sont aussi pensées pour les sportifs amateurs. Ensuite, ces méthodes permettent de mieux appréhender ce qui démarquait Cologna de la plupart de ses rivaux.
Comme la façon qu'avait le champion du monde du skiathlon (2013) d'écarter tous les aspects de sa performance sur lesquels il n'avait aucun moyen d'agir.
Cette section du livre fait écho à un chapitre sur Thomas Steiner, un des meilleurs préparateurs physiques du pays et celui qui, sans doute, connaissait le mieux l'organisme de ce champion qu'il accueillait deux fois par année à Maccolin pour lui faire subir une batterie de tests physiques.
Les résultats de certains de ses tests (notamment sa VO2max au fil des ans) sont d'ailleurs publiés sur une double page.
Une biographie un peu spéciale, donc, qui dans une troisième partie donne la parole à des personnalités du sport et de la vie publique.
Roger Federer, Ueli Maurer ou encore Simon Ammann s'expriment tous sur le néo-retraité. Federer y glisse notamment ces quelques phrases élogieuses:
Parmi les divers témoignages, on peut encore citer ceux des parents du champion (Christine et Remo), de sa femme (Laura) et de son plus grand rival: Petter Northug. L'auteur a réuni ces deux adversaires que tout opposait pour une interview rare. «C'était très drôle, car Petter était le mec sauvage, Dario celui que tu aurais aimé avoir pour ta fille», résume Peter Röthlisberger en riant.
La présence de cet entretien croisé pourrait faire voyager l'ouvrage, édité pour le moment à 4000 exemplaires et uniquement en allemand.
Il n'est en revanche pas prévu que la biographie de Dario Cologna soit adaptée en français. C'est un petit regret, mais qui ne doit pas décourager les supporters romands du Grison: un niveau intermédiaire en allemand suffit pour découvrir l'ancien fondeur autrement, ce mec «très marrant» qu'on ne connaissait finalement pas si bien que cela.