Jude Bellingham réalise un début de saison exceptionnel avec sa nouvelle équipe du Real Madrid. L'international anglais, qui n'est pas attaquant, a déjà inscrit 13 buts en 13 parties en Liga et Ligue des champions. Le Real ne s'attendait sans doute pas à ce que son milieu cartonne autant, mais il connaissait son talent et c'est la raison pour laquelle les merengues ont fixé le montant de la clause libératoire de Jude Bellingham à un milliard d'euros.
Cela ne veut pas dire que la pépite de 20 ans vaut cette somme. Sa valeur marchande est d'ailleurs estimée à 150 millions d'euros selon le site de référence Transfermarkt. Cela signifie simplement que si un club adverse veut acheter le joueur encore sous contrat (Bellingham a signé jusqu'en juin 2029) sans l'autorisation de son employeur, il doit payer un milliard. De quoi décourager n'importe quelle équipe. Mais c'est la loi du marché. «Comme dans la vie», glisse Michel Urscheler, agent de joueurs établi en Suisse. «Si vous avez une maison que vous adorez et qui vaut un million, vous ne serez jamais d'accord de vous en séparer au même prix. Mais si quelqu'un arrive et pose cinq ou dix fois son prix sur la table, vous ne serez pas insensible.» L'agent reconnaît toutefois qu'une clause à un milliard, ça fait un peu rire tout le monde.
Ce type de montant n'est toutefois plus exceptionnel depuis deux ans et plusieurs joueurs (Pedri, Ansu Fati, Karim Benzema etc.) ont eu une clause aussi élevée dans un passé récent. En fait, tout a changé depuis 2017 et le départ de Neymar. Car si le Barça a perdu son attaquant brésilien, c'est parce qu'il a sous-estimé le montant de sa clause libératoire. Le Paris Saint-Germain n'a eu aucun mal à débourser les 222 millions nécessaires pour arracher le prodige aux blaugranas. Depuis, les grands clubs de Liga n'hésitent plus à fixer des montants exorbitants.
Ce sont surtout les clubs espagnols et portugais qui ajoutent des zéros aux contrats. Les premiers pour garder leurs talents le plus longtemps possible, les seconds pour les faire venir d'Amérique du sud, selon une technique bien rodée. Michel Urscheler explique:
La clause libératoire existe aussi en Suisse, mais le procédé est différent et les proportions moindres. Les très bons clubs (comme Bâle ou Young Boys) ne l'ajoutent pas souvent au contrat, hormis dans des cas de figure très précis. «Par exemple pour éviter que le joueur parte libre», souligne Urscheler.
C'est une subtilité dont certaines équipes helvétiques ont recours: une clause libératoire de X millions si le joueur reste en Suisse, et une autre de Y millions s'il rejoint un club étranger. Y est plus élevé que X, ce qui étonne à plus d'un titre:
Les footballeurs n'ont que rarement la possibilité de négocier le montant de la clause libératoire fixée par le club. «Mais c'est donnant-donnant: plus la clause est élevée, meilleures seront les conditions salariales pour le joueur», relève Lorenzo Falbo, un autre agent installé en Suisse.
Hormis la Liga, les principaux championnats étrangers ne sont pas adeptes de la clause libératoire. Celle-ci est même carrément interdite en Ligue 1. Contacté, un avocat français spécialisé en droit du sport nous en dévoile les raisons:
Les clubs français ont une autre méthode pour fixer le montant à partir duquel ils sont prêts à céder leurs meilleurs joueurs, mais cette méthode n'a aucune valeur juridique. Notre interlocuteur poursuit:
Si un acte sous seing privé est établi en 2021 sur la base d'un montant de quinze millions, et que le joueur en vaut autant deux ans plus tard, le club aura beau jeu de respecter sa parole. Mais si la valeur du footballeur a explosé, le club pourra toujours revenir sur son engagement officieux. Le genre d'affaires qui se règle après d'âpres négociations autour d'une table.
Le sous seing privé présente un avantage plus concret que certains clubs, comme Nice, ont déjà exploité. Il s'agit de signer symboliquement des valeurs très hautes et de les laisser filtrer dans la presse, de sorte à communiquer sur la valeur attendue des joueurs.
Le Real Madrid, lui, n'espère pas un milliard pour Jude Bellingham (ni la moitié). Mais le montant communiqué a le double mérite de faire connaître au monde la valeur de son diamant, et de ne pas laisser un joueur du Barça occuper seul la tête du classement des clauses libératoires.
Cet article a été adapté d'une première version parue sur notre site en octobre 2021.