Après le Maxi Edmond de Rothschild, qui a révolutionné le monde de la course au large, le Team Gitana construit dans le plus grand secret son nouveau trimaran à Lorient (Morbihan), pour voler «encore plus tôt», quelle que soit l'état de la mer.
Ce sera un Ultim, ces géants des mers de 32 mètres de long par 23 de large, capables d'effectuer un tour du monde en moins de cinquante jours et en filant sur l’eau à près de 90 km/h. Le dernier-né de la longue lignée Gitana, débutée par La Gitana en 1876 sur le Lac Léman, devrait être mis à l’eau fin septembre, «quelques semaines avant la Transat Café L’Or si tout va bien», précise M. Dardashti.
Le trimaran a profité de l’expérience accumulée par son grand frère, le Maxi Edmond de Rothschild, premier trimaran conçu pour voler sur ses foils, qui a parcouru près de 200'000 milles en 8 ans et tout gagné depuis 2019.
Pour cela, rien n’a été laissé au hasard au port de Lorient, où quasiment tous les hangars des équipes, y compris ceux des concurrents en Ultim comme Sodebo ou Banque Populaire, se trouvent à une trentaine de mètres les uns des autres. Les vitres du bâtiment Gitana ont été rendues opaques. Certaines pièces du navire transitent tard le soir ou tôt le matin vers le chantier situé à 1 km, pour éviter d'attirer la curiosité.
«Tout le monde finira bien par découvrir ce qu’on a imaginé, mais plus les adversaires l’apprennent tard, mieux c’est», s’amuse le skipper Charles Caudrelier, qui, pour la première fois de sa longue carrière, participe à la conception du bateau.
Pendant que les pièces du puzzle sont assemblées au chantier, le marin s’entraîne grâce à deux simulateurs à l’étage du bâtiment des Gitana. La première machine simule le comportement du bateau en mer et les sensations à la barre.
La deuxième, installée dans une spacieuse salle de sport, permet de se transporter à l'intérieur du futur cockpit grâce à un casque de réalité virtuelle. L’ergonomie du navire a été développée après des journées entières passées à simuler des manœuvres. Ces deux simulateurs permettent déjà de constater que le cockpit est plus fermé que celui du voilier précédent, mais traversé de nombreux hublots pour bien pouvoir observer à l'extérieur.
«Ça va un peu me manquer de ne pas avoir tout le temps la tête dehors, mais c’est dans l’air du temps, concède Caudrelier. Cela permet notamment de rester au sec plus longtemps.»
Du côté du chantier, «les travaux avancent bien», assure Sébastien Sainson, chef du bureau d’études. Depuis des mois, trois équipes différentes d'ouvriers se relaient par tranches de huit heures afin de respecter le calendrier fixé. Une fois terminé, ce colosse des mers aura nécessité 200.000 heures de travail et coûté plus de 16 millions d'euros, le double d’un Imoca dernière génération, selon l'équipe.
Au milieu des échafaudages, la plateforme du voilier est déjà accessible. De là, on peut apercevoir une étrave intimidante, fine comme une lame, et des flotteurs élancés, pas encore équipés de leurs foils. «Le cahier des charges, c’est de voler plus tôt et dans la mer formée, car c’est là où il y a le plus de gains de performance à réaliser», décrit M. Sainson, aussi enthousiaste que discret sur les nombreux paramètres du navire encore tenus secrets.
La hantise de l'équipe: la mise à l'eau d'un bateau «mal né», avec des défauts structurels qui l’empêchent de naviguer vite et en toute sécurité, suivi d'années de développement pour les corriger. «C'est une technologie de pointe, on a toujours un peu le stress du résultat final», avoue Sainson. Réponse avant la fin de l’année.
(jcz/afp)