Quand Giorgio Chiellini a remporté le tirage au sort avant la séance de tirs au but face à l'Angleterre, dimanche en finale de l'Euro, il n'a pas masqué sa satisfaction. Le capitaine savait toute l'importance de pouvoir choisir si l'Italie allait débuter la série ou laisser les Anglais commencer. Selon une étude basée sur 96 séances dans 14 tournois internationaux, l’équipe dont le capitaine a gagné le tirage au sort a remporté environ 60% des tirs au but suivant.
Evidemment, le talent ou la résistance au stress des joueurs pèsent sur le résultat final, mais un déséquilibre de 60/40 avant même de débuter peut se lire comme une profonde injustice, surtout dans une période de l'histoire du football où «les matches se jouent sur des détails», et où les staffs optimisent le plus petit de ces détails pour obtenir un avantage sur leurs adversaires. Faudrait-il dès lors trouver un moyen plus équitable de désigner l'ordre des tireurs? Ludovic Gremaud (ancien arbitre de Super League) y est favorable. «Il faudrait enlever le côté aléatoire de la pièce de monnaie». «Mais on le remplacerait par quoi?», interroge Sébastien Pache, ex-sifflet de haut niveau. On a retenu trois pistes de réflexion.
C'est l'idée de Ludovic Gremaud. «Ainsi, certaines équipes auraient l'occasion, dans le jeu, de prendre plus de risques sachant qu'elles n'auront pas la possibilité de pouvoir choisir l'ordre des tirs au but.» Une sorte de séance de rattrapage par anticipation pour les battus du pile ou face, mais qui ne convainc qu'à moitié Sébastien Pache.
Le Vaudois avait pourtant accueilli la proposition avec bienveillance. «Tout est plus neutre en début de match: il n'y a pas encore eu de tension, ni de mise à l'épreuve. Cette solution neutraliserait l'aspect mental du tirage au sort, sur lequel certains footballeurs jouent, comme Chiellini contre Alba.»
Le problème, pour Sébastien Pache, tient dans la mise en pratique d'une telle innovation. «L'arbitre aurait quatre tirages à faire avant le coup d'envoi: un pour savoir quelle équipe peut choisir le camp ou le ballon dans le temps règlementaire, un autre pour les prolongations, un autre encore pour déterminer dans quel camp les tirs au but seront effectués et un dernier, enfin, pour l'ordre des tireurs. C'est beaucoup trop. Et, surtout, c'est illisible pour les spectateurs.»
L'équipe qui a obtenu le moins de cartons, ou provoqué le moins de fautes, aurait l'avantage du choix lors des tirs au but. C'est simple et objectif, puisque basé sur des statistiques compilées durant la rencontre. «Pourquoi pas? Ça pourrait être intéressant», songe M. Pache, qui y voit l'opportunité de «mettre en exergue la notion de fair-play dans le football».
Mais Ludovic Gremaud, cette fois, a des doutes.
Le principal obstacle d'une telle solution tient dans le principe de la double peine: une équipe qui termine la rencontre à dix mérite-t-elle d'être encore pénalisée au moment des tirs au but?
Les équipes ne frapperaient plus à tour de rôle, mais selon une alternance stricte:
«On pourrait le faire», s'exclame Ludovic Gremaud, tout en précisant qu'il faudrait alors modifier le nombre de tireurs. «Pour que l'égalité soit parfaite, il faudrait que chacune des deux équipes commence autant de fois que l'autre. Il n'y aurait donc pas 5 frappes de chaque côté, mais 4 ou 6.»
Cette idée n'a pourtant pas les faveurs de Sébastien Pache, qui s'en remet finalement au destin. «La pratique telle qu'on la connaît aujourd'hui me semble la solution la plus convaincante. Et puis 60%/40% de chances, c'est acceptable, surtout que les aspects du mental et de la technique sont pour moi supérieurs à l'aspect statistique.»