En quittant le stade de Palerme, il y a dix jours et peu après avoir été éliminés sans gloire par la Macédoine du Nord (0-1), les footballeurs italiens de la Nazionale ont laissé derrière eux une montagne de déchets. Des détritus débordaient des poubelles, jonchaient le sol et végétaient jusque dans certains lavabos.
«J'ai vu la vidéo du vestiaire de Palerme. Les adversaires de Xamax n'ont jamais laissé autant de choses, mais c'est un peu du même acabit, fait remarquer Patrick Pollicino, chef du service des sports de la ville de Neuchâtel. Des déchets qui traînent après les matchs, on en a régulièrement.»
M. Pollicino a déjà vu des drôles de choses en ouvrant la porte du vestiaire visiteur de la Maladière:
Les vestiaires visiteurs sont si souvent dégradés que les responsables des stades finissent par trouver ça normal. «À Sion, la plupart du temps, c'est assez clean», commence Johan Roh quand on l'interroge sur le sujet. Avant d'ajouter:
Le responsable des infrastructures de Tourbillon banalise même le geste d'un joueur qui a esquinté un essuie-mains en inox après lui avoir asséné un coup de poing. «C'est pas des grosses choses.»
Olivier Pittet prend lui aussi garde de ne pas faire de certaines exceptions une généralité. Le gérant du stade de la Pontaise reconnaît cependant qu'il a connu «des situations d'après-match qui n'étaient pas très bonnes». Concrètement: des bouteilles entamées puis abandonnées, de la terre sur le sol, des cartons de pizzas ouverts ou encore des poubelles qui débordent allègrement.
«Tous ces déchets que nous retrouvons, c'est un manque de respect vis-à-vis du gérant du stade et de l'équipe qui les accueille, grince Patrick Pollicino à Neuchâtel. L'entreprise mandatée pour les nettoyages est sensée récurer les sols et les stériliser, pas récupérer des bananes collées au plafond!»
D'ordinaire, les derniers à quitter le vestiaire sont les intendants (notamment le responsable matériel). C'est donc à eux que revient la charge de laisser le vestiaire propre.
Compter sur les intendants pour «poutser» les lieux déresponsabilise totalement les principaux occupants du vestiaire: les footballeurs. Olivier Pittet manie l'euphémisme: «Il y a peu de joueurs qui passent un coup de balai avant de partir». Et c'est tout le problème. «À partir d'un certain niveau, les footballeurs sont un peu des assistés. Ils ne portent pas leur sac, tout est prêt et rangé quand ils arrivent.» Pourquoi devraient-ils se soucier de l'état du vestiaire en éteignant la lumière?
Les Italiens, eux, n'y ont guère prêté attention. «Il y avait une forme de dépit», songe Olivier Pittet (Lausanne), en se remémorant le scénario du match, la domination des Transalpins et, à la fin, l'élimination de la course au Mondial. «C'est clair, c'était de la frustration», trouve aussi Johan Roh (Sion).
Les équipes battues, par colère ou vengeance, auraient-elles davantage tendance à dégrader les lieux? «On ne tient pas de statistiques sur le lien de cause à effet entre le résultat et l'état du vestiaire, sourit Patrick Pollicino (Neuchâtel). Ce qui est certain, c'est que j'ai déjà vu des locaux dans un état déplorable après une victoire.»
Aucune véritable tendance ne se dégage, ni dans le résultat, ni dans le standing de l'équipe en déplacement.
«Il n'y a pas de logique en la matière. C'est assez surprenant, appuie Patrick Pollicino. Ce qui est surprenant aussi, c'est qu'en Suisse nous avons quand même, historiquement, la réputation d'être regardant sur la propreté.»
Comment faire pour changer les choses? Pour que la responsabilité ne soit plus seulement individuelle mais collective? Patrick Pollicino a eu une idée, mais elle s'est avérée peu concluante: «Par le passé, on avertissait Neuchâtel-Xamax pour qu'il transmette notre mécontentement à l'équipe négligente. On l'a fait pendant un moment, puis on a abandonné. On ne peut pas régler le problème ainsi.»
Comment alors? D'abord, le Neuchâtelois rappelle que c'est un sujet qui dépasse le football, «un problème de société, relatif au manque d'éducation.» Il suffit de se promener sur les rives du lac de Neuchâtel ou du lac Léman, le week-end en été, pour constater que le ramassage des déchets personnels n'est pas un sujet de préoccupation majeur.
Pour en revenir au football, Patrick Pollicino en appelle à une réaction des instances dirigeantes:
Peut-être aussi qu'après avoir passé «Gladiator» ou «Invictus» pour motiver leurs joueurs, les entraîneurs pourraient leur diffuser «C'est du propre», histoire de les inciter à ranger leurs affaires.