Ce n’était pas simplement un match de haut niveau, intense. C’était un drame, conclu par l’une des défaites les plus cruelles de notre histoire sportive. En prolongation, la Suisse s’est inclinée 1-0 face aux États-Unis. Les Américains sont champions du monde pour la première fois depuis 1960 alors que nous avons enregistré notre quatrième revers en finale après 2013, 2018, 2024 et maintenant 2025.
Dès le début, cette finale fut une âpre «guerre d’usure» offensive. Les deux équipes étaient sur la pointe des pieds, prêtes à exploiter chaque possibilité de contre-attaque. Mais les forteresses défensives restaient debout. Les Américains sont montés en puissance – 11 tirs à 11 dans le premier tiers, 17 à 9 dans le deuxième, 11 à 4 dans le troisième – mais la défense helvétique a plié sans rompre. Du moins jusqu’alors. Pas à cinq contre cinq. Mais après 122 secondes de prolongation à trois contre trois, elle a fini par céder.
Les Américains avaient-ils le meilleur gardien? Non. Certainement pas. Leonardo Genoni a livré l’un des meilleurs matchs de sa carrière, repoussant notamment un penalty de Conor Garland alors que le score était de 0-0 (26e minute), et n’encaissant qu’un seul but lors du quart de finale, de la demi-finale et de la finale. Il a logiquement été désigné MVP, joueur le plus précieux du tournoi. Avaient-ils de meilleurs défenseurs? Non. De meilleurs attaquants? Non plus. Une meilleure tactique? Non. Un meilleur coaching? Non. Plus d’énergie? Un peu, peut-être. Mais cela n’a pas fait la différence.
Ce dernier jour a apporté une cruelle déception. Mais au cœur de la défaite germe une promesse dorée pour l’avenir.
Ce qui a fait la différence, en fin de compte, c’est cet élément insaisissable qui accompagne depuis toujours ce jeu imprévisible sur une surface glissante. Le facteur X. La chance. La différence n’était ni technique, ni tactique.
Plus que jamais, cette finale l’a démontré: le hockey sur glace est plus qu’un sport ou un jeu. C’est du drame, de l’adrénaline, de la passion. Lorsqu’un millimètre ou une milliseconde peut tout changer, alors le facteur X, la chance, devient décisif.
Ce n’est pas un hasard si l’on évoque ici la chance. Les Suisses ont tout bien fait. Ce ne sont pas des erreurs qui ont conduit à la défaite, mais le caprice des dieux du hockey. Ce qui signifie: continuez comme ça, les Suisses!
L’année 2025, même avec «que» l’argent au Mondial, est la plus belle de l'histoire du hockey suisse. Genève-Servette et les ZSC Lions ont remporté les deux dernières éditions de la Ligue des champions, et l’équipe nationale a atteint la finale du Championnat du monde pour la deuxième fois consécutive. La Suisse a même su compenser l’absence de Roman Josi et de Nico Hischier en cours de tournoi.
Les joueurs de la National League ont eu une part plus importante dans cette médaille d’argent qu’en 2018 et 2024. Notre ligue nationale est l’une des meilleures du monde. Et le nouveau règlement sur les étrangers, introduit il y a trois ans (passage de quatre à six étrangers autorisés), a un effet bénéfique sur l’équipe nationale. Car les meilleurs Suisses sont davantage mis à l’épreuve à l’entraînement et en match face à la concurrence étrangère. La National League est désormais assez forte pour représenter un socle solide à une médaille d’argent.
Jamais encore les Suisses n’avaient joué avec autant de rapidité, d’intensité et de créativité dans un Mondial. Bénéficiant aussi de circonstances favorables, ils ont été l’équipe la plus offensive du tournoi. Leur style marque le hockey international.
Il y a toutes les raisons d’être fier de ce Mondial 2025. Mais aucune pour se reposer sur ses lauriers. La déception d’avoir échoué si près du but doit l’emporter, en septembre au début de la nouvelle saison, sur le sentiment de satisfaction. Avec cet état d’esprit, nous serons champions du monde tôt ou tard. Peut-être même dès le printemps prochain, à Zurich.
Patrick Fischer est le visionnaire, le premier à avoir formulé l’objectif du titre mondial, et le meneur dont la Suisse a besoin pour les derniers mètres jusqu’au sommet.
Y a-t-il des joueurs à critiquer? Des joueurs à féliciter tout particulièrement? De critiques – non. Des louanges – oui. Les plus grandes pour Leonardo Genoni. Les Suisses ont prouvé, peut-être plus que jamais, que les noms ne sont que des lettres cousues sur un maillot. Chacun a tiré le maximum de son potentiel dans le rôle qui lui a été confié. Il n’y a pas d’échec individuel.
Des «héros d’argent». Mais pas pour l’éternité. À l’exception de l’Allemagne, toutes les équipes ayant atteint une finale mondiale ont, un jour, aussi remporté le titre. Avec la même volonté et la même passion qui ont mené cette équipe de Suisse jusqu’en finale, elle peut franchir le dernier et difficile pas vers le sommet. Forts de l’expérience de désormais quatre finales perdues, les Suisses ne perdront plus la prochaine. Si possible, dans un an, lors du Mondial 2026 à Zurich.
Adaptation en français: Yoann Graber