Après avoir séché ses larmes et appelé sa famille restée au Tessin, Lara Gut-Behrami est revenue au micro de la RTS sur les moments qui ont précédé sa victoire, ces longues minutes à patienter dans l'aire d'arrivée en espérant que personne ne la devance. «Ce n'était pas simple, a-t-elle dit. J'ai déjà vécu ce genre de moments par le passé et je ne les aime pas.»
Ce premier aveu donnait le ton. Il était immédiatement suivi d'un autre. «Je n'étais pas convaincue à 100% de ma manche. C'était beaucoup plus simple à skier que pendant la reconnaissance. J'avais peur que me performance ne soit une nouvelle fois pas suffisante, que je doive encore m'incliner pour un dixième seulement. En plus, j'avais perdu beaucoup de temps sur le plat final. J'étais décidément plus nerveuse à l'arrivée qu'au départ.»
Lara Gut-Behrami le sait, elle revient de loin. Cette saison, elle a eu le Covid, elle a été malade, elle a chuté à Saint-Moritz. Vit-elle aujourd'hui le plus beau jour de sa carrière? Elle ne le dit pas, préférant l'analyse aux émotions.
Cette victoire la fait entrer dans une autre dimension, celle des plus grands athlètes de son sport.
Le journaliste Julien Thorens, à qui l'on doit ces magnifiques témoignages, a logiquement voulu savoir si le fait de marquer l'histoire compter pour la Tessinoise. Mais Lara Gut-Behrami était incapable de se projeter aussi loin. «Je ne comprends pas vraiment ce qui est en train de se passer. Je réaliserai après la saison.»
La championne de 30 ans veut se laisser du temps pour savourer. Ce temps qu'elle ne s'est pas toujours accordée.
Médaillée de bronze, Michelle Gisin a aussi été superbe devant la caméra, expliquant les doutes qui l'ont escortée jusque sur le podium. «Je me disais que j'allais être battue, que les autres allaient me devancer», a-t-elle reconnu.
Elle aussi revient de loin. Affaiblie par la mononucléose, elle a raconté toutes les fois où elle était scotchée sur son canapé, et ce qui l'a aidée: «J'adore le tennis. J'ai regardé Belinda (Bencic) et Viktorija (Golubic) jouer incroyablement bien. Elles m'ont donné beaucoup d'émotion et de force.»
Elle a aussi été cherchée en elle «la force mentale pour revenir», selon un processus qu'elle décrit sans fioritures:
Sa mononucléose lui a fait voir les choses autrement. «Dans le portillon de départ, je me dis juste que je suis la fille la plus heureuse du monde, que c'est trop bien et que je veux être libre.»
Ceux qui connaissent Michelle Gisin ont beaucoup de chance, mais l'inverse est aussi vrai: la skieuse se dit reconnaissante d'être si bien entourée. «Tout le monde est si gentil avec moi, je ne sais pas si j'ai mérité ça! Quand on travaille avec une athlète qui a passé tout l'été sur son canapé, normalement on se dit: «Ouais on fait tranquille». Mais personne n'a accepté ça dans l'équipe.»