Surprise, jeudi au pied de la Saslong, la mythique piste de Val Gardena. Alors que le Norvégien Aleksander Aamodt Kilde pensait avoir remporté sa 13e descente de Coupe du monde, c'est le surprenant Bryce Bennett, parti en 34e position, qui a terminé devant tout le monde. Un exploit car d'ordinaire, les gros dossards ont du mal à se battre pour le titre. D'abord parce que les cadors s'élancent toujours dans les 15 premiers, ensuite parce qu'au fur et à mesure du passage des skieurs, la piste se dégrade et a tendance à sortir les suivants de la ligne idéale.
Mais il arrive aussi, bien sûr, que les conditions météos évoluent rapidement et dans le bon sens pour les gros dossards. C'est ce dont semble avoir profité Bryce Bennett jeudi, grâce à une meilleure luminosité que les premiers concurrents.
Le moustachu américain (31 ans) n'est pas le seul à être sorti de nulle part et de loin lors d'une descente de Coupe du monde. D'autres que lui ont même fait mieux. Voici le top 5.
Ils sont trois à avoir gagné avec le numéro 39 sur la poitrine. Le Canadien Cameron Alexander a remporté l'épreuve de Kvitjfell en 2022 (ex aequo avec Niels Hintermann), tandis que l'Américain Steven Nyman a profité d'un brouillard dissipé pour mater tous les favoris et triompher à Val Gardena en 2012. Le Canadien Ed Podivinsky, enfin, a triomphé lors de la descente (raccourcie en raison du vent) de Saalbach en 1994.
Le Slovène n'avait encore jamais rien gagné lorsqu'il s'est présenté dans le portillon de départ de la descente de Val d'Isère en 2020. Ce très bon glisseur n'était même jamais monté sur le moindre podium de Coupe du monde, ni de Coupe d'Europe. Autant dire que ses chances de victoire étaient très minces. Pourtant, le dossard 41 a déjoué tous les pronostics ce jour-là, remportant la victoire devant l'Autrichien Otmar Striedinger (+0''22) et le Suisse Urs Kryenbuehl (+0''27).
Incredibile in Val d’Isere! 😯
— Eurosport IT (@Eurosport_IT) December 13, 2020
É lo sloveno Martin Cater a vincere a sorpresa la discesa libera ⛷️🇸🇮#EurosportSCI | #FISAlpine pic.twitter.com/kR9zQEdpQt
Nous sommes toujours à Val d'Isère, mais en 1996. Cette année-là, c'est le dossard 43 qui sort du lot. Son propriétaire? Un fils d'agriculteur dénommé Fritz Strobl. L'Autrichien s'élance sûr de lui. «J'avais bien inspecté la piste, elle était parfaite, tout comme la visibilité, alors j'ai skié plein pot.»
La suite, c'est Libération qui la raconte: «A 24 ans, l'étudiant en gendarmerie près de Salzbourg (...) trace une route bien droite, sans erreur de trajectoire ni bavure d'appréciation. Avec deux centièmes d'avance, il remporte sa première épreuve de Coupe du monde.» Ce jour-là, l'Autriche place même quatre skieurs aux quatre premières places. Wahnsinn!
Encore un Strobl, encore à Val d'Isère. Cette fois, c'est en 1994 que l'incroyable se produit avec la victoire d'un «inconnu de 20 ans caché sous le dossard 61», comme le relatera la presse française, qui pensait que Luc Alphand avait déjà gagné. La veille pourtant, le jeune Josef Strobl avait surgi pour remporter le dernier entraînement. Mais alors que tout le monde s'attendait à ce qu'il craque sous la pression et qu'il souffre de son départ tardif, celui qui avait été champion du monde junior de géant la saison précédente n'a pas tremblé et, malgré son gros numéro, a terminé devant tout le monde.
La palme de la victoire la plus improbable revient au Liechtensteinois, vainqueur de la descente de Val Gardena en 1993. Ce n'est pas un hasard s'il a réalisé son exploit sur la mythique Saslong, car la proximité de la piste avec le sommet du Sassolungo (3181m) transforme parfois la course en loterie lorsque le vent se lève.
C'est ce qu'il s'est passé le 17 décembre 1993. Ce jour-là, c'est devant la télévision que Markus Foser voit s'élancer les cadors (à l'époque, les 15 premiers dossards étaient encore attribués aux meilleurs descendeurs). Il racontera plus tard comment tout s'est enchaîné:
Le parcours devient de plus en plus rapide, surtout dans sa partie supérieure, en raison de l'ensoleillement changeant et des intervalles de départ plus courts. C'est d'abord l'Autrichien Werner Franz qui bat le meilleur temps avec le numéro 52, puis vient le tour de Markus Foser.
Le natif du petit village de Balzers fait la course de sa vie et s'impose à la surprise générale. Son meilleur résultat en Coupe du monde était jusque-là une 24e place.
Markus Foser ne montera plus jamais sur un podium de Coupe du monde. Le brave liechtensteinois mettra même un terme à sa carrière après seulement 40 courses. Mais près de trente ans plus tard, il est toujours le vainqueur au numéro de dossard le plus élevé, et son histoire une incitation à la prudence pour tous ceux qui ont tendance à jubiler trop tôt dans l'aire d'arrivée.