Nombreux sont les amateurs de sports à avoir connu ce moment de confusion. Alors qu'ils expliquent à leurs potes en plein mois de février qu'ils vont «aller faire un padel», au moins l'un d'entre eux lâche, ébahi: «Mais l'eau n'est pas trop froide?»
Une réaction symptomatique: beaucoup en Suisse confondent encore le paddle (prononcé «padèl»), une activité nautique désormais bien connue, avec le padel («padeul»), dérivé du tennis. Mais l'erreur risque bien de disparaître, tant le «padeul» a la cote dans notre pays. Depuis la construction du premier terrain en 2010 dans la région zurichoise, les aires de jeu se multiplient à l'intérieur de nos frontières, preuve d'une demande toujours plus forte.
Actuellement, on peut jouer au padel sur 20 sites en Suisse romande. Seuls le Jura et le Jura bernois n'en possèdent pas. Le Urban Padel de Lausanne est l'un des derniers sortis de terre, en avril 2022. Sa particularité? Il est le seul entièrement dévolu à la discipline, qui constituait principalement jusqu'ici un appendice aux centres de tennis existants.
Après ces quatre premiers mois, le directeur de l'Urban Padel, Salvatore Rinaldi, a gardé un grand sourire et tout son enthousiasme. «Le bilan de fréquentation est très satisfaisant», se réjouit-il.
Et pour cause: les quatre terrains lausannois sont à l'intérieur. Pas vraiment un avantage quand les températures se rapprochent des 40°C et que le soleil brille constamment. Pourtant, «la fréquentation va crescendo depuis l'ouverture», assure le boss, et «les réservations s'étendent désormais davantage sur toute la journée».
On peut facilement imaginer que ce succès s'explique par la curiosité de découvrir un nouveau lieu et une nouvelle discipline. Mais il est aussi, et surtout, lié aux caractéristiques de ce sport. «Le padel est très ludique et facile techniquement, on arrive rapidement à faire des échanges», témoigne Salvatore Rinaldi, ancien footballeur qui ne pratiquait pas de sport de raquettes avant de découvrir le padel pendant des séjours en Espagne.
C'est l'un des gros avantages de cette activité par rapport au tennis. Elle se joue sur un terrain lui aussi séparé par un filet mais plus petit (20 mètres sur 10) et surtout entouré de parois, généralement en plexiglas. Ces parois empêchent les balles de sortir du court, peu importe leur puissance ou leur direction. L'habileté technique requise est donc bien moins grande que pour le tennis ou les autres sports de raquettes dont le terrain est délimité.
Et pour les tennis(wo)men aguerris qui auraient peur de s'ennuyer au padel, aucune crainte à avoir: «La discipline leur permet notamment de travailler leur slice et leur volée», rassure Salvatore Rinaldi.
L'exigence du padel est moindre également au niveau de la condition physique. Frédéric Bouvier, directeur général du Country Club Geneva où se trouvent trois terrains, y voit une opportunité de garder des membres, en plus d'en attirer d'autres:
En plus d'être accessible, le padel est convivial: il se joue exclusivement en double, de quoi passer de bons moments avec ses proches.
Il peut aussi revêtir des formes plus compétitives. Dans notre pays, la fédération – Association Suisse Padel – établit un classement national (mixte, la discipline ne séparant pas les hommes et les femmes), organise des tournois et des championnats. Elle chapeaute par exemple les Interclubs, auxquels 38 équipes alémaniques et romandes, réparties en quatre divisions, ont participé cette année. Au début 2021, la fédération comptait environ 500 licenciés. Elle espère en atteindre prochainement 1000.
L'objectif semble tout à fait réalisable. La popularité croissante de la discipline donne des signaux encourageants et le padel bénéficie d'une visibilité de plus en plus forte. C'est le cas sur les réseaux sociaux et le web, notamment, où les vidéos promotionnelles se multiplient.
Le padel a aussi le privilège de compter de prestigieux ambassadeurs, comme Zinédine Zidane. Grand passionné, le Français a inauguré des terrains dans ses centres sportifs. Derniers en date: ceux d'Istres au mois de mai.
Zinedine Zidane joue au padel avec le n°1 mondial @alegalan96 à l'occasion de l'inauguration de Z5 Padel, le centre de la légende du football, à Aix-en-Provence. Zizou a l'air de pas mal jouer d'ailleurs !
— Tennis Legend (@TennisLegende) November 3, 2021
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La star du Paris Saint-Germain, Neymar, a aussi révélé sa passion via des photos sur les réseaux sociaux où on le voit jouer avec son fils. Le Brésilien a même construit deux pistes – l'appellation officielle des terrains de padel – dans sa luxueuse villa au Brésil.
Le mois passé, le padel a joui d'une très belle exposition en s'appropriant durant une semaine l'un des lieux les plus emblématiques des sports de raquette, Roland-Garros. La terre battue du court central a cédé sa place au tapis synthétique du Paris Premier Padel Major, tournoi de la plus haute catégorie du circuit mondial. C'est qu'en France, le padel connaît un immense boom: selon les chiffres du ministère des Sports, il est la discipline qui a connu la plus forte hausse de pratiquants depuis 2020.
Le bleu lui va pas mal aussi ! 😁
— Arnaud Bonnin (@arnaudbonnin) July 14, 2022
Le Court Central de @rolandgarros, terre de padel jusqu’à dimanche ! pic.twitter.com/iXRQ0BakGi
Malgré les apparences à la Porte d'Auteuil, le padel n'a de loin pas encore supplanté le tennis. Mais ses inconditionnels espèrent bien en faire une discipline olympique. «Pour 2028 (réd: aux Jeux de Los Angeles), ça me paraît juste», tempère dans Le Monde Benjamin Tison, champion de France 2021.
Avec, pourquoi pas, un nouveau Federer suisse.