Il y a encore quatre ans, le FC Bâle dominait de manière insolente le football suisse. Mais il n'a plus été champion depuis 2017 (une seule Coupe de Suisse gagnée en 2019). Il est en train de réaliser sa pire saison de ces vingt dernières années (quatrième place du classement, élimination en 8e de finale de la Coupe et aucune campagne européenne). Surtout, les nombreuses scènes de liesse au stade et en ville ont laissé place à la colère. Celle des fans, contre l'actuel propriétaire et ancien président (2017-2020) Bernhard Burgener. Ils lui reprochent une mauvaise gestion sportive et financière (perte de 20 millions de francs en 2019), ses querelles avec des figures locales – notamment Marco Streller et Alex Frei, qui ont quitté le club – et sa volonté de vendre ses actions à une société d'investissements britannique, Centricus.
FC Basel: Neues Aktionariat in Sicht - Anzeichen für einen Centricus-Verkauf verdichten sich | Recherche von @celfeller https://t.co/4Ho2GHyGtZ
— Patrik Müller (@patrik_mueller) March 1, 2021
Sur ce dernier point, les événements se sont accélérés il y a quelques jours, à la fin du mois de mars. Avec l'arrivée d'un acteur pas forcément attendu: David Degen. L'ancien milieu de terrain (38 ans) a porté le maillot du FC Bâle durant six saisons (2003-2006, 2007-2008 puis 2012-2014). Comme de nombreux supporters rotblau, le natif de Liestal (BL) ne veut pas voir son club de cœur filer entre des mains étrangères. Mais contrairement aux fans, lui a un véritable pouvoir d'agir sur la situation: depuis 2019, il détient 10% des actions de la FC Basel Holding AG (qui, elle, possède à 75% le FC Bâle). Surtout, l'ex-international suisse est au bénéfice d'un droit de préemption. En clair: il peut acquérir le club en priorité par rapport à quiconque, si le propriétaire manifeste la volonté de le vendre. En très clair: Bernhard Burgener a l'obligation de vendre ses actions à David Degen. Ce dernier deviendrait actionnaire majoritaire (en détenant 92% de la Holding), et donc propriétaire du FC Bâle.
Lundi dernier, l'ancien footballeur a fait valoir son droit. Mais craignant que Burgener – qui semble vouloir à tout prix céder ses parts à Centricus, via la société écran Basel Dream & Vision – ne le respecte pas, il a engagé une action en justice. Le tribunal civil de Bâle-Ville a ordonné une injonction superprovisoire envers l'actuel propriétaire et son conseil d'administration. Quèsaco? C'est une obligation de ne pas faire quelque chose en attendant un jugement final. Autrement dit, Berhard Burgener ne peut pas vendre ses actions à Basel Dream & Vision avant un verdict du tribunal. Qui devrait arriver, selon les avocats de David Degen, dans les prochaines semaines. Et qu'ils espèrent en faveur de leur client.
Pour David Degen, sa motivation à devenir propriétaire du FC Bâle réside donc dans sa volonté de garder le club dans le giron régional. Et de le laisser aux mains de vrais supporters rotblau. «Le FC Bâle est un bien culturel qui n'entre pas dans le maillage d'une entreprise», tranche l'ancien footballeur vendredi dans le Tages-Anzeiger. Derrière son initiative, il y a bien évidemment aussi l'envie de redonner aux pensionnaires du Parc Saint-Jacques leurs lettres de noblesse. «Le FC Bâle doit à nouveau être la fierté de la ville et de la région. Pour l'instant, ce n'est pas le cas», déplore David Degen.
Le frère jumeau de Philipp, lui aussi ancien joueur de l'équipe rhénane et de la Nati, assure qu'il ne veut pas devenir président, directeur sportif ou directeur général du FC Bâle. «Je veux m'occuper des affaires sportives en tant que membre du conseil d’administration», précise-t-il.
Pour faire valoir son droit d'acquisition prioritaire du club, David Degen doit payer 16,4 millions de francs suisses. Il a déclaré au Tages-Anzeiger que cet argent provient de sa propre poche. Quand il est interrogé sur ses soutiens – notamment financiers – le Bâlois ne veut rien lâcher pour l'instant. Ni même les noms des futurs directeur sportif et entraîneur qu'il engagera, si Bernhard Burgener accepte de lui céder ses parts.
La question reste de savoir quand... Car si David Degen semble bénéficier d'importants soutiens – financiers, juridiques et psychologiques, avec les nombreux fans souhaitant voir son rival Burgener quitter le club – il n'est pas encore l'actionnaire majoritaire. Il appartient maintenant à la justice de décider de l'issue de cette guerre interne entre les deux hommes. A moins qu'un compromis soit trouvé, ce que n'exclut pas l'ancien footballeur: «Si nous devions tout recommencer ensemble, avec la bonne combinaison et avec des règles clairement définies, pourquoi pas?»
Né à Liestal, il a joué au plus haut niveau de 2003 à 2014. Il a été formé au FC Bâle, où il rejoint la première équipe en 2003. Le milieu de terrain a ensuite tenté sa chance en Allemagne, au Borussia Mönchengladbach (2006-2008). Il est retourné en prêt à Bâle durant la saison 2007-2008. Le Bâlois a ensuite évolué à Young Boys durant quatre ans (2008-2012). Après son aventure bernoise, il est revenu au Parc Saint-Jacques, où il a rangé ses crampons en 2014. Après quoi il a entamé une carrière d'agent de joueur dans la même société que son frère jumeau Philipp, qu'il quitte en septembre 2019 pour rejoindre le conseil d'administration du FC Bâle. David Degen compte également 17 sélections en équipe de Suisse entre 2006 et 2011. Il avait été sélectionné pour la Coupe du monde 2006 en Allemagne, sans toutefois jouer la moindre minute.
Ses anciens coéquipiers au FC Bâle Sébastien Barberis et Alexandre Quennoz ainsi que l'ex-entraîneur assistant de l'équipe de Suisse Michel Pont nous décrivent leur ancien collègue.