Ce vendredi après-midi, lors des demi-finales du Grand Chelem parisien entre Alcaraz et Djokovic (dès 14h45) puis Zverev et Ruud, les joueurs vont comme toujours s'asseoir sur le banc pour reprendre des forces lors des changements de côté. Le temps leur sera compté, puisqu'ils n'auront que 90 secondes à disposition. Alexander Zverev, lui, en aura un peu moins que les autres pour souffler et se ravitailler. Car à chaque pause, l'Allemand doit contrôler son taux d'insuline.
Zverev est diabétique. Sa maladie a été diagnostiquée à l'âge de trois ans et demi, soit bien avant qu'il ne devienne un star du tennis, champion olympique (2021) et double lauréat du Masters (2018 et 2021). Cela signifie que pendant plus de 20 ans, le joueur, qui en a 26 aujourd'hui, a tenté de dissimuler le mal dont il souffrait.
Sur le circuit, tout le monde savait ce qu'endurait le joueur, mais lorsque les médias interrogeaient directement le principal concerné, celui-ci niait. Il n'assumait pas de montrer une faiblesse à tout le monde, à commencer par ses adversaires. Son frère Mischa a avoué un jour qu'Alexander voulait gagner un Grand Chelem avant de révéler sa maladie. Il a failli y parvenir, puisqu'il est passé à deux points du titre, en 2020 contre Dominic Thiem à l'US Open.
Sa simple présence à ce stade tenait déjà du miracle. Combien de fois les médecins ont-il dit à Alexander Zverev qu'il n'arriverait jamais à être un grand joueur de tennis, car il ne tiendrait jamais le coup physiquement? Et combien de fois le joueur a-t-il pensé à eux en frappant très fort dans la balle?
Des balles, l'Allemand en a joué un paquet avant d'oser communiquer sur «la maladie du sucre» (comme l'appelaient certains parents de ses camarades de classe) en 2022, brisant ainsi un tabou dans son sport puisque jamais un tennisman de son niveau n'avait osé révéler sa pathologie. Son cas est tellement singulier qu'un tournoi aussi prestigieux que Roland-Garros, même en 2023, ne sait pas du tout comment accompagner le joueur dans ses besoins les plus élémentaires.
D'ordinaire, Zverev se pique la cuisse comme si de rien n'était pendant les changements de côté. Cela dure cinq secondes et presque personne ne le remarque. Mais lors de son match du 3e tour face à Tiafoe, il a été demandé à l'Allemand de sortir du court, et donc de prendre un «toilet break», pour utiliser son stylo à insuline.
Or le règlement n'autorise pas plus d'une pause toilette (deux en cas de 5e set) par match, ce qui est clairement insuffisant dans la situation de Zverev, qui a répliqué:
Le joueur a finalement obtenu du tournoi de pouvoir utiliser son stylo à insuline sur sa chaise, mais cette incompréhension a révélé toute la méconnaissance du sujet par les instances.
Alexander Zverev a encore dû faire face au superviseur qui, suspectant peut-être une pratique dopante, lui a ordonné d'appeler un docteur pour procéder à la moindre injection. «Je lui ai demandé: "Est-ce que vous pensez que ça ressemble à quelqu'un qui se dope sur le court?"», expliquera plus tard l'Allemand en conférence de presse, rappelant qu'il était le mieux placé pour savoir la quantité d'insuline dont il avait besoin.
Le 27e mondial est parfaitement autonome dans sa gestion de la maladie. Il emporte toujours dans son sac de raquettes un lecteur de glycémie (qui lui permet de mesurer en permanence son taux de sucre dans le sang) et dit se contrôler à chaque changement de côté. Lorsque c'est nécessaire, il se munit de son stylo à insuline pour procéder à l'injection et éviter ainsi l'hypoglycémie mais surtout l'hyperglycémie, lorsque le taux de sucre est trop élevé. «C'est le pire pour moi. Tu te sens plus lent, tu as l'impression que ton corps est moins performant», livrait-il dans la presse française en 2022.
Pour encourager les diabétiques à ne jamais renoncer sur le chemin de leurs exploits les plus fous, «pour montrer au monde qu'il ne faut pas se fixer de limite à cause de cette maladie», Alexander Zverev a décidé d'ouvrir une fondation à son nom en août 2022. Mais plus que par le discours, c'est par l'action que l'Allemand entend montrer l'exemple. Il est à deux victoires de son premier sacre en Grand Chelem, qui serait un peu plus que celui d'un homme: neuf millions de personnes (chiffre 2017) sont atteintes de diabète de type 1 dans le monde.