Le 16 juin prochain marquera le triste anniversaire de la mort de Gino Mäder. Avec quels sentiments appréhendez-vous cette date?
Olivier Senn: Nous avons bien sûr beaucoup discuté et réfléchi à ce sujet. Nous avons également discuté avec la famille de Gino. Pour elle, il est important que nous ne portions pas le deuil, que nous restions positifs, comme l'était Gino. Ses proches nous ont toujours poussés à nous rappeler tous les bons moments passés ensemble avec lui et à vouloir les partager. Cet état d'esprit nous a également beaucoup aidés en tant qu'organisateurs. De ce point de vue, nous envisageons cette journée avec une certaine sérénité. Ce n'est en aucun cas un fardeau.
La sécurité est devenue un thème majeur dans le cyclisme. Y a-t-il des conséquences immédiates des événements tragiques de l'année dernière pour l'édition actuelle?
La sécurité sur le Tour de Suisse répond à une interaction entre différents groupes au sein de l'organisation. Nous avons veillé à ce que l'échange d'informations soit encore meilleur et plus intense. Chacun et chacune doit savoir ce que fait l'autre. Nous avons intégré les cartes de risques d'accident existantes des autorités dans la sécurité du parcours. Et puis, nous avons engagé un troisième médecin de course. Ce sont des pièces isolées du puzzle qui doivent contribuer à améliorer la sécurité.
Avez-vous été plus prudent dans le choix du parcours?
Oui. Nous aurions pu situer l'arrivée de la 4e étape à Airolo ou Quinto, mais le Gothard est un mythe suisse que nous voulions introduire. Et puis, cela aurait été un mauvais signal de faire l'arrivée après une descente, après les événements de l'année dernière. De manière générale, nous avons toujours remis en question les passages pour lesquels nous avions des doutes en termes de sécurité. Nous demandons alors à des cyclistes professionnels actuels ou anciens de parcourir certaines parties du parcours et de nous donner leur avis.
Allez-vous demander aux équipes de faire preuve d'un peu plus de respect avant la course ?
Mon opinion est très claire à ce sujet : les seuls à avoir un frein sont les pilotes. Et les seuls à pouvoir dire à leurs pilotes que ce n'est pas une question de vie ou de mort, ce sont les directeurs sportifs dans les voitures. Mais ils font exactement le contraire. Et en même temps, ils attendent de nous, les organisateurs, que nous fassions encore plus pour qu'ils puissent prendre encore plus de risques. C'est un problème fondamental dans le cyclisme.
Et comment peut-on le résoudre?
Je ne sais pas. Récemment, j'ai expliqué à un manager d'équipe qu'ils investissaient beaucoup d'argent dans des vélos encore plus légers et des vêtements encore plus fins afin de pouvoir rouler encore plus vite. Et nous, en tant qu'organisateurs, devrions en même temps payer pour que tout soit encore plus sûr. Cela ne marche pas. Il faut mener une discussion fondamentale et globale.
Revenons au Tour de Suisse. On l'annonce montagneux et rude, puisque le peloton devra en effet surmonter près de 19'000 mètres de dénivelé sur les 950 kilomètres du tracé. Ce niveau de difficulté était-il prévu?
Non, pas du tout. J'aimerais beaucoup, en tant que de directeur du Tour de Suisse, pouvoir décider du choix du parcours (il rit). C'est toujours un puzzle complexe que nous devons assembler. Quels endroits veulent organiser des étapes? Où avons-nous des lacunes à combler? Etc.
Le niveau de difficulté ne vise-t-il pas aussi à se positionner comme une alternative au Dauphiné en termes de préparation au Tour de France, afin d'attirer les grands noms?
Non, nous ne pouvons pas le faire pour les raisons mentionnées ci-dessus. Nous n'avons qu'une influence limitée. Je pense que le moment des courses est plus décisif pour les grands champions que le profil. Mais il est clair que si nous n'avions que des étapes de plaine, cela ne favoriserait pas non plus le nombre de participants.
Qu'est-ce qui rend si difficile la recherche de ville-étapes?
Plus le temps passe, plus ça devient un sujet politique. Autrefois, on appelait un président de commune. Il nous disait: «Cool, allons-y!» Et c'était réglé. Aujourd'hui, les processus dans les communes sont plus compliqués. Vous n'imaginez pas le nombre de présentations et de dossiers que nous devons produire pour toutes les réunions.
Des Suisses performants décuplent l'intérêt. Un scénario de rêve serait que Stefan Küng prenne le maillot de leader au début de la course, lors du contre-la-montre.
Ce serait super. Nous avons déjà réussi à le faire deux fois. Et cela s'est bien sûr immédiatement ressenti au niveau de l'audience et de l'affluence. Nous espérons bien sûr que Stefan Küng et Stefan Bissegger pourront être en tête lors du contre-la-montre d'ouverture. Marc Hirschi et Mauro Schmid auront certainement leurs chances pour des victoires d'étape. Mais au classement général, je ne vois pas de Suisses qui pourraient avoir leur mot à dire tout en haut.
Pourriez-vous, en tant qu'organisateur, définir un parcours qui avantage les Suisses? Fabian Cancellara a déjà gagné le classement général, il y a 15 ans.
C'était une autre époque, avec un autre organisateur. Nous ne ferons pas ce genre de choses. Nous sommes une manifestation sportive.
Traduit et adapté par jcz