Chris McSorley se réjouit: «Je me retrouve dans la même situation qu’à Genève à l’époque». Le charismatique Canadien avait repris les Aigles en 2001 alors qu’ils évoluaient en deuxième division, cumulant les rôles de directeur sportif et d’entraîneur principal.
Il avait conduit l’équipe jusqu’en finale de National League et mis sur pied un centre de formation performant. C’est sur ses fondations que reposent le premier titre de champion de Genève-Servette (2023) et le triomphe en Ligue des champions (2024).
Parviendra-t-il à faire monter le HC Sierre – dont il est le nouveau coach depuis vendredi, en plus d'être son responsable du pôle sportif – en première division d’ici à 2028? La différence avec Genève est notable: au bout du Léman, il a atteint ses objectifs sportifs, mais a échoué à faire construire une nouvelle patinoire. Cette fois, en Valais, l’inverse pourrait se produire: il pourrait réussir à concrétiser le projet de la nouvelle enceinte à 80 millions de francs – la «Valais Arena» – sans pour autant parvenir à former une équipe capable de monter.
Quoi qu’il en soit, le Canadien détient désormais tous les pouvoirs à Sierre. Où que l’on ouvre une porte dans les bureaux du club, Chris McSorley est déjà installé à l’intérieur. Son concept: recruter des «jouets cassés» (selon ses propres termes) de National League, des joueurs qui, pour diverses raisons, n’ont plus su donner le meilleur d’eux-mêmes dans l'élite et qui pourraient relancer leur carrière à Sierre.
Ces jours-ci, il négocie activement avec le défenseur Colin Gerber (27 ans), en perte de vitesse à Rapperswil. En Swiss League, ce dernier pourrait devenir un «ministre de la défense» et un leader d’une équipe candidate à la promotion. Mais un transfert en deuxième division impliquerait pour lui une forte réduction de salaire. Chris McSorley ne souhaite pas offrir plus de 120 000 francs par saison.
Le même raisonnement s’applique au gardien Sandro Zurkirchen (34 ans), auteur d’une de ses meilleures saisons à Kloten et toujours sans club. Chris McSorley prône la patience sur le marché des transferts: selon lui, trois ou quatre joueurs supplémentaires ne trouveront pas de place en National League et seront prêts à relever un nouveau défi à l'échelon inférieur.
La situation est d’autant plus savoureuse que McSorley avait été limogé de son dernier poste au HC Lugano. Et le voilà qui retrouve à moins de 30 km, chez le grand rival, un autre entraîneur écarté du même club: Luca Gianinazzi (32 ans), qui sera présenté mardi comme le nouveau coach de Viège.
Le 8 octobre 2022, Gianinazzi avait succédé à McSorley sur le banc de Lugano. Et il y a échoué pour des raisons similaires à celles de son prédécesseur: l’un était jugé trop adouci par l’âge, l’autre trop jeune pour incarner l’image d’un entraîneur dur et intransigeant.
Chris McSorley le confirme: c’est bien ce qui s’est passé. Lors de son entretien de licenciement, la présidente du club tessinois, Vicky Mantegazza, lui aurait dit, en substance, qu’elle avait engagé le McSorley fougueux et charismatique, mais que c’est un gentil monsieur d’un certain âge qui était arrivé. Aurait-il donc perdu de sa poigne avec les années?
Ce qui compte désormais, dit-il, c’est le travail analytique, les vidéos, etc. Imaginer Chris McSorley en «coach vidéo» a quelque chose de savoureusement ironique.
L’optimiste dira: le Canadien a simplement eu trop de respect à Lugano – un club prestigieux dirigé par une présidente milliardaire – et n’a pas osé s’y affirmer. À Sierre, où il est à nouveau roi, on retrouvera le vrai Chris McSorley.
Chez Luca Gianinazzi, c’est l’inverse: il n’a rien d’un entraîneur adouci par l'âge. Mais à 32 ans, il était encore trop jeune et trop tendre pour s’imposer à Lugano. Sera-ce un problème à Viège? L’optimiste dira: non. À Viège, tout le monde souhaite un climat plus détendu après l’ère Heinz Ehlers, entraîneur strict et axé sur le succès (et champion de Swiss League).
Personne ne réclame une promotion à Viège. En ce sens, c’est le club idéal pour Luca Gianinazzi. Et le HC Lugano aussi y trouve son compte: l’ex-entraîneur, que le club aurait dû continuer à payer jusqu’à la fin de la prochaine saison, ne pèse plus sur la masse salariale.
Reste cette question: deux entraîneurs recalés à Lugano peuvent-ils réussir en Valais, à Viège et à Sierre? Oui. Mais il leur faudra être un peu plus durs qu’ils ne l’ont été au Tessin.
Adaptation en français: Yoann Graber