Elle est du calibre de ces athlètes qu'on n'oublie pas, qu'on attend dans les starting-blocks pour électriser une compétition. Elle, c'est Sha'Carri Richardson, qui n'hésite pas à l'ouvrir; on est soit ébloui, soit terrifié. Résultat: l'Américaine, championne du monde en titre sur 100 m, s'attire les foudres de nombreuses concurrentes et la presse ne la manque pas. Mais une fois les pointes enfilées, elle sait répondre sur la piste.
Sa devise:
Un égo bien en place pour une reine du sprint à la carrière bourrée de frasques.
Adepte du «si ça ne te plaît pas, regarde ailleurs!», qu'elle confiait dans la série Netflix Sprint, Richardson active ce mantra pour façonner son destin d'athlète. «Elle a toujours été dans l'exagération», rapportait Ato Boldon, ancien sprinteur à la fin des années 90 et début des années 2000.
Cette exagération reprochée lui a joué des tours, elle, qui «ne sait pas gérer la négativité», selon Shericka Jackson, sa rivale jamaïcaine. Tout cela conjugué, elle devient une cible privilégiée pour les médias qui n'hésitent pas à la massacrer au moindre dérapage. «Chacune de mes sorties dans les médias génère un tollé», se plaint-elle devant les caméras de Netflix.
Et il y a de quoi.
Un contrôle positif à la marijuana juste après sa victoire lors des qualifications américaines pour les JO, en 2021, a freiné son ascension fulgurante. La voilà privée de voyage dans la capitale japonaise et un aller simple vers la déprime.
Pour se dédouaner, elle évoquait alors une prise de ce médicament au THC (un composé organique de la famille des cannabinoïdes) pour contrer le stress et digérer la mort de sa mère biologique. A sa décharge, son histoire familiale est quelque peu chaotique. Elle présente d'ailleurs sa tante comme sa mère.
Fidèle à son habitude et loin de perdre la face, Richardson a minimisé son contrôle positif, tout en feignant la prétention en usant de la troisième personne du singulier:
Rongée et anéantie, au fond du bac, «la fille la plus rapide du Texas», comme elle est surnommée, sprintait derrière un second souffle. Il lui fallait se réinventer pour mieux briller sur la ligne droite; changer quelque chose pour atteindre les sommets avec ses ongles en acrylique et ses perruques colorées.
En 2023, ce changement passait par retirer l'une de ses perruques, juste avant de courir son 100 m des sélections américaines pour les Mondiaux de Budapest. Un geste fort, symbolique pour prouver qu'elle devait présenter la nouvelle Sha'Carri Richardson au monde. Effet placebo ou non, sa transformation lui fera gagner cette course et la propulsera championne du monde sur la piste hongroise quelques semaines plus tard.
Une revanche et dans la foulée de son sacre sur 100 m, elle armait un:
Une année plus tard, aux Jeux de Paris, elle arrachera l'argent sur la ligne droite pour (enfin) prouver qu'elle sait désormais gérer la pression comme une grande. Surtout, elle fait taire ceux qui parlaient d'un talent qui n'apparaissait que par bribes.
Une rédemption comme le sport en couve des centaines, des milliers. L'Américaine, souvent coupable de 30 premiers mètres poussifs avant d'exploser la concurrence sur les 70 restants, était enfin débarrassée de ses démons.
C'était sans compter ce 27 juillet 2025, à l'aéroport de Seattle.
Une caméra de surveillance l'a filmée en train de molester son compagnon Christian Coleman, champion du monde du 100 m en 2019. La vidéo montre la sprinteuse pousser fortement à deux reprises ce dernier et lancer un casque audio sur lui, selon le rapport consulté par l'AFP. Elle a été arrêtée à la suite de cette altercation.
Pas rancunier pour un sou, Coleman la défendra. Et il aura cette phrase, qu'on vous laisse juger:
Son état émotionnel qui peut parfois la faire vriller démontre que son caractère peut être sa force, mais surtout sa faiblesse. Une colère incontrôlée, une mentalité de morveuse diraient certains. Elle vient sans conteste d'ajouter un nouveau chapitre à son destin étrange et explosif.
Une fois encore, «sa personnalité forte», comme la qualifie Coleman, a pénalisé Richardson du haut de ses 25 printemps. Dans l'intervalle, elle n'a pas réussi à se qualifier pour la finale du 200 m à Eugene (Oregon), pour les Mondiaux de 2025 à Tokyo.
Une chose est sûre: Sha'Carri Richardson s'est peut-être réinventée, mais chassez le naturel, il revient au galop, ou au sprint.