Cher Xherdan,
Tu te souviens de Vanderbijlpark? C'était ce centre de villégiature situé au milieu de nulle part, où la Suisse avait pris ses quartiers pendant la Coupe du monde de football 2010 en Afrique du Sud.
Pour toi, tout était nouveau. A 18 ans, tu avais pu goûter pour la première fois à l'ambiance si particulière des grands tournois, sur et en dehors du gazon. Je te vois encore, avec ta veste en cuir un peu trop grande et tes yeux écarquillés, absorbant tout ce qui t'entourait, alors que je venais à ta rencontre juste après l'élimination de la Suisse en phase de groupe.
Ta carrière venait de prendre son envol. Elle est devenue une sorte de «chevauchée sauvage», parsemée de nombreux trophées. On t'a beaucoup reproché de n'avoir été qu'un remplaçant dans les grands clubs où tu es passé, mais je laisse ce genre de critiques aux autres.
Bien sûr, on peut penser que tu aurais pu jouer davantage, avoir un rôle plus important encore à Liverpool ou au Bayern, mais ce qui compte, c'est ce qui est inscrit sur le CV: deux titres en Ligue des champions, trois championnats avec le Bayern Munich et un autre avec Liverpool. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes.
On peut aussi ajouter à ton palmarès tous les matchs dans lesquels tu as brillé avec la Suisse, et ils ont été nombreux, car tu as presque toujours livré la marchandise en sélection, te distinguant régulièrement par des buts fabuleux. Jusqu'à la fin, tu as été le préféré du public, le chouchou des supporters, passant du statut de jeune talent à celui de «fantasista», ce genre de joueur capable à tout instant de réussir un geste fabuleux.
En 125 matches internationaux, tu as offert à la Suisse de nombreux moments qui resteront gravés dans l'histoire. Comme cette reprise acrobatique face à la Pologne en 2016, ou tes réussites contre la Serbie au Mondial 2018 et 2022. Et, enfin, ce but magnifique contre l'Écosse à l'Euro cet été. C'était ton 32e et dernier avec la Suisse. Seuls les attaquants Alex Frei (42) et Kubilay Türkyilmaz (34) ont marqué davantage.
Et puis, il y a aussi ce moment insensé, cet éclair de génie qui aurait pu faire basculer ton destin et celui de la Nati. En quart de finale de l'Euro contre l'Angleterre, alors que les prolongations sont déjà presque terminées, tu tentes de marquer directement sur corner, mais le ballon s'écrase sur la barre transversale. S'il était rentré, on en aurait encore parlé dans 50 ans!
Cette scène résume en fait parfaitement qui tu étais sur le terrain. Quelqu'un qui a su rester joueur, créatif et un peu insolent, mais dans le bon sens du terme. Peut-être que ce jour-là, contre l'Angleterre, un centre aurait permis à un de tes coéquipiers de marquer de la tête, mais ça n'aurait pas été toi. Si tu avais le choix entre la sécurité et le risque, tu choisissais souvent le second, et c'est pour ça que tu as été tant aimé.
La Suisse n'a pas eu de joueur comme toi depuis Hakan Yakin. Depuis ton entrée sur la grande scène en 2010, tu as mûri pour devenir une figure de proue, et même l'un des meilleurs footballeurs de l'histoire du pays.
Xherdan, tu as rendu les fans heureux. C'est une prouesse qui, dans le football, devrait plus souvent passer avant les résultats. C'était un plaisir de te regarder jouer. Maintenant, une jeunesse ambitieuse et talentueuse prend le relais, ce qui rend finalement plus facile la fin de ta carrière en équipe nationale.
Je sais que je ne parle pas au nom de tous, mais au nom de très, très nombreux fans de football suisses, si je conclus en te disant:
PS: Tu as récemment laissé entendre que tu ne te plaisais plus tellement à Chicago. Que dirais-tu de terminer ta carrière là où tout a commencé? Tu ferais beaucoup de bien à la Super League.