Depuis le début de l'année, Marcus Rashford est probablement le meilleur joueur de Premier League. Il a redonné du poids, de la personnalité à Manchester United, et il a inscrit 13 buts que, désormais, il célèbre rituellement d'un doigt pointé sur la tempe. «Son geste signature»; «sa nouvelle célébration», exulte la presse britannique.
Ce doigt sur la tempe est une référence aux «problèmes de santé mentale» que l'attaquant anglais a connu pendant la saison 2021/22. Coïncidence ou non, le penalty manqué en finale de l'Euro, outre un déchainement de haine raciale et patriotique, a entraîné Marcus Rashford dans sa chute.
A 25 ans et après un été dans les gymnases de Californie, le prodige est de retour aux affaires. Il parle ouvertement de ses problèmes et met le doigt sur sa capacité à les surmonter, but après but, en faisant la forte tête.
Depuis janvier, cette célébration s'est répandue dans tous les préaux, où elle répond aux bras croisés de Mbappé, au «siuuuuu» de Ronaldo, ou au «chifoumi» de Robert Lewandowski (interprétation libre👇).
Rashford est copié jusqu'au plus haut niveau du football professionnel, par des personnalités aussi singulières que Bukayo Saka (Arsenal), Joshua Kimmich (Bayern Munich) et même la star anglaise du cricket Jofra Archer. Pour l'avantage concurrentiel, Joelinton (Newcastle) a ajouté une posture de fier-à-bras👇.
Au risque de décevoir les footballeurs ethno-centrés et la population insulaire de la perfide Angleterre, cette célébration a été inventée sur le continent par un joueur de tennis suisse, et depuis fort longtemps. C'est en 2014 que Stan Wawrinka a pointé du doigt pour la première fois. Ce geste est devenu célèbre (mais pas assez manifestement) l'année suivante à Roland-Garros, après une victoire extraordinaire en finale; mais peut-être l'inconscient collectif a-t-il surtout retenu son short à carreaux.
Stan Wawrinka explique que ce geste lui est «venu un peu comme ça, dans le feu de l'action. Je voulais montrer à mon team que je ne lâchais pas, que je serai dur avec moi-même. C'est un peu devenu une habitude, ou un réflexe, je ne sais pas (rire).»
Certains puristes n'ont pas oublié et rendent à Wawrinka ce qui lui appartient, notamment ce cénacle d'initiés, parlersport.com, dont un article s'intitule farouchement: «Ils ne seront jamais lui.»
Il n'y aura pas de bataille juridique car Stan Wawrinka ne revendique pas la propriété intellectuelle de son geste, déjà très répandu dans certains cercles de la vie courante (à destination des barjots et autres étourdis).
Et néanmoins: à une ère où les célébrations deviennent un facteur identitaire du «winner land» sportif, où elles sont une marque de fabrique, sinon une vraie communication marketing, Marcus Rashford peut twinter remercier Stan Wawrinka pour son beau geste.