Eliminée de l'US Open vendredi soir par Ajla Tomljanovic, Serena Williams faisait partie de la crème du tennis depuis un quart de siècle. Tout simplement phénoménal! D'autant plus quand on sait qu'une carrière dans ce sport est tout sauf un long fleuve tranquille. «Je vous le garantis, aucun joueur n’a pas eu un moment ou à un autre un épisode dépressif», témoigne Marcos Baghdatis, seize ans passés sur le circuit ATP et ancien numéro huit mondial.
Le Chypriote sait de quoi il parle: il a lui-même connu plusieurs passages très compliqués dans sa carrière. En 2006, il devenait une star planétaire en atteignant la finale de l'Open d'Australie (défaite en quatre sets contre Federer) et les demies à Wimbledon (battu par Nadal). Mais seulement trois ans plus tard, malgré un talent hors norme, Baghdatis retrouvait l'anonymat des tournois challengers, l'antichambre du monde pro. «J'étais même prêt à jouer encore plus bas, à faire des tournois en catégorie Futures», rembobine le Chypriote.
C'était sa manière à lui de se remobiliser. Et ça a plutôt bien marché: dans les semaines qui ont suivi son repli ascétique, il a remporté les tournois ATP de Stockholm et de Sydney et a pu fêter un retour dans le Top 20 mondial quelques mois plus tard.
Les propos de Marcos Baghdatis ne trompent pas: pour durer dans le tennis, il faut un mental d'acier. Sur le terrain, bien sûr, histoire de gagner des matchs serrés. Mais aussi, et surtout, en dehors. Les immenses champions que sont Roger Federer, Rafael Nadal, Novak Djokovic ou Serena Williams, pour ne citer qu'eux, ont tous en commun cette capacité à enchaîner jour après jour et semaine après semaine les entraînements et les tournois. Peu importe leur état de forme ou leurs états d'âme. Jacques Brel résumait parfaitement cette idée:
Mais pour durer, la volonté, aussi grande soit-elle, ne suffit pas. Il faut déjà être épargné par les blessures, évidemment. Avoir la chance, aussi, de pouvoir compter sur un entourage sain capable de vous mettre dans de bonnes dispositions mentales et physiques, notamment. «Au début de ma carrière, je n'ai pas bénéficié d'une préparation physique optimale», regrette Marcos Baghdatis, sujet à beaucoup de blessures quand il jouait.
Mais alors, comment expliquer que de jeunes joueurs comme Dominic Thiem (vainqueur de l'US Open 2020) ou Naomi Osaka (quatre tires du Grand Chelem, le dernier à Melbourne en 2021) aient connu de tels passages à vide si rapidement après leurs heures de gloire? Un manque de confiance après une série de défaites? Sans doute. Un appétit pour la victoire tout à coup moins grand? Baghdatis balaie: «Je ne pense pas que Thiem, par exemple, soit rassasié de succès. Comme tennismen pros, on a toujours envie de gagner du moment qu'on met les pieds sur un terrain».
Le Chypriote voit une autre raison possible à la difficulté de garder la flamme et la rigueur indispensables pour durer à très haut niveau. Il la tire de sa propre expérience:
Avec la notoriété, les difficultés ne grandissent pas seulement hors du court, mais aussi sur. «Vous êtes désormais attendu au contour, alors la pression monte. Au contraire, vos adversaires n'ont souvent, eux, rien à perdre», se souvient l'ex-numéro huit mondial.
Vous l'aurez compris, rester si longtemps au top niveau est tout sauf quelque chose de simple. Alors un grand bravo à Serena Williams.