Faire carrière dans le tennis professionnel est déjà, de base, très compliqué. La tâche devient encore plus ardue avec une maladie qui perturbe fortement les performances. Mais Alexandre Müller réussit cet exploit.
Ce Français de 27 ans souffre de la maladie de Crohn, une «maladie inflammatoire chronique de l’intestin qui peut s’étendre à l’ensemble du tube digestif», comme le précise la clinique Hirslanden. Et autant dire que les symptômes n'ont rien d'agréable: diarrhée, vomissements ou encore maux de ventre.
LE MOMENT OÙ Alexandre Muller 🇫🇷 remporte le titre à Hong Kong 🇭🇰 !!! 🏆
— Game, Set & Talk (@GameSetAndTalk) January 5, 2025
Il devient seulement le 2ème joueur à remporter un tournoi en ayant perdu à chaque fois le premier set !!! 🤯🤯🤯
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A Hong Kong, il a battu en finale le vétéran japonais Kei Nishikori (35 ans, ATP 74) en trois manches (2-6, 6-1, 6-3). Un sacre qui permet au Tricolore de grimper au 56e rang mondial, son meilleur classement. Au printemps passé, il avait déjà brillé en éliminant la star Andrey Rublev, membre du top 10, en 16e de finale du Masters 1000 de Rome.
Mais, à long terme, ses problèmes de santé sont un gros obstacle pour Alexandre Müller. «Peu importe où je finirai ma carrière, j'aurais pu faire un peu mieux sans cette maladie. Je ne peux pas être à 100% tout le temps, je suis plus fragile», déplorait-t-il dans L'Equipe. S'il explique ne pas être perturbé pendant les rencontres, ses échauffements d'avant-match et ses après-matchs sont, eux, parfois un «enfer». Dans le premier cas, ses symptômes sont accentués par le stress de l'enjeu.
Après les rencontres, le Français vit un autre calvaire à cause des remontées gastriques qui l'empêchent de boire suffisamment. «Quand, après trois heures de match, je ne peux pas boire plus de quatre gorgées d'eau sans avoir l'impression que je vais dégueuler sur le court, je le paye forcément». Cette déshydratation altère alors la récupération, indispensable pour enchaîner les matchs dans un tournoi. «Je suis parfois dans un sale état après un match, j'ai des contractures de partout», témoigne Alexandre Müller.
Pour alléger les symptômes de la maladie de Crohn, dont il souffre depuis son adolescence, le tennisman doit s'injecter toutes les deux semaines un anti-inflammatoire spécial pour le colon. Et ce n'est pas sans poser quelques soucis logistiques: le produit ne peut pas rester hors frigo plus de huit heures. Autrement dit: quand Alexandre Müller voyage jusqu'en Australie, il ne peut pas l'emporter. Le Français se pique alors juste avant de partir.
C'est peu dire qu'un oubli de traitement serait dramatique. «Je peux faire une crise», alerte-t-il, toujours dans L'Equipe.
Pour se soigner dans pareille situation, il ne reste qu'un seul remède: des «charges de cheval de cortisone pendant deux mois». Problème: ce produit est considéré comme du dopage et les démarches pour obtenir une autorisation spéciale sont «un enfer administratif», selon le 56e joueur mondial.
La maladie de Crohn a un autre effet vicieux pour lui. Indirect, cette fois. «Je n'ai pas le droit de prendre d'autres anti-inflammatoires parce que ça peut déclencher une crise. Après Roland-Garros 2023, je prenais des anti-inflammatoires pour soulager une pubalgie. On m'a dit: "Alex, vraiment, arrête." Donc quand j'ai mal, soit je joue avec la douleur, soit j'arrête.»
Le natif de Poissy, en région parisienne, dégage toutefois un point positif de sa maladie: elle lui a forgé un caractère de battant. Un trait de personnalité crucial pour performer à haut niveau. «Je pense que c'est grâce à ça que je suis un "matcheur" et que je me bats tous les jours», se félicite-t-il. «De temps en temps, je me dis que c'est quand même assez fort ce que je suis en train de faire».
Alexandre Müller a effectivement de quoi être une belle source d'inspiration pour beaucoup d'entre nous.
Cet article est adapté d'une première version publiée le 29 mai 2024 sur notre site.