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Ce Suisse a participé au trail le plus dur du monde

Le Bernois Marco Jaeggi (à droite) avant le départ.
Le Bernois Marco Jaeggi (à droite) avant le départ.Image: Constantin Hilt

Ce Suisse a participé au trail le plus dur du monde: «Je peux être fier de moi»

Marco Jaeggi revient de la Barkley, une épreuve mythique qui n'est accessible qu'aux plus méritants. Rien que la procédure d'inscription est déjà un défi. Il raconte une expérience hors du commun. Interview.
28.03.2024, 18:47
Niklas Helbling
Niklas Helbling
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La distance de 160 kilomètres, ainsi que le dénivelé de près de 20'000 mètres (le double de l'UTMB), font de la Barkley l'une des courses les plus difficiles au monde. Cette année, un Suisse a eu la «chance» d'y participer. Contacté par watson, Marco Jaeggi, coach sportif et mental dans la vie, revient sur cette épreuve qui ne ressemble à aucune autre.

Vous rentrez tout juste des États-Unis, où vous avez participé au marathon de Barkley. Comment était-ce?
MARCO JAEGGI: C'était un grand rêve pour moi depuis longtemps de pouvoir y participer. C'était donc une expérience très spéciale. Aussi parce que personne ne pouvait nous dire exactement ce qui nous attendait. Comme c'était ma première fois, je n'avais que très peu d'informations.

Comment s'est déroulée les jours précédant le début de la course?
Nous nous sommes rendus le mardi midi au Frozen Head State Park, où se déroulait l'épreuve. Ensuite, les premières personnes sont venues chercher leurs dossards et la carte principale a été dévoilée. Il a fallu ensuite tracer le chemin qui y est indiqué sur sa propre carte, qui n'est ni très précise, ni très actuelle. On a aussi reçu une description de l'endroit où sont cachés les livres et dont il nous faut déchirer une page en fonction de notre numéro de dossard. Mais cette description était formulée dans un anglais très mystérieux et n'était pas facile à comprendre pour les personnes comme moi dont ce n'est pas la langue maternelle.

Jaeggi devait marquer lui-même l'itinéraire sur sa carte.
Jaeggi devait marquer lui-même l'itinéraire sur sa carte.Image: Constantin Hilt

Et c'était parti?
Presque. La course commence toujours entre minuit et midi le jour fixé par l'organisateur. Après avoir recopié ma carte et traduit l'itinéraire, j'ai pu dormir encore deux ou trois heures. Puis la conque a retenti et nous nous sommes dirigés vers la zone de départ. Lorsque «Lazarus Lake» - le surnom de l'organisateur - a allumé sa cigarette, c'était parti.

Comment s'est déroulée votre course?
Au début, j'ai longtemps pu suivre les plus rapides. Mais au septième livre, c'est-à-dire à la moitié du premier tour, j'ai perdu le contact parce que je n'avais plus d'eau. A l'exception des deux postes de ravitaillement, les bouteilles doivent être remplies dans le ruisseau. Après un moment où j'ai dû me battre seul, j'ai retrouvé d'autres coureurs.

Avez-vous pu rester au contact?
Dans le dernier tiers du premier tour, j'ai fait un faux pas qui m'a fait boiter et m'a fait lâcher prise. Je ne sais toujours pas à quel point je me suis blessé. Le reste de ma course a donc été difficile. J'ai réussi à terminer le premier tour juste avant la limite de douze heures, mais j'ai dû faire une longue pause ensuite.

Vous avez pu repartir?
Oui, j'ai repris la course après plus de deux heures, parce que je voulais vraiment profiter de la chance de pouvoir y participer. Au deuxième tour, j'ai encore réussi à lire cinq livres, mais après 24 heures, j'ai été éliminé parce que je n'ai pas pu respecter le temps imparti.

La Barkley est considéré comme l'un des trails les plus difficiles au monde. Qu'est-ce qui le rend si redoutable?
D'une part, l'orientation. Il est incroyablement difficile de trouver les ruisseaux ou les chemins indiqués sur la carte, surtout la nuit, lorsque l'on se déplace exclusivement à la lumière de la lampe frontale. D'autre part, on n'avance que très lentement en raison des sections extrêmement raides. Il n'est pas rare de devoir emprunter des pentes de 40 à 50%.

Quels sont les aides autorisées durant l'épreuve?
Aucune aide technique n'est autorisée. Seules une boussole et une carte permettent de s'orienter. Les participants peuvent bien sûr emmener un membre de leur équipe (dans mon cas, il s'agissait de Constantin Hilt), mais il n'a pu m'aider qu'à l'arrivée, en me préparant un repas chaud et de nouveaux vêtements.

L'inscription à la Barkley est déjà un défi en soi. Comment avez-vous procédé?
Je ne peux pas trop en parler. Disons que si j'avais cherché par moi-même, il m'aurait fallu beaucoup de temps. Mais c'est par hasard que j'ai été contacté. Je savais donc où envoyer ma candidature.

Comment est «Lazarus Lake» (le surnom de l'organisateur) au juste?
Il se présente comme quelqu'un de très spécial, mais je n'ai pas réussi à savoir qui il est vraiment. Je me demande s'il ne joue pas la comédie. Mais il a été très content quand je lui ai remis un couteau suisse en plus de la traditionnelle plaque d'immatriculation - qui fait office de frais de participation. Il en avait déjà reçu un d'un participant suisse il y a six ans, mais il l'avait perdu juste avant la course de cette année.

Barkley 100
Toute personne qui participe au Barkley Marathon pour la première fois doit apporter une plaque d'immatriculation de son pays.Image: Constantin Hilt

La course du Tennessee est difficilement comparable aux autres. Comment vous y êtes-vous préparé?
Je me suis beaucoup entraîné pour le dénivelé, j'ai fait plus de 12'000 mètres de dénivelé en une semaine, et j'ai aussi monté et descendu une fois le Stockhorn, ce qui m'a pris 12h. J'ai aussi dû prévoir plusieurs vestes, des gants, des bâtons, un sac à dos spécial. Il peut faire très froid, mais aussi assez chaud, ce qui était le cas cette année. Et puis, j'ai dû m'entraîner à l'orientation en forêt. Mais je pense que c'est surtout sur place qu'on acquiert de l'expérience la première année.

«Ce que j'y ai appris, c'est qu'il faut savoir improviser, car tout est toujours différent de ce que l'on pense»

Vous êtes un coureur d'ultra expérimenté. La Barkley vous a-t-elle poussé dans vos limites?
Non, physiquement et mentalement, j'aurais pu faire mieux. J'ai été stoppé par la blessure. J'ai vécu pire lors d'une course en Mauritanie, où il a fallu parcourir 1200 kilomètres non-stop dans le désert. Lorsque j'ai franchi la ligne d'arrivée après douze jours et demi, mon corps s'est effondré comme un château de cartes. Il m'a fallu six ou sept semaines pour retrouver une condition normale.

Quel bilan tirez-vous avec quelques jours de recul? Avez-vous été déçu que votre course ne se soit pas déroulée comme prévu?
Au début, oui. Car participer à cette épreuve a impliqué des frais et j'ai eu l'impression de devoir rendre des comptes à la personne qui m'accompagnait. Mais après avoir dormi une nuit, j'ai vu les choses de manière plus positive. La moitié des participants n'a fait qu'un seul tour, et faire partie des 40 est déjà un privilège. Je peux être fier de moi.

Marco Jaeggi avec son accompagnant Constantin Hilt et le dossard 41 sur lequel est écrit : «Si nous faisions cela aux chiens, nous finirions en prison».
Marco Jaeggi avec son accompagnant Constantin Hilt et le dossard 41 sur lequel est écrit : «Si nous faisions cela aux chiens, nous finirions en prison».Image: Constantin Hilt

Et quels sont les projets pour l'année prochaine?
Si je pouvais y retourner, je signerais tout de suite. L'esprit qui y règne est incroyable. Les athlètes ne courent pas les uns contre les autres, mais plutôt les uns avec les autres. L'adversaire est pour ainsi dire la course. Mais je ne sais pas si je pourrai à nouveau faire partie des 40 participants.

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