En 2021, Tokyo a dû composer avec une manifestation repoussée d'une année, une pandémie, un gros tas de morts, quelques scandales financiers, une défiance brutale des citoyens et les blagues sur l'Holocauste du patron de cérémonie d'ouverture. A Rio, cinq ans plus tôt, le président du comité d'organisation a pris 30 ans de taule, des fuites d’eau et des toilettes bouchées partageaient le gîte avec les athlètes. Sans oublier qu'un ouvrier finira électrocuté, un autre enseveli, et le monde réalisera qu’il est possible de délabrer des bidonvilles déjà inhabitables.
Alors, oui, à Paris, il est probable qu'un triathlonien se découvre trois boutons sur le cul en sortant de Seine, que les Parisiens doivent envisager un détour pour aller bosser et que la bande à Darmanin déjoue une demi-douzaine d'attentats. Et puis, même si les organisateurs français seront moins généreux en capotes que leurs homologues brésiliens (200 000 contre 450 000 dans le pays de Gisele Bündchen), la grande fête du sport va réussir à bander.
Les Jeux olympiques sont invariablement à l'image du pays qui les accueille. Une loupe plutôt qu'un miroir grossissant. Nul besoin d'imaginer une cérémonie d'ouverture gorgée de Piaf et de croissants, nul besoin d'un Macron qui aligne les interviews pour rassurer tout le monde, pour savoir que les prochains, qui ont démarré ce mercredi, se déroulent en France.
Du chantage et des menaces de grève au lieu des favelas, une Seine impropre à la baignade au lieu d'un chantier qui s'écroule, des transports hors de prix et des récupérations politiques au lieu d'un scandale de corruption. Depuis les premiers préparatifs, et avant de parier que le ménage sera suffisamment efficace pour n'y voir que du feu, Paris a été contrainte de s'afficher au reste du monde tel qu'elle était.
De la même façon qu'on s'inflige un bilan de compétences ou un check-up à 40 ans. Et, forcément, quand c'est fait avec honnêteté, ça picote.
Malgré la bonne cinquantaine de polémiques qui étouffe nos voisins depuis une année, les Jeux olympiques vont bien avoir lieu. N'en déplaise aux peines à jouir. Lady Gaga pourrait bien chanter vendredi soir, les pauses de midi s'organiseront devant le tir à l'arc, on découvrira des sports absurdes, on se moquera des gamelles et des médailles vont pleuvoir. Souvenez-vous: à Tokyo, la pandémie de Covid-19 n'avait pas empêché la Vénézuélienne Yulimar Rojas de battre un record olympique en triple saut. La même année, le nageur américain Caeleb Dressel faisait de même au 100m papillon.
La vie est ainsi faite qu'une guerre en Ukraine ne nous empêchera jamais d'organiser un barbecue avec les voisins. Les JO de Paris seront sans doute catastrophiques. Mais pas davantage que l'état de la société ou même de notre compte en banque. Une preuve que les Jeux se déroulent dans le monde réel? Ce mercredi, le football olympique fera s'affronter l'Ukraine et l'Irak, le Mali et Israël. Et les autorités sont déjà sur les dents.
Mais on va bien se marrer. Juré, craché.