Dès l'annonce de la signature d'Anton Palzer en 2021, les médias internationaux ont usé leurs plumes et braqué leurs caméras sur cet athlète de 28 ans. Est-il un coup de poker ou le nouveau Primoz Roglic? L'Allemand, vainqueur de la Coupe du monde de ski-alpinisme en 2018, possède des aptitudes de grimpeur qui peuvent le catapulter au sommet. Mais il ne suffit pas d'appuyer sur les pédales, il faut une science sur le vélo et apprendre les rudiments du métier.
Etre pro en cyclisme n'est pas si simple: l'agilité ou le placement dans une meute lancée à vive allure, tout un panel de compétences qui prend du temps à maîtriser.
Le destin de cycliste pro de Palzer a débuté lorsque Ralph Denk l'a invité pour un camp d'entraînement avec la Bora-hansgrohe. Détail cocasse: Denk n'a pas eu de réponse pendant trois ans, le mail étant passé dans les spams de la boîte mail de l'alpiniste. Finalement débarqué lors d'un camp d'entraînement de l'équipe allemande, il impressionne le coach Helmut Dollinger et la machine se met en marche. Il signe son contrat le 1er avril 2021.
Le frêle soldat Palzer – 1m78 pour 62kg tout mouillé sur la balance – est appelé à remplir sa tâche d'équipier et engranger un maximum d'expérience. Son évolution prend du temps, mais le natif de Berchtesgaden a du plaisir.
Le skieur-alpiniste et star de la discipline Rémi Bonnet, qui s'est mesuré à Palzer sur le circuit mondial, le connaît bien et en parle comme d'un «bon copain». Le Fribourgeois ne tarit pas d'éloges sur les capacités physiques de son ancien rival.
Rémi Bonnet ne cache pas que l'Allemand avait déjà de belles dispositions. «Il a un tel moteur et de telles capacités que je ne me fais pas de souci pour lui», ajoute Bonnet. «Il a toujours fait des courses cyclistes de son côté, l'été, et il caressait ce rêve depuis plusieurs années.»
Un rêve donc devenu réalité pour le néophyte des pelotons. «Il est très heureux de son choix», confirme Bonnet qui a parlé avec son pote à l'arrivée de la deuxième étape à Romont (FR). Une joie qui se traduit par une deuxième année très correcte chez les professionnels.
Palzer poursuit son apprentissage et paraît être en bonne voie, comme le prouve cette belle 25e place sur l'étape reine du Tour de Catalogne. On l'a aussi vu au four et au moulin au Tour d'Algarve pour son leader, Sergio Higuita. «Le plus important va consister à découvrir comment le milieu du cyclisme fonctionne», déclarait-il dans un entretien au cours de sa première année. En 2022, il est devenu une aide précieuse pour le collectif Bora.
La transition entre les deux sports n'est peut-être pas si abrupte, mais elle reste très délicate. Tout d'abord, la valeur cardinale du vélo est la VO2 Max, soit la quantité d'oxygène qu'un coureur est capable d'utiliser pendant l'effort. Plus cette valeur est élevée, plus il est capable de livrer un effort soutenu sur une longue durée.
La complexité de rouler dans un peloton et jouer des coudes pour faire sa place à des vitesses délirantes n'est pas une mince affaire – la chute de Julian Alaphilippe sur Liège-Bastogne-Liège illustre cette lutte impitoyable pour se placer à l'avant. Après le grand saut de Roglic (ex-pro de saut à ski) dans le cyclisme professionnel, le chemin emprunté par Palzer est semblable sur beaucoup de points. Mais il comporte une différence majeure: le Slovène a débuté plus tôt, à 24 ans, contre les 28 ans de Palzer. Quatre ans qui pèsent dans la balance.
Deux trajectoires qui donneraient des idées à Rémi Bonnet?
Le vélo restera donc un hobby pour le Fribourgeois. Il enchaîne: «Anton a foncé tête baissée».
Mais dans le milieu du ski-alpinisme et la course de montagne, ils ne sont pas nombreux à vouloir troquer les lattes et les baskets contre la petite reine. «Kilian Jornet est comme moi: on aime trop la liberté des monts», nous confie le Fribourgeois.