Paul Bernardoni semble abattu. Stoïque, il baisse la tête avant de la lever vers le ciel. Son regard, perdu, trahit une profonde déception.
Le portier a déjà compris. La victoire des siens 3-2 contre le FC Zurich ne sert à rien, Winterthour et Grasshopper ayant décroché au même moment des succès sur Sion et Saint-Gall. Il n'y a désormais plus rien à faire: Yverdon Sport est condamné à la relégation. La quatrième percée des Verts dans l'élite du football suisse n'aura duré que deux saisons.
Ce regard hagard, comme si son monde venait de s'écrouler, Paul Bernardoni l'a déjà affiché plusieurs fois. A 28 ans, il vient de vivre sa quatrième relégation en deuxième division.
Sa première expérience n’a cependant pas été réellement traumatisante. Quand Troyes est descendu en Ligue 2, le Francilien n'était déjà plus au club. Il avait été transféré aux Girondins en cours de saison, six mois après ses débuts chez les professionnels.
En revanche, Bernardoni était bien présent à Saint-Etienne et à Angers, lorsque ces deux clubs ont connu la relégation à un an d'intervalle. Visiblement marqué par ces expériences, il déclarait dans les colonnes de L'Equipe, en 2023: «Une descente, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi».
Dès lors, le gardien d'Yverdon est-il un chat noir, comme on le dit souvent de lui dans l'Hexagone? Interrogé à ce sujet par le célèbre quotidien français, il n'avait pu se résoudre à l'admettre.
Si Paul Bernardoni refuse le terme de «chat noir», c'est aussi parce qu'il a presque toujours évolué dans des clubs dont l'objectif était de lutter pour le maintien, son jeu au pied ne lui permettant pas d'espérer un destin plus brillant en Ligue 1. Dans ce contexte, les descentes deviennent inévitables. Le Nîmes Olympique a ainsi été relégué un an après que le Français a plié bagage.
C'est précisément pour son expérience dans des situations difficiles qu'Yverdon avait sollicité les services du natif d'Evry en janvier 2024. Et alors qu'à Angers, Bernardoni n’avait pas réussi, à son grand regret, à faire prendre conscience du danger de la relégation à ses coéquipiers, le message avait visiblement été bien reçu à son arrivée sur les rives du lac de Neuchâtel, YS étant parvenu à se maintenir pour son retour en Super League.
Mais s'il n'est pas un chat noir, Bernardoni n'est pas non plus le gardien le plus chanceux qui soit. A Konyaspor en Turquie, où il jouait l'année où le club s'est sauvé pour un point, le portier tricolore a dû faire face à plusieurs épreuves: il n'a pas reçu l'intégralité de ses salaires, son chien a été empoisonné et, en raison de problèmes de visa, sa compagne a été dans l'incapacité de le rejoindre.
Nul doute qu'avec un peu plus de baraka, Bernardoni – précieux cette saison dans la cage vaudoise – aurait pu faire la différence à Winterthour la semaine dernière, là où la saison des Verts a basculé. Malgré plusieurs arrêts déterminants, dont un pénalty repoussé, le gardien n'a pas su stopper le deuxième pénalty accordé aux Lions, qui plus est dans les ultimes secondes. Il avait pourtant choisi de ne pas plonger et de rester au centre du but, à l'endroit même où Fabian Frei a frappé.
Paul Bernardoni a bien touché le ballon, le déviant de manière significative avec son pied et sa jambe. Mais cela n’a pas été suffisant pour le sortir du cadre et Yverdon a perdu les deux précieux points qui lui ont cruellement manqué jeudi au Municipal.