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Les fans de foot et de crypto adorent «Sorare», nouveau jeu qui cartonne

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Image: Sorare.com

Les fans de foot et de crypto adorent «Sorare», nouveau jeu qui cartonne

Le jeu en ligne «Sorare» consiste à collectionner des cartes de footballeurs digitales et payantes. Pourtant interdit en Suisse, il est apprécié des Romands. Mode d'emploi et témoignages.
08.05.2022, 08:5608.05.2022, 10:40
Jonathan Amorim
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Kylian Mbappé a de nouveau fait parler de lui la semaine passée par sa prise de position. Le prodige français a fait de la publicité pour un jeu monétisé lié au football: «Sorare», une plateforme en ligne de Fantasy Football qui consiste à acheter (avec de l'argent ou des cryptomonnaies) des cartes de footballeurs digitales dont la valeur est basée sur les performances réelles.

La carte du prodige français a été finalement vendue pour plus de 400 000 euros. Personne ne sait si le joueur a touché un centime, mais sa communication a fait réagir les internautes.

Pour certains, Mbappé serait hypocrite: critiquant un jour les paris sportifs et faisant la promotion d'un jeu de cryptomonnaie le lendemain.

Ces réactions sont motivées par le fait que «Sorare» est parfois qualifié de jeu de hasard. On le dit dangereux, car propice aux addictions. Il est ainsi souvent comparé aux paris sportifs, bien que les créateurs (et les utilisateurs) s'en défendent.

Mais c'est quoi, en fait ?

Pour les non-initiés ou pour ceux qui ne se sont jamais intéressés au monde de la crypto, le concept de «Sorare» peut paraitre compliqué à comprendre. Nous avons contacté deux utilisateurs romands de la plateforme afin d'y voir plus clair.

Loic a 35 ans et il habite Vevey. Cet ancien utilisateur et joueur de «Fantasy Premier League» (un autre jeu en ligne, mais gratuit) nous explique le concept de son nouveau passe-temps favori :

«''Sorare'' est un jeu de Fantasy Football où il faut acheter des cartes de joueur de football. Le but, ensuite, est de composer des équipes de cinq joueurs pour participer à des tournois et des compétitions où l'on reçoit des récompenses. Les cartes s'achètent directement en crypto-monnaie (ethereum) ou avec une carte de crédit. Il y a deux marchés: les cartes vendues directement par ''Sorare'' et celles vendues par les autres utilisateurs. Les valeurs des cartes sont basées sur les performances réelles des joueurs. Si l'un de nos joueurs cartonne, sa carte prendra de la valeur et inversement.»

Le Veveysan poursuit en expliquant qu'il existe cinq types de cartes par joueur, définissant la rareté de chacune d'elles et ainsi son prix :

  • Unique = 1 carte sur le marché
  • Super rare = 10 cartes sur le marché
  • Rare = 100 cartes sur le marché
  • Limited = 1 000 cartes sur le marché
  • Commune = Illimitées mais sans valeur

Pour définir ces valeurs, la plateforme se base sur le système NFT et blockchain. Les détenteurs de cartes possèdent aussi un certificat numérique qui est inscrit dans la blockchain: une technologie de stockage et de transmission d'informations sécurisées qui n'utilise pas de centrale de contrôle. Un concept qui séduit les Romands comme Jérémy, Nyonnais de 32 ans: «J'ai commencé à jouer au début de la période Covid par passion du foot, mais également pour faire fructifier les Ethereum que j'avais déjà en ma possession. Le concept est vraiment sympa et permet d'allier investissement et fun.»

Comment je fais pour jouer et gagner de l'argent ?

Il faut tout d'abord s'inscrire sur la plateforme. Ensuite, vous pouvez importer vos cryptomonnaies ou acheter avec votre carte de crédit des «cartes». Dans ce cas, la plateforme se charge de la transformation de vos devises en crypto. Lorsque vous voulez «sortir» un investissement, il faut alors vendre votre/vos carte/s sur la plateforme puis transférer sur votre «wallet» externe de crypto votre nouvel avoir pour, enfin, le transférer sur votre compte bancaire.

Le concept est en plein boom. «Sorare», qui est une entreprise française basée à Paris et née en 2018, se rêve en leader du divertissement mondial. Après le football, elle s'attaquera prochainement à d'autres sports. Serena Williams a par exemple rejoint l'entreprise récemment. Pour une arrivée de cartes liées au tennis? Peut-être.

Interdit en Suisse

Tout n'est pas rose pourtant pour l'entrepreneur parisien. Son entreprise doit se soumettre à des législations plus complexes que d'autres sur la thématique des jeux en ligne. «Sorare» est par exemple officiellement interdit en Suisse en vertu de la loi fédérale sur les jeux d’argent, stipulant qu'il est interdit de proposer des jeux d’argent depuis l’étranger.

Un coup dur pour l'entreprise française, qui peine à s'installer dans notre pays, comme l'explique notre joueur veveysan Loic:

«L'interdiction freine passablement les Suisses. Pourtant, il est très facile de la contourner en utilisant un VPN ou en redirigeant son serveur DNS»
Loic, utilisateur veveysan de «Sorare»

L'utilisation de la plateforme dans notre pays n'est pas punie par la loi. Le joueur s'y aventure simplement à ses risques et périls, en assumant les conséquences.

Les clubs professionnels de Super League sont aussi impactés par l'interdiction faite en Suisse. Seuls les joueurs du FC Sion sont représentés sur l'application. Ils sont en effet les seuls à être «achetables» par les utilisateurs de «Sorare».

L'exemple suisse inspire par ailleurs d'autres pays puisque récemment le Royaume-Uni s'est penché sur le cas «Sorare» et envisage également de durcir le ton face à la plateforme de jeu et de cryptomonnaie.

«Play-to-Earn»

Le succès de l'entreprise française peut toutefois s'expliquer assez facilement. Contrairement à un investissement traditionnel, la plateforme offre un côté divertissant à ses utilisateurs. Jérémy, notre utilisateur nyonnais, nous le confirme: «J'aime beaucoup la data dans le football et «Sorare» me permet d'utiliser les données que je lis ou que j'étudie pour en faire des achats dans le jeu. On est acteurs de nos propres investissements.»

«On est presque comme un directeur sportif de club actif sur le marché des transferts»
Jérémy, joueur nyonnais

Rejoindre «Sorare», c'est également se lancer dans une aventure qui fait «vivre différemment le sport». C'est par cet aspect que la plateforme se rapproche des paris sportifs. Les valeurs en jeu étant définies par les performances des joueurs, le résultat d'un match/joueur peut faire gagner/perdre de l'argent à un investisseur, à l'image d'un pari sportif même si des différences existent. Loic, alias «Tyalos Sorare», nous explique :

«Depuis que je suis actif sur ''Sorare'', forcément je vis les matchs différemment. Je regarde aussi d'autres rencontres d'autres championnats. J'observe mes propres joueurs tout en faisant du scouting afin de repérer des joueurs à haut potentiel. Toutefois, ce hobby ne doit pas devenir trop envahissant et je fais en sorte qu'il ne m'empêche pas de voir mes amis ou ma famille. Et contrairement aux paris sportifs, si un pari/investissement sur un joueur est mauvais, tu le possèdes toujours et tu peux toujours t'en débarrasser en le revendant. Ton argent n'est pas perdu.»

Une différence qui se ressent également dans la communication de l'entreprise. Peu présente sur les réseaux sociaux, elle n'élabore pas de grandes campagnes agressives comme les marques de paris sportifs. Thibaut Predhomme, directeur des opérations de «Sorare», confirmait cette différence récemment: «On n’incite pas les joueurs à venir pour gagner de l’argent. Ils viennent d’abord pour vivre de leur passion.» Pour sa promotion, la boîte mise donc sur sa communauté, le bouche-à-oreille, et ça fonctionne.

Toutefois, pour «vivre de sa passion», il faut investir une certaine somme de départ (1500.- CHF au moins selon notre joueur veveysan) ce qui n'est pas à la portée de tous. C'est de cette façon que l'entreprise gagne de l'argent, en vendant des cartes, notamment au début de l'aventure de ses nouveaux utilisateurs. Par la suite, «Sorare» a développé plusieurs actions pour inciter ses joueurs à rester un maximum connectés, en créant des tournois et en offrant des récompenses.

Pourtant, tout ne rentre pas dans les caisses de la société parisienne. Cette dernière reverse en effet des commissions aux clubs de football qui voit ainsi se profiler une nouvelle source de revenus sans rien faire. Une stratégie intelligente, car les clubs sont ainsi indirectement incités à faire la promotion de la plateforme, notamment sur les réseaux sociaux. Même Jean-Pierre Fanguin, le célèbre jeune entrepreneur, ne fait pas mieux.

Des investissements risqués mais calculés et des dérives

Comme dans tout divertissement incluant une part monétaire, «Sorare» comprend forcément des risques. Nos utilisateurs romands en sont conscients. Les deux adoptent par ailleurs une stratégie similaire: ils investissent de l'argent qu'ils sont prêts à perdre, jamais le contraire. Ils se ressemblent d'ailleurs beaucoup: la trentaine, passionnés de football et à l'aise financièrement. Des profils qui tranchent avec ceux qui tombent dans les spirales infernales des paris sportifs (souvent jeunes et sans grandes capacités financières).

Car si le football a bel et bien été l'un des éléments déclencheurs pour nos deux utilisateurs, l'appât du gain a également été source de motivation, pour rejoindre la plateforme. Loic:

«Je souhaitais diversifier mes investissements. J'avais déjà des actions bancaires et je trouvais la crypto trop risquée. C'est là que je suis tombé sur ''Sorare'' qui permet de limiter les risques. Même si la crypto chute, nos cartes restent stables. De plus, la tendance et la dynamique sont vraiment positives avec de plus en plus d'investisseurs et de projets qui naissent autour de la plateforme.»

Loic affirme avoir triplé sa mise de départ depuis un an. Cet argent, qu'il ne possède pas physiquement pour le moment, il compte le récupérer à nouveau avec une stratégie réfléchie: en retirant petit à petit sa mise de départ puis ses récompenses. À long terme, il espère créer une sorte de nouveau compte d'épargne sur la plateforme. Un compte bien plus fun que le traditionnel compte épargne bancaire, mais peut-être moins sûr.

Situation plus ou moins similaire chez Jérémy. Le Nyonnais se définit comme un adepte de l'achat/revente (stratégie consistant à faire des bénéfices sur de courtes périodes, contrairement à celle consistant à laisser fructifier pendant longtemps un investissement). Il affirme également avoir doublé sa mise de départ. Les bénéfices? Un plus, oui, mais sans aucune volonté affichée de faire un gros coup ou de pouvoir en vivre un jour. Des investissements réfléchis donc et calculés par des utilisateurs à la capacité d'autogestion. Mais est-ce le cas de tout le monde?

La plateforme est pour le moment relativement épargnée par des anecdotes de joueurs compulsifs ou addicts, contrairement à d'autres phénomènes liés au football comme le jeu FIFA et son mode Ultimate Team, par exemple. Mais la part de risque est toujours à prendre en compte.

Actuellement, ce sont plutôt d'autres problématiques qui se développent autour de la plateforme, indirectement liées à ses créateurs, comme nous l'explique Jérémy:

«Au départ, la communauté ''Sorare'' était franchement saine et très soudée. Mais depuis quelque temps, on voit de plus en plus de personnes qui tentent de monétiser leurs conseils avec des discours payants ou avec des formations onéreuses.»

L'avenir de la société s'annonce, lui, assez radieux puisque «Sorare» a récemment réalisé la plus grosse levée de fonds de l'histoire en France (680 millions de dollars). Des joueurs comme Antoine Griezmann y investissent et les fondateurs visent de nouveaux marchés sportifs (tennis, sports US) et géographiques (Etats-Unis notamment). De quoi faire plaisir à Loic et son compte épargne 3.0 ainsi qu'à Jérémy et sa stratégie d'achat/revente même si, à l'image du marché de la cryptomonnaie, tout peut aller très vite, dans un sens comme dans l'autre.

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