Les rêves sont-ils faits pour être réalisés? On n'en est plus très sûr depuis que l'on regarde les matchs de Yann Sommer avec le Bayern Munich. Son transfert en Bavière mi-janvier était le rêve de sa vie, ce pourquoi il s'était battu depuis le début de sa carrière et qui lui avait été refusé jusque-là. Enfin, notre talentueux gardien suisse (82 sélections) allait obtenir la chance qu'il méritait dans un très grand club, et alors on allait pouvoir confronter le fantasme à la réalité: serait-il à la hauteur? Parviendrait-il à s'imposer durablement? Maintenant que l'on connaît la réponse, on se dit qu'il aurait été sans doute préférable de vivre avec la question.
On aurait trouvé Sommer formidable jusqu'au bout, il aurait disputé encore plusieurs saisons en tant que titulaire au Borussia Mönchengladbach et aurait participé à l'Euro 2024 en tant qu'indiscutable numéro un de la Nati. Sauf que l'histoire n'est plus du tout la même depuis son arrivée au Bayern. A-t-il pour autant commis une erreur en rejoignant le club le plus titré de Bundesliga? Ce n'est même pas certain. Quand un gardien est aussi bon sur la durée, il est dans la logique des choses qu'il se confronte au plus haut niveau.
Le problème, pour Yann Sommer, c'est que ce transfert, au lieu de sublimer toutes les qualités pour lesquelles on l'a toujours admiré, a révélé ses limites. D'abord dans le jeu au pied, où la comparaison avec Manuel Neuer est cruelle pour le natif de Morges, ensuite dans les quelques interventions décisives qu'il a eu à effectuer, sans en être toujours capable. «C'est toute la différence avec ce qu'on attendait de lui à Gladbach, pointe Polo Breitner, consultant pour le football allemand dans l'After foot et RMC Sport. Quand vous jouez dans l'un des dix meilleurs clubs au monde, on ne vous demande pas de faire 25 arrêts par match mais un seul, celui qui compte. Donc au Bayern, tout le monde regarde à chaque match si Sommer est capable de faire cet arrêt-là.»
Or ce n'est pas toujours le cas. Sinon, il n'aurait par exemple jamais été trompé par Ludovic Ajorque contre Mainz. Yann Sommer, bien sûr, a fait des arrêts importants depuis qu'il porte le maillot du «Rekordmeister». Le problème, pour lui, c'est que dans un club aussi prestigieux que celui dont il défend désormais les couleurs, tout le monde considère que c'est normal.
On ne s'en rend peut-être pas bien compte en Suisse romande, mais Yann Sommer traverse l'une des périodes les plus difficiles de sa carrière, ses performances étant remises en question par beaucoup et de manière parfois cruelle et injuste. Comme au terme du match aller des quarts de finale de Ligue des champions contre City (défaite 3-0). Après que Rodri a marqué le but de sa vie, le coach du Bayern Thomas Tuchel a réduit Yann Sommer à sa taille (183 cm), expliquant qu'il manquait quelques centimètres à son portier, ce que tout le monde sait depuis longtemps mais qui ne l'a pas empêché de faire une grande carrière jusque-là.
🇪🇸🚀 Rodri's incredible strike against Bayern Munich is named as the UCL Goal of the Week! pic.twitter.com/saI6vdznWZ
— EuroFoot (@eurofootcom) April 14, 2023
Où Tuchel voulait-il en venir? Le consultant de RMC Sport a sa petite idée: «Qui est plus grand que Sommer? Manuel Neuer, évidemment...»
L'ombre de Neuer (193 cm), blessé jusqu'au terme de la saison, plane sur le club, et ce n'est pas la seule. Celle de Julian Nagelsmann est encore bien présente.
Neuer et Nagelsmann sont les deux raisons pour lesquelles Yann Sommer a changé de club lors du dernier mercato. Le premier a dû déclarer forfait pour le reste de la saison après un accident de ski, laissant au second le choix de lui nommer un remplaçant. Or l'international suisse paie aussi ce choix, et risque de le payer jusqu'à la fin de sa carrière.
Quand Sommer a été recruté, nous avons été nombreux à lire son transfert comme une suite logique de sa progression. Ce n'était peut-être pas (que) ça. «S'il a signé, c'est parce que Nagelsmann l'a voulu, rien de plus», recentre Polo Breitner. Le coach a-t-il agi pour des raisons extra-sportives, plaçant le Suisse au centre d'enjeux qui le dépassaient? C'est possible. Car Sommer représentait une occasion de plus, pour le technicien, d'imposer sa patte sur le club et d'écarter l'ancienne génération (après le départ de Lewandowski et la destitution de Müller). Nagelsmann n'a d'ailleurs pas hésité, dans les semaines qui ont suivi l'arrivée de «YS», à congédier l'entraîneur historique des gardiens, un proche notoire de Manuel Neuer.
Maintenant que Nagelsmann a été remplacé par Thomas Tuchel, la fin de carrière du gardien suisse est directement menacée. Yann Sommer a signé un contrat jusqu'en juin 2025 avec le Bayern. Or qu'adviendra-t-il quand Manuel Neuer reviendra au jeu l'été prochain? C'est très simple: compte tenu des performances du titulaire actuel du poste (le 2e joueur le moins bien noté de son équipe par le journal Kicker), l'Allemand reprendra sa place dans les buts.
Cela signifie qu'à un an de l'Euro 2024, Yann Sommer n'aura plus le statut de numéro un. Ce ne sera plus le problème du Bayern, qui chercherait déjà à le faire partir, mais ça en sera un pour le joueur et pour la Nati.