La rivalité entre l'Angleterre et l'Allemagne est l'une des plus anciennes et des plus fortes du football. L'arrivée de l'Allemand Thomas Tuchel comme sélectionneur des Three Lions dès l'année prochaine est donc quasiment une affaire politique et l'agitation est grande dans certains milieux.
C'est vrai, le Bavarois de 51 ans – qui a un contrat jusqu'à la fin de la Coupe du monde 2026 – est déjà le troisième étranger à entraîner l'Angleterre, après le Suédois Sven-Göran Eriksson et l'Italien Fabio Capello. Mais Tuchel est allemand.
Dans un commentaire polémique, le Daily Mail a écrit mercredi, lors de la signature du contrat, que c'est «un jour sombre pour l'Angleterre». Le tabloïd enchaîne:
Gareth Southgate n'était certes pas apprécié de tous, mais «il était l'un des nôtres». Tuchel, en revanche, n'est qu'un «mercenaire», se lamente le Daily Mail. Il dresse le constat suivant:
Le Telegraph juge l'engagement de l'Allemand de manière un peu moins dramatique que le tabloïd, qui attribue en outre à Tuchel un «passé douteux en tant qu'entraîneur». L'opinion est toutefois la même: «L'entraîneur de l'équipe nationale anglaise devrait être un Anglais».
L'Independent, lui, voit dans l'engagement de Tuchel une preuve d'incapacité du football anglais. Son propos: en enrôlant un étranger, la fédération a gaspillé beaucoup de temps et d'argent à former des entraîneurs et à les faire grader par le biais des équipes juniors, comme dans le cas de Gareth Southgate ou de l'entraîneur intérimaire Lee Carsley, qui était également pressenti.
Thomas Tuchel lui-même montre de la compréhension pour les critiques sur ses origines, comme il l'a prouvé lors de sa présentation mercredi après-midi:
Harry Redknapp, ex-célèbre entraîneur de Premier League, fait partie de ces personnes, comme il l'a avoué au média Sky. Mais si Tuchel fête des succès avec les Three Lions, on image que beaucoup de ses détracteurs feront tout à coup abstraction de son passeport allemand.
D'autant plus que le technicien a une grande passion pour l'Angleterre, comme il l'affirme. Celle-ci lui vient notamment de son passage à Chelsea, qu'il a mené au sacre en Ligue des champions, en 2021. De ce passage chez les Blues, il connaît aussi quelques internationaux anglais comme Mason Mount, Reece James ou Tammy Abraham.
Tuchel a également travaillé avec Harry Kane la saison dernière, au Bayern Munich. Ce mercredi, il a déclaré à propos de l'attaquant et capitaine anglais:
De son côté, le recordman de buts avec les Three Lions a également vanté son ancien coach et futur sélectionneur. «Il est un entraîneur fantastique et une personne fantastique», a loué Kane avant même que Tuchel ne signe son contrat. L'attaquant de 31 ans fait partie, avec d'autres superstars comme Phil Foden, Jude Bellingham ou Bukayo Saka, de l'ossature de cette équipe que Thomas Tuchel doit mener au succès.
Son prédécesseur, Gareth Southgate, n'a pas toujours réussi à tirer le meilleur de ses joueurs, pourtant excellents, malgré deux finales consécutives à l'Euro. Tuchel, en revanche, est considéré comme capable de le faire. D'une part, au vu de ses performances dans toutes ses anciennes équipes (Dortmund, PSG, Chelsea et, au moins au début, le Bayern Munich). De l'autre, parce que le Bavarois est toujours très apprécié de ses joueurs.
Le grand objectif du nouveau sélectionneur? Le sacre lors de la prochaine Coupe du monde, en 2026. Etant donné que l'accent est mis sur ce Mondial, Tuchel ne commencera à entraîner les Three Lions qu'après les matchs restants de Ligue des nations en novembre.
L'ex-défenseur légendaire, Rio Ferdinand (45 ans), estime qu'un grand coup est tout à fait réaliste:
Ferdinand rappelle que Tuchel est devenu champion d'Europe avec Chelsea, alors qu'il avait repris cette équipe en crise. L'ancien international anglais vante également la finesse tactique de l'Allemand et sa capacité à ajuster parfaitement une formation pour certains matchs. Micah Richards, un autre ancien des Three Lions, est lui aussi convaincu que le technicien est «un entraîneur extraordinaire et un vainqueur éprouvé».
De son côté, le Guardian pense que les footballeurs de Sa Majesté apprécieront les entraînements amusants et innovants de leur nouveau sélectionneur.
Thomas Tuchel devrait aussi être apprécié, à la longue, des journalistes et supporters pour son intelligence, son humour et sa franchise. Sans oublier son émotivité, qui peut parfois conduire à des altercations avec l'entraîneur adverse, comme celle lors de son passage à Chelsea avec le coach de Tottenham Antonio Conte.
Presque euphorique, le Sun a titré, en allemand et en guise de clin d'œil à la célèbre chanson et expression Football is coming home («le foot rentre à la maison», autrement dit le grand espoir des fans anglais que le trophée rentre enfin en Angleterre, mère-patrie du football):
Mais au final, Thomas Tuchel, comme chacun de ses prédécesseurs, anglais ou non, sera jugé sur les résultats.
Sa première échéance? L'entame des qualifications pour la Coupe du monde, début 2025. Et il est confiant:
Tout en félicitant Gareth Southgate, qui a démissionné après la finale perdue de l'Euro en juillet, pour son excellent travail, l'Allemand a clairement dévoilé ses ambitions: «Maintenant, nous voulons faire encore mieux».
Traduction et adaptation en français: Yoann Graber