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Rayan Cherki traité de "traître" pour avoir choisi la France

epa12023877 Rayan Cherki of Lyon celebrates after scoring the 2-2 goal during the UEFA Europa League quarter-finals 1st leg soccer match between Olympique Lyonnais and Manchester United, in Lyon, Fran ...
Rayan Cherki lors du match d'Europa League entre l'OL et Machester United, le 10 avril 2025.Keystone

Ce joueur est traité de «traître» parce qu’il a choisi la France

Le talent lyonnais Rayan Cherki, 21 ans, est appelé par Didier Deschamps en équipe de France. Des supporters algériens ne lui pardonnent pas de ne pas avoir choisi la sélection algérienne. L'éclairage du journaliste et romancier Abdelkrim Branine.
22.05.2025, 16:5922.05.2025, 17:42
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Ce 28 juin 2023, le duo de commentateurs de la RTS avait salué l’aisance technique de Rayan Cherki, l’attaquant français dont l’équipe avait battu la Suisse 4 à 1 à l’Euro des moins de 21 ans, à Cluj, en Roumanie. Le numéro 10 des Bleuets avait provoqué un pénalty et marqué un but. Depuis, ses fans spéculaient sur ses chances de le voir un jour appelé en équipe de France A, le saint des saints. Ils n’y croyaient pas trop. Son origine algérienne (par sa mère) était un handicap, supposaient-ils, renvoyant au sous-entendu des «Maghrébins difficiles à gérer».

Mercredi, lors d’une conférence de presse, Didier Deschamps a annoncé la première titularisation de Rayan Cherki chez les Bleus en vue du «Final Four» de la Ligue des nations, les 5 et 8 juin en Allemagne. En convoquant le natif de Lyon et joyau du club de la ville, sixième au classement final de Ligue 1, le sélectionneur français a fait visiblement un heureux, mais aussi des déçus côté algérien. Déçu, le mot est faible.

Un torrent d'aigreur

C’est un torrent d’aigreur qui s’est abattu sur le «gone», le gamin, dans le parler lyonnais. Un scénario désormais bien huilé, dont Karim Benzema en 2007, et plus encore Nabil Fekir en 2015, tous deux franco-algériens et pareillement porteurs du maillot de l’Olympique lyonnais à l’époque, avaient fait les frais. En faisant le choix de la France, ce qu’implique sa sélection chez les A, Rayan Cherki, 21 ans, trahirait l’Algérie qui lui tendait les bras.

Alors, pour ces déçus, Rayan, aujourd’hui, n’est plus que Mathis, son autre prénom à consonance française:

Le tweet ci-dessous, rédigé par une personne habitant Valenciennes, dans le Nord de la France, traite Rayan Cherki de «harki», le nom des supplétifs de l’armée française durant la guerre d’Algérie, équivalent de «traître».

Mentionné, Riyad Mahrez, lui aussi franco-algérien, né à Clichy en région parisienne, avait su faire le «bon choix» en optant pour le maillot algérien. Plus haut, on voit Rayan Cherki heureux d'apprendre sa première sélection en équipe de France.

«Ce n’est pas du sport, c’est de la charge émotionnelle»

«Ce n’est pas du sport, c’est de la charge émotionnelle», réagit le journaliste français Abdelkrim Branine, dont le roman Le Petit Sultan (Zellige, 2022) porte justement sur les dilemmes identitaires qui assaillent les footballeurs franco-maghrébins.

«L’Algérie le voulait», explique Abdelkrim Branine à propos de Rayan Cherki. Ce dernier en a décidé autrement.

«D’un point de vue sportif et financier, il n’y a pas vraiment photo, pour lui et pour le club qui l’emploie»
Abdelkrim Branine

Le journaliste, bon connaisseur du milieu du football, ajoute:

«Une sélection en équipe de France est une très bonne chose pour la cote du joueur, davantage, objectivement, qu’une sélection en équipe d’Algérie. Au moment de la vente ou de la revente, le prix du transfert augmente. Et c’est d’actualité pour Rayan Cherki qui s’apprête à quitter l’OL, son club fétiche.»
Abdelkrim Branine

«Aulas voulait que Fekir joue avec la France»

Le même cas de figure s’était posé lors de la première titularisation avec les Bleus de Nabil Fekir. «Jean-Michel Aulas, le président de l’OL à l’époque, ne voulait pas qu’il fasse le choix de l’Algérie, précisément pour des raisons liées à la cote du joueur.»

Nabil Fekir avait épousé les couleurs du maillot français. Un drame en Algérie. Sa famille vivant là-bas s'était sentie obligée de prouver qu’elle n’avait pas été harkie pendant la guerre d’indépendance. En France, le père de Nabil Fekir, probablement sous pression lui aussi, avait déploré le choix de son fils.

«Choisi l’Algérie champion wallah (juré) tu vas pas le regretter @rayan_cherki», enjoignait un supporter, le 20 mai encore, la veille de l’annonce de la sélection de Rayan Cherki en équipe de France. Quand tout était encore ouvert, voulait-on croire.

Aujourd’hui, un compte X lui prédit l’inverse avec les Bleus:

«Mathis Cherki va regretter d’avoir choisi la France comme Nasri, Benzema, Aouar, Fekir…»

«Ceux qui le mettent en garde n’ont pas forcément tort, reprend Abdelkrim Branine. On a parfois l’impression que certains Franco-Maghrébins sélectionnés en équipe de France devront toujours être au top du top s’ils veulent continuer d’être appelés avec les Bleus. On leur passera moins une baisse de régime.»

«La fachosphère ne pardonnera pas un pénalty raté»
Abdelkrim Branine

«Cela dit, reprend le journaliste, dans la très grande majorité des cas, Riyad Mahrez faisant exception, mais il faut dire que la France ne lui avait pas montré beaucoup d’intérêt, les joueurs franco-maghrébins ayant un haut niveau de jeu, choisissent la France, bien que l’Algérie, pour ne citer qu’elle, soit une bonne équipe, avec des moyens financiers importants en termes de partenariats publicitaires pouvant intéresser les joueurs.»

Blessés lors de leur première sélection

Le 5 juin à Stuttgart, pour sa première sélection avec les A, en demi-finale du «Final Four» face à l’Espagne, Rayan Cherki jouera-t-il dès l’entame du match? Lors de leurs débuts avec les tricolores, Karim Benzema et Nabil Fekir s’étaient blessés. Certains avaient vu là l’effet de la pression pesant sur eux, la «charge émotionnelle» évoquée plus haut par Abdelkrim Branine.

Mathis Rayan Cherki, dont le père est d’origine italienne et la mère d’origine algérienne, qui lui-même ne se serait jamais rendu encore en Algérie, ressentira peut-être moins sur ses épaules le poids d’un passé jamais vraiment éteint. Pour preuve, la brouille sévère entre Alger et Paris, dont l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, détenu depuis plus de six mois en Algérie, est l'incarnation.

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