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À Genève, la revanche de Robert Mayer, gardien bouc émissaire

Avec un taux d'arrêts de 94,35%, le gardien Robert Mayer est statistiquement le meilleur gardien des playoffs.
Avec un taux d'arrêts de 94,35%, le gardien Robert Mayer est statistiquement le meilleur gardien des playoffs.keystone

A Genève, la revanche de Robert Mayer, le gardien bouc émissaire

Deux ans après avoir touché le fond à Davos, le binational suisse et tchèque a fait tomber Leonardo Genoni de son piédestal, a détrôné Zoug et se retrouve en finale avec Genève.
10.04.2023, 16:2611.04.2023, 09:03
Klaus Zaugg
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Le 7 avril 2021, Davos perd sur sa glace le premier match de pré-playoff contre le CP Berne en prolongation 3-4. Robert Mayer est alors responsable de tout. Après 18 minutes et 51 secondes, trois buts encaissés et un taux de réussite de 66,67%, il est même remplacé par Sandro Aeschlimann dans les buts.

Robert Mayer dans les Grisons.
Robert Mayer dans les Grisons.

L'entraîneur Christian Wohlwend lui annonce par téléphone, peu après son «élimination» contre Berne, qu'il ne jouera plus à Davos, et ce malgré un contrat valable jusqu'en 2024. Il n'y a même pas d'entretien de clarification. Mais Robert Mayer ne se plaindra jamais et dira rétrospectivement qu'en un sens, il pouvait comprendre la décision de son coach: «Je n'étais pas assez bon».

Le 8 avril 2023, deux ans plus tard presque jour pour jour, Robert Mayer est au sommet. Il est meilleur que Leonardo Genoni, le gardien de Zoug. Genève a gagné le cinquième match de sa demi-finale contre les Zougois (3-2) et s'est qualifié pour la finale. Leonardo Genoni, lui, a perdu une série de play-off pour la première fois depuis 2018 (en demi-finale contre les ZSC Lions).

Avec un taux d'arrêts de 94,35%, Robert Mayer est statistiquement le meilleur gardien des playoffs, devant Säteri de Bienne (93,48%) et Genoni (93,29%).

En deux ans, il est passé du statut de bouc émissaire à Davos à celui de héros de la finale à Genève. Aucun autre gardien de but suisse n'a connu une carrière aussi mouvementée. Son voyage à travers la vie et le monde du hockey sur glace l'a mené de la Silésie à Genève en passant par Coire, Kloten, le Canada, les Etats-Unis, Genève, Davos et Langnau. C'est peut-être la raison pour laquelle Robert Mayer n'est pas un gardien de but ordinaire.

Lorsqu'il évoque sa trajectoire, lorsqu'il tente d'expliquer pourquoi tout s'est passé comme cela, il ne tombe jamais dans les schémas aujourd'hui habituels chez les professionnels. Il parle ouvertement et honnêtement. En bref: il ne se cherche pas d'excuses.

Il a beaucoup voyagé dans le monde et maîtrise quatre langues (tchèque, allemand, français, anglais). Il a appris à accepter les situations telles qu'elles sont. Lorsqu'il dit que la famille est très importante pour lui, nous savons, surtout quand nous connaissons son histoire, que ce n'est pas une formule toute faite.

Le gardien et sa compagne, avec laquelle il s'est marié en 2019.
Le gardien et sa compagne, avec laquelle il s'est marié en 2019. Image: Instagram

Il est né dans l'est de la République tchèque. En Silésie. Dans la ville minière de Havirov, où il a d'ailleurs commencé sa carrière de hockeyeur et où son grand-père était maître de glace. Il a ensuite déménagé en Suisse avec ses parents. Il s'est engagé à Coire en 2002 puis à Kloten l'année suivante, sans toutefois oublier son pays natal, où il continuait de passer ses vacances.

S'il s'était agi d'une carrière classique avec une ascension continue des juniors à la première équipe, cette histoire n'aurait pas été écrite. Et il ne serait probablement pas en finale avec Genève. Lors du championnat du monde des moins de 18 ans en 2007, il est l'un des meilleurs gardiens du monde de sa catégorie d'âge. En toute logique, il passe au hockey junior nord-américain à l'été 2007 et deux ans plus tard, il est en American Hockey League (AHL) avec les Hamilton Bulldogs, l'équipe affiliée aux Canadiens de Montréal. Jusque-là, sa carrière s'est déroulée comme dans un conte.

Mais à partir de ce moment-là, sa carrière (et même sa vie) seront une succession de montagnes russes. Il ne parvient pas à s'imposer en AHL et est relégué dans la 3e division de l'East Coast League. Il y devient champion avec Cincinnati en 2010 et retourne à Hamilton. Mais pendant les trois années suivantes, il ne parvient pas à faire le grand saut et se rend compte que la prestigieuse carrière en NHL dont il rêvait n'aura pas lieu.

Il est temps de rentrer à la maison. Robert Mayer signe un contrat professionnel à Bienne au printemps 2013. Il doit remplacer Reto Berra, qui part en NHL. Mais pour Mayer, les choses se passent autrement. Un coup de téléphone fait prendre une autre direction à sa carrière.

«A Hamilton, j'avais dit à la direction que j'allais retourner en Suisse. Le directeur général de Montréal, Marc Bergevin, m'appelle. On compte sur moi, je dois absolument prolonger à Hamilton. Quand le manager général d'une organisation de NHL vous contacte personnellement, vous êtes impressionné. J'ai à nouveau résilié mon contrat avec Bienne.»

Dans le Seeland, ce sont donc Lukas Meili et Simon Rytz qui succèdent à Reto Berra.

Un an plus tard, Robert Mayer revient tout de même en Suisse. Il succède à Tobias Stephan dans les buts de Genève-Servette. Toute la question est de savoir pourquoi ça n'a pas marché pour lui au Canada, et pourquoi il n'a jamais pu concrétiser son rêve de s'imposer dans la prestigieuse ligue nord-américaine. Mayer pourrait expliquer de manière tout à fait crédible qu'il n'était pas dans la bonne organisation de la NHL au bon moment. Mais il préfère dire: «Je n'étais pas assez bon».

Pendant sa période junior à Saint John (2007 à 2009), il est devenu père. Une situation très difficile pour lui.

«D'un seul coup, tu es père à 19 ans, mais toujours en déplacement avec l'équipe»

Il ne se marie pas avec sa petite amie. Mais la relation perdure. Il voit régulièrement son fils en été. Avec la perspective d'un avenir à Genève, tout pourrait désormais être un peu plus calme à l'été 2014. Mais pas pour Robert Mayer.

«Robert Mayer victime d'un accident!» Cette annonce fait sursauter la Suisse du hockey en juillet 2014. Le gardien est sur sa moto de 600cc à Saint John, au Canada. Dans un virage, la machine dérape à 80 km/h. Il se remet en selle et décide de se rendre à l'hôpital pour un contrôle. Les médecins le transfèrent aux soins intensifs pour trois jours. «Ils ont constaté que j'avais une hémorragie interne et que mes poumons s'étaient affaissés.» Six côtes et deux vertèbres sont aussi cassées.

Rejouer au hockey sur glace, ce n'est pas pour tout de suite. Le corps médical lui prescrit un repos absolu dans un premier temps et lui apprend qu'il ne pourra pas retrouver sa place dans les buts avant huit mois.

«C'était le pronostic des médecins. Moi, je me suis dit que je voulais être à nouveau sur la glace dans trois mois»
Robert Mayer

Il se bat avec une volonté de fer pour revenir. Douze jours après l'accident, il s'entraîne déjà en salle de musculation.  Deux semaines et demie après sa chute, il peut s'envoler pour Genève. Le 11 octobre 2014, soit trois mois après sa chute à moto, il joue son premier match avec Servette à Ambri (2-3 ap).

Servettes Goalie Robert Mayer, rechts, im Duell mit Ambris Lukas Lhotak, beim Eishockey Meisterschaftsspiel der National League A zwischen dem HC Ambri-Piotta und dem Geneve Servette HC, am Samstag, 1 ...
Mayer retrouve enfin la compétition après son grave accident.Image: KEYSTONE/TI-PRESS

S'ensuivent alors à Genève les six années les plus tranquilles de sa vie de hockeyeur jusqu'à présent. C'est dans cette ville qu'il rencontre sa femme et qu'il est entre-temps redevenu père. Ses performances sont constamment bonnes, voire très bonnes. En 2016, 2019 et 2020, il est même appelé dans l'équipe des Championnats du monde (4 matchs). Lors de ses interventions de 2016 et 2019 avec l'équipe nationale, le directeur sportif de la fédération Raeto Raffainer apprend à apprécier ses qualités.

Lorsque Raffainer devient directeur sportif du HCD, il attire Robert Mayer à Davos au printemps 2020 avec un contrat de quatre ans. Mais puisque la vie de hockeyeur lui réserve toujours des rebondissements surprenants, Mayer est éconduit après une seule saison et son élimination face à Berne en pré-playoff. Il est finalement transféré à Langnau en septembre 2021. Les SCL Tigers paient une taxe de prêt, le HCD continue à payer le salaire.

Langnaus Torhueter Robert Mayer reagiert im Eishockeyspiel der National League zwischen den ZSC Lions und SCL Tigers am Sonntag, 31. Oktober 2021, im Zuercher Hallenstadion. (KEYSTONE/Ennio Leanza)
Avec les Tigres en 2021.Image: KEYSTONE

Au cours de la saison, les parties se mettent d'accord sur une résiliation du contrat et Robert Mayer rentre à Genève au printemps 2022. Sur le lieu de son destin. Il joue alors son meilleur hockey et se retrouve en finale.

Le gardien grenat combine avec succès différents styles. D'une part, il maîtrise parfaitement le «style papillon»: il plonge, dresse ses protections comme des ailes de papillon et le haut du corps bien droit, couvre une surface aussi grande que possible. D'autre part, il cultive également le «style stand-up»: il est capable de rester debout aussi longtemps que possible et ainsi de défier les attaquants.

Visuellement, il rappelle un peu le gardien culte du SCB Renato Tosio dans les moments de lucidité.

Robert Mayer, athlète modèle (185 cm, 91 kg), a tout pour être un grand portier. Certes, il n'est pas à l'abri de buts évitables, justement à cause de son style peu conventionnel. Mais en revanche, dans un bon soir, il peut gagner des matches à lui tout seul. La question que l'on peut se poser désormais, puisque Mayer a fait tomber Leonardo Genoni de son piédestal en demi-finale, est de savoir s'il va désormais lui succéder en tant que numéro 1 de l'équipe nationale.

Adaptation en français: Julien Caloz

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