Gottéron a licencié son coach comme dans une pièce de Shakespeare
Il est le premier entraîneur de l'histoire du hockey suisse à avoir été renvoyé par l'homme (Gerd Zenhäusern) qu'il avait embauché au club, qu'il avait encouragé et qu'il avait aidé à devenir son patron.
Au sens figuré, bien sûr, car personne n'a heureusement perdu la vie.
Il y a quelques jours, le président des Dragons Hubert Waeber avait pourtant confirmé ce qui avait toujours été clair. Ou semblait clair, plutôt. Christian Dubé ne serait pas licencié et resterait entraîneur. «Je vais certes encore m'entretenir avec notre directeur sportif. Mais pour autant que je sache, Dubé reste entraîneur», avait confié le boss. «Si notre directeur sportif veut licencier Dubé, je le saurais...»
Eh bien non, Hubert Waeber ne le savait pas. Christian Dubé a été libéré de ses fonctions avec effet immédiat ce lundi.
Une analyse «plus approfondie»
Le président de Gottéron a-t-il menti? Non, le directeur sportif l'a manifestement convaincu.
Gerd Zenhäusern a rempli cette mission. Il a nommé Patrick Emond, l'assistant de Dubé, entraîneur par intérim pour toute la saison à venir. Dès le printemps 2025, l'équipe sera confiée au Suédois Roger Rönnberg. «Cette solution a été approuvée à l'unanimité par le conseil d'administration», explique Hubert Waeber.
Les coûts restent dans le budget. Patrick Emond figure déjà sur la liste des salaires en tant qu'assistant. Le président précise qu'après sa promotion au poste d'entraîneur principal, il recevra une augmentation de salaire. C'est normal.
Le licenciement de Christian Dubé et le règlement de sa succession forment un scénario que seul Gottéron peut offrir. Dès le mois de mai, il était clair qu'un nouvel entraîneur – Roger Rönnberg, donc – arriverait au printemps 2025 et qu'il aurait dès à présent son mot à dire quant au contingent. Il y a une logique à cela. Hubert Waeber fait malgré tout l'éloge de l'ancien coach, arrivé à Fribourg en 2011 d'abord en tant que joueur:
Un nouveau cycle et un mentor écarté
Mais pourquoi le licenciement maintenant? «Il est temps d'entamer un nouveau cycle», tranche le boss des Dragons.
Un aspect tient particulièrement à cœur au président et au directeur sportif: le développement des jeunes talents.
Roger Rönnberg terminera sa 13e saison à Frölunda Göteborg au printemps prochain. Il aura alors servi ce club suédois de pointe aussi longtemps que Christian Dubé est resté à Gottéron en tant que joueur, puis directeur sportif et finalement entraîneur.
Du vrai hockey romantique. Pendant ce temps, Patrick Emond sera un bon remplaçant: il a mené Genève-Servette en finale des play-off contre Zoug en 2021.
L'éviction seule d'un entraîneur n'est pas encore un drame shakespearien. Mais celle de Christian Dubé, oui. Il est le premier coach de l'histoire du hockey suisse à avoir été renvoyé par l'homme – Gerd Zenhäusern – qu'il avait engagé au club, qu'il avait encouragé, dont il avait fait son assistant la saison dernière et qui le soulageait dans sa double fonction de directeur sportif et entraîneur. Et lorsqu'il a été décidé que Christian Dubé ne serait plus qu'entraîneur et non plus directeur sportif la saison prochaine, le Québécois a expressément recommandé Gerd Zenhäusern pour sa promotion et en a fait pour ainsi dire son chef.
«Pas un licenciement», tient à préciser Hubert Waeber. «Juste une mise en congé». Peu importe: Gerd Zenhäusern s'est donc installé dans ses nouvelles fonctions avec un coup de tonnerre.
L'archétype, le pape et l'usine à rêves
Christian Dubé a sous-estimé Gerd Zehnhäusern. Hubert Waeber affirme que l'ex-coach a accepté son licenciement avec calme. «C'est un sportif et il l'a pris sportivement». Mais il a été surpris.
Christian Dubé a-t-il vraiment pris la nouvelle sportivement? Il a au moins gardé son calme. Mais lorsqu'on lui demande comment il voit toute cette histoire, il répond:
Christian Dubé restera dans l'Histoire comme l'entraîneur parfait (au sens de l'archétype) de Fribourg-Gottéron: il n'a gagné qu'un seul match en demi-finale des play-off (cette année face à Lausanne) en tant que directeur sportif et entraîneur. Il avait pourtant à sa disposition l'équipe la plus chère de l'histoire du club. Et l'objectif était de devenir champion pour la première fois.
Pas de doute: le Canadien a échoué sur le plan sportif. Mais s'il y a un club qui ne vit pas uniquement de victoires, c'est bien Gottéron. La saison dernière, chaque match à domicile s'est joué à guichets fermés, avec un taux d'occupation de la patinoire de 100%. Il était de 99,04% en 2022/23 et de 93,17% en 2021/22. Oui, les Dragons ont cartonné sous Christian Dubé.
Et si Fribourg n'a jamais pu devenir champion, même avec des joueurs de classe mondiale comme Slava Bykov et Andreï Khomoutov, comment Christian Dubé aurait-il pu y parvenir?
La question cruciale n'est donc pas de savoir si Roger Rönnberg mènera les Fribourgeois au sacre. Il sait comment gagner des titres. Du moins en Suède. Il y a été deux fois champion et a remporté quatre fois la Ligue des champions. Aujourd'hui, à 53 ans, il s'expatrie pour la première fois. En Suisse. Car il peut y gagner presque deux fois plus qu'en Suède. Il est temps pour lui de faire quelque chose pour la prévoyance vieillesse.
Mais le Suédois sait-il aussi divertir?
A Fribourg-Gottéron, les victoires sans spectacle, les victoires à l'emporte-pièce, sont pires que les défaites. Et il ne faut jamais l'oublier: avec un titre de champion, Gottéron perdrait son âme. A quoi pourraient alors rêver les fans de la plus grande et fascinante usine à rêves du hockey suisse si leur club de cœur devient une fois champion?
Il se pourrait bien que les supporters des Dragons regrettent encore Christian Dubé.
Adaptation en français: Yoann Graber