Martin Zabaleta est le premier espagnol à avoir gravi l'Everest. C'était en 1980. Il faisait alors partie d'une expédition basque de 12 personnes et il est le seul avec Pasang Temba Sherpa à s'être hissé au sommet, au bout de la troisième tentative.
Les deux hommes ont été réunis 44 ans plus tard. Ils ont été honorés par l'Athletic Bilbao et ont donné le coup d'envoi de le rencontre face à l'Espanyol, samedi au stade San Mamés. Le club a tenu à célébrer «les héros ayant amené le drapeau basque sur le toit du monde», à l'occasion du centenaire de la Fédération basque d'alpinisme.
Or Bilbao a omis de préciser dans son communiqué un élément important. Le fait que Martin Zabaleta ait brandi durant son expédition un drapeau basque sur lequel était apposé le logo du groupe séparatiste basque ETA. Un emblème antinucléaire était également accolé, de manière à contester la création d'une centrale à Lemoiz, le long de l'Atlantique.
Après les honneurs, ceux entourant l'ascension et l'exploit sportif, les Espagnols avaient déchanté à la vue du drapeau. Zabaleta, lui, avait assuré «assumer personnellement» les symboles portés dans l'Himalaya.
Cette année 1980 a été l'une des plus violentes en Espagne. 90 personnes ont été tuées par le groupe terroriste ETA entre le 1er janvier et le 31 décembre. Avant la réussite de Zabaleta le 14 mai, 26 avaient déjà perdu la vie, parmi lesquelles des civils, dont José María Piris, premier enfant tué par l'ETA. Il avait 13 ans lorsqu'il jouait dans la rue et qu'une charge placée sous la voiture d’un agent de la Guardia Civil déchiqueta son corps.
En Espagne, cette volonté de l'Athletic Bilbao de rendre hommage à Martin Zabaleta et Pasang Temba Sherpa a suscité l'indignation, y compris parmi certains supporters de l'Athletic Bilbao. Or le club a maintenu les célébrations, plaçant au premier plan la performance sportive, l'identité basque et l'alpinisme, une discipline profondément ancrée dans la culture locale.
Samedi, San Mamés dans sa grande majorité a donc chaudement applaudi Martin Zabaleta et Pasang Temba Sherpa à leur entrée dans l'arène. Le public s'est levé et a entonné «Ikusi Mendizalea», une chanson basque souvent fredonnée en montagne. Les joueurs de l'Athletic Bilbao se sont réunis au centre de la pelouse et ont salué les alpinistes. Seuls les footballeurs et les supporters de l'Espanyol n'ont pas réagi.
Ces images n'étaient pas visibles à la télévision. A la demande de la ligue, la réalisation a montré dans le même temps une vue aérienne de San Mamés. Cela n'a pas empêché l'indignation de monter parmi les associations des victimes du terrorisme, la classe politique, les médias, les internautes ou encore le syndicat de la Garde civile (JUCIL). Ce dernier a dénoncé un hommage «authentiquement absurde». «Même si Zabaleta n'est pas un terroriste, il a glorifié au sommet de l'Everest un mouvement qui l'était, en 1980, année particulièrement violente», a ajouté le porte-parole de l'organisation.
Côté sport enfin, il n'y a pas eu match. L'Athletic Bilbao menait 4-0 dès la 55e minute puis a concédé un but dans le temps additionnel. Victoire 4-1 des locaux, sous les yeux du duo Martin Zabaleta et Pasang Temba Sherpa.