Sport
Paris 2024

JO 2024, la psychose: tous malades à cause de la Seine?

PARIS, FRANCE - AUGUST 05: A view of the Seine River, which also hosts the Olympic Games in Paris, France on August 5, 2024. The Seine River has often been a topic of pollution discussions even before ...
Une photo de l'eau de la Seine, prise par l'agence Getty, le 5 août 2024 à Paris.Image: Anadolu

Tous malades à cause de la Seine? La psychose s’empare de Paris

Des triathlètes hors service, une fausse hospitalisation et une panique généralisée. Alors qu'aucune analyse fiable n'indique pour l'heure que la Seine a bien retourné l’estomac des sportifs, sa mauvaise réputation suffit à la condamner. Aurait-on à tout prix besoin d'un récit catastrophe, dans des JO de Paris qui se déroulent plutôt bien? Commentaire.
05.08.2024, 18:5605.08.2024, 19:14
Plus de «Sport»

Jeter bébé avec l'eau de la Seine pourrait bien devenir une nouvelle expression à la mode. Depuis les premières compétitions de triathlon dans le fleuve de tous les dangers, c'est comme si les courses et les résultats passaient en second plan. Le nerf de la guerre est ailleurs: qui va tomber malade? Comment? Quand? Le 31 juillet, après un premier report et une crainte d'annulation, les épreuves féminines et masculines catapultaient leurs premiers nageurs dans cette eau régulièrement impropre et sous haute surveillance.

Mais alors que l'on pensait les craintes reléguées dans le tiroir des anxieux, dimanche 4 août, patatras. Le monde apprend que la triathlète bruxelloise Claire Michel est malade depuis «quatre jours», terrassée par la bactérie E. coli. Autrement dit, depuis sa nage dans la Seine.

Le Comité olympique belge et sa fédération de triathlon commettront un communiqué suffisamment flou pour que l'on comprenne bien qu'ils sont fâchés: «Nous espérons que les leçons seront tirées pour les prochaines compétitions de triathlon aux Jeux olympiques». Quelles leçons? Sans que la qualité de l'eau ne soit évoquée, ces quelques mots suffiront à enflammer le débat.

La veille, la délégation suisse annonçait moins bruyamment la défection d'Adrien Briffod, atteint d'une «infection gastro-intestinale». Dimanche, cette même délégation se verra dans l'obligation de dévoiler que son remplaçant, Simon Westermann, est lui aussi aux prises avec une «infection gastro-intestinale». Détail qui aura très vite toute son importance: Westermann n'a jamais mis un seul orteil dans la Seine.

La fausse hospitalisation

La goutte qui fera déborder la polémique viendra d'un média belge annonçant l'hospitalisation de la sportive belge qui n'a... jamais été hospitalisée. Une information, hélas, reprise par la plupart des médias généralistes et qui fera frémir les réseaux sociaux, quelques heures avant le départ du relais mixte, ce lundi matin. Parce que personne ne semble vouloir nager dans le doute.

Enfin, les orages qui se sont abattus sur Paris ces derniers jours viendront corser la baignabilité de la flotte parisienne et annuler deux entraînements. La fin d’un long fleuve tranquille?

Un Suisse qui «fait avec»

Même si les deux délégations refusent désormais d'incriminer publiquement la qualité de la Seine, la psychose est bien installée au cœur de la capitale. Le Suisse Sylvain Fridelance, qui a remplacé Simon Westermann, qui devait lui-même remplacer Adrien Briffod lundi matin, a donné son sentiment sur la qualité de l'eau, au micro de RMC Sport. Bien avant que l'on sache s'il était déçu ou non de leur 7e place. Les priorités sont connues.

Alors, cette eau sale, Sylvain?

«Franchement, ça s’est bien passé. Moi, je fais avec les éléments. Si on doit nager dans la Seine, on nage dans la Seine. J’essaye de me dire qu’ils ont testé, donc on fait confiance. Il y a beaucoup de polémiques. Mais pour moi, le plus difficile à gérer, c’était le courant, pas la qualité de l’eau.»
«On verra, peut-être que je vais vomir demain, ce n’est pas grave...»
Le triathlète Sylvain Fridelance au micro de RMC Sport

Si le remplaçant du remplaçant relativise, il admet aussi que «c’est normal de se poser la question et se demander si ça avait du sens de faire la natation dans la Seine, sachant qu’on savait que ça allait être limite». En gros, impossible de ne pas penser au sujet qui fâche. D'autant que le vomi plane harmonieusement sur les épreuves de triathlon.

Le 31 juillet dernier, sur le ponton d'arrivée de la course masculine, le Canadien Tyler Mislawchuk a régurgité «une dizaine de fois» après sa neuvième place. Pour les plus vigousses des détracteurs de la nage en Seine, ce sera l'énième preuve d'une eau dangereuse. Un démenti du champion n'y fera (presque) rien:

«Oui, j'ai vomi dix fois après la course, il faisait chaud sur les derniers tours. Rien à voir avec la qualité de l'eau du fleuve. J'avais l'estomac plein, ce sont des choses qui arrivent»
Le Canadien Tyler Mislawchuk, à CBC Olympics

Poutine plonge aussi

Pour couronner le tout, une nouvelle propagande s'est évidemment emparée de la psychose ambiante pour salir une énième fois cette eau qui n'en a pas besoin. Ce week-end, une fausse une de Libération faisait état d'une véritable épidémie de malaises dûs à la mauvaise qualité de l'eau.

«24 autres athlètes ont eu besoin de soins médicaux après avoir nagé dans la Seine»
Une fausse couverture de Libération

Des publications parfois partagées par des élus de la nation, à l'image de la députée Insoumise Ersilia Soudais, qui finira par supprimer sa publication. Selon plusieurs enquêteurs qui travaillent en open source, mais aussi l'agence AFP, «le thème comme le modus operandi de ces allégations évoquent les codes habituels des opérations de désinformation attribués aux réseaux pro-russes».

Il faut dire que depuis une bonne semaine, la Seine est sujette à une impressionnante quantité de fake news.

Et si on avait besoin de ça?

Dites à votre moitié que l'œuf qu'elle vient de manger était avarié et les toilettes seront soudain prises d'assaut. Ne serait-on pas bloqué au beau milieu d'une psychose collective? Alors que la qualité de la Seine est au cœur du débat olympique, il faut avouer que personne (hormis les organisateurs?) n'est réellement rassuré par l'aspect caca-pas-frais de la flotte parisienne.

Le fait que les tests soient parfois encourageants ne permet pas aux plus sceptiques d'ignorer la fosse septique. Et dans cette catégorie d'êtres humains, on retrouve quasi tout le monde, des internautes cyniques aux fédérations de triathlon, jusqu'aux pessimistes et aux anti-Macron.

En clair, nous sommes sans doute nombreux à redouter/vouloir/espérer inconsciemment que la menace de l'eau contaminée se concrétise sous nos yeux. Une réponse logique à tout le tintamarre que le fleuve suscite depuis deux longues années.

Aurait-on à tout prix besoin d'un récit catastrophe, dans ces JO de Paris qui se déroulent dans une allégresse et une euphorie mondiale? Peut-être.

Bien sûr, l'estomac des triathlètes, en course lundi matin, n'est pas encore hors de danger et tous les regards sont désormais tournés sur les épreuves de nage en eau libre, qui devraient se dérouler les 8 et 9 août prochain. Sans oublier qu'un bilan devra être fait en fin de manifestation, histoire de se demander si tout cela fut bien raisonnable.

Mais, pour l'heure, une chose est sûre, si le fleuve parisien n'est pas près de quitter la scène, aucun athlète n'a encore fini aux urgences à cause d'un résidu de caca qui flotte. De quoi tirer la chasse et évacuer les rumeurs.

Plus d'articles sur le sport

Les Jeux olympiques de Paris 2024 en images
1 / 10
Les Jeux olympiques de Paris 2024 en images
Une fumée ressemblant au drapeau de l'équipe de France est montrée au-dessus du pont d'Austerlitz lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques Paris 2024, le 26 juillet 2024 à Paris, en France. (Photo par Lars Baron/Getty Images)
source: getty images europe / lintao zhang
partager sur Facebookpartager sur X
Des policiers venus du monde entier sont à Paris
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Bilan exceptionnel de l'équipe de Suisse aux Jeux paralympiques
Emmenée par une grande Catherine Debrunner, la délégation helvétique a a brillé aux Jeux paralympiques de Paris 2024.

«On a vécu deux semaines fantastiques avec des Suisses performants», s'est félicité Laurent Prince, président de Swiss Paralympic, dimanche au micro de la RTS après les succès de Catherine Debrunner et Marcel Hug sur le marathon des Jeux.

L’article