Olivier Senn, pourquoi ne venez-vous pas dans la partie francophone du pays?
Parce que personne ne nous veut.
Sérieusement?
Oui. Toutes les communes romandes que nous contactons, sauf 2 ou 3 exceptions, ne veulent pas, ou ne peuvent pas, accueillir la course. On n'y arrive pas.
Normalement, ce sont les communes qui contactent l'organisateur pour être ville-étape d'une grande course, pas l'inverse.
C'est bien simple: je ne me souviens que d'une ou deux candidatures romandes pour le Tour de Suisse.
Et vous êtes directeur du TdS depuis quelle année?
2015 (il marque une pause et ajoute). On est en ce moment même en discussion avec deux villes romandes pour le futur, mais on ne sait pas si cela se concrétisera, ni quand.
Qu'est-ce que les communes que vous contactez vous disent pour justifier leur désintérêt? Que c'est trop cher? Que le TdS n'est pas assez populaire ici? Qu'ils préfèrent garder leur argent pour le Tour de Romandie?
Ils disent un peu tout ça. C'est clair qu'on est plus cher que le Tour de Romandie, beaucoup de communes ont une histoire avec cette course et veulent poursuivre leur collaboration. Et il y a d'autres explications encore, mais je ne les connais pas. Je ne suis pas sûr que les raisons que l'on nous donne sont les vraies. C'est dur, hein. Vraiment dur.
Le fait de ne pas pouvoir venir chez nous vous fait-il perdre de l'argent? On imagine que vous toucheriez davantage de la part de vos partenaires avec une couverture nationale.
Je n'ai pas vu d'impact direct en ce sens. «La Vaudoise», par exemple, est avec nous pour marquer sa présence sur le marché alémanique.
Vous disiez tout à l'heure que vous étiez plus cher que le Tour de Romandie. De combien?
Je ne connais pas les chiffres du TdR, mais ce qu'on entend, c'est qu'on est plus cher, et je le crois volontiers.
Paradoxalement, il semble plus facile pour vous d'aller à l'étranger (Vaduz est une ville-étape cette année) qu'en Romandie.
Absolument! Je pourrais aller en Allemagne, en Autriche ou au Liechtenstein demain. Ce n'est pas ce qu'on veut, mais bon...
Pensez-vous que les Romands sous-estiment, délaissent le Tour de Suisse, parce qu'ils sont trop attirés et séduits par le Tour de France et de Romandie?
Oui, je le pense. Et c'est dommage.
Au-delà du manque d'intérêt des communes, ressentez-vous une forme d'indifférence des francophones dans les audiences sur la RTS ou le nombre de clics sur votre site?
Oui. On constate aussi ce désintérêt au bord de la route, quand on passe en Romandie. Il y a nettement moins de monde. Je ne connais pas les chiffres de la RTS pour le Tour de Romandie, mais pour nous, ils sont vraiment bas.
Les Tessinois sont-ils plus réceptifs que nous?
Beaucoup, beaucoup plus. L'intérêt chez eux est grand, aussi parce que le Giro exerce moins de fascination sur les Tessinois que le Tour de France sur les Romands. D'ailleurs on va souvent au Tessin, et on y sera encore cette année.
Viendrez-vous quand même chez nous l'an prochain? Peut-on l'espérer?
Il y a de bonnes chances. Mais j'ai déjà dit ça par le passé et ça ne s'est pas concrétisé. On a déjà eu des accords oraux et finalement, ça ne s'est pas fait... Mais c'est aussi arrivé avec certaines villes alémaniques.
La crise du Covid rend-elle encore plus difficile l'investissement des communes romandes pour être ville-étapes?
Non, je ne le crois pas.
Quelle est la solution pour l'avenir, alors? Qu'est-ce qui vous permettrait de gagner en popularité chez les francophones?
Il faut qu'on y passe. Si on a deux, trois étapes romandes dans les années à venir, je crois vraiment qu'on pourra montrer ce qu'est le Tour de Suisse aux gens, et qu'ils le verront peut-être un peu différemment.
Adaptation d'un texte paru le 1er avril 2022 sur watson.