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Football: Pourquoi les clubs embauchent d'anciens arbitres

Football: Pourquoi les clubs embauchent d'anciens arbitres
D'anciens arbitres de football sont engagés pour expliquer les nouvelles règles et en maîtriser toutes les finesses. shutterstock

Pourquoi les clubs embauchent d'anciens arbitres

Peu à peu, des directeurs de jeu à la retraite sont engagés à grands frais et intégrés au staff technique. Qu'est-ce que ça cache?
04.08.2022, 18:5305.08.2022, 07:18
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Au premier abord, l'idée est un peu étrange, voire suspecte. Que peut bien enseigner un ancien arbitre à une équipe de foot, sinon l'art de l'entourloupe et de la flagornerie? En général, les gens honnêtes, s'ils n'ont pas de mauvais desseins, ne ressentent pas le besoin de consulter un gendarme.

Mais en parlant avec les intéressés, l'idée paraît immédiatement moins sotte. Un constat émerge au-dessus de tout soupçon: il y a un savoir, un champ de connaissances mal exploitées. Dans sa quête obsessionnelle de gains marginaux, le football moderne a pensé à tout (GPS, bains d'azote, matelas avec mémoire de forme), sauf à l'arbitrage. «C'était la dernière pièce manquante d'un professionnalisme généralisé», affirme Sébastien Pache, 234 matchs parmi l'élite.

«Chaque année, le football édicte de nouvelles règles», explique l'ancien arbitre vaudois. «Très souvent, ces règles ont une influence directe sur la tactique. Par exemple, la possibilité de ressortir le ballon depuis les seize mètres a transformé le jeu en profondeur. De nombreuses équipes ont remplacé les longs dégagements aériens par des passes au sol depuis l'arrière. L’œil d'un arbitre aide à comprendre ce qui est permis ou non, d'en évaluer les avantages.»

Mais pas seulement: ancien arbitre Fifa, Stéphan Studer ne cache pas une certaine méfiance. «Si l'intention est de mieux comprendre les règles du football, d'en assimiler les changements incessants et d'en maîtriser les finesses, je trouve l'idée très bonne. Mais si le but est de mieux contourner ces règles, d'exploiter des zones grises, je suis évidemment moins fan.»

Sébastien Pache ne le nie pas: ceux qui engagent d'anciens arbitres ne se contenteront plus d'analyser leurs futurs adversaires. Ils étudieront le profil complet du directeur de jeu, ses principes et ses failles, dans le même but (somme toute très contemporain) de réduire l'imprévu. Mais sans forcément penser à mal.

«Il existe différents styles d'arbitrage», rappelle le Vaudois. «L'un sera peut-être plus sévère sur le comportement, l'autre plus pointilleux sur certains gestes. Par exemple, l'un sifflera immédiatement une faute de main quand l'autre interprétera davantage l'intention. Avec l'un, il sera possible de discuter, tandis que d'autres n'aiment pas du tout cela. Ces renseignements sont utiles. Ils peuvent éviter pas mal de coups francs et de cartons jaunes.»

Une sortie de balle depuis l'arrière, avec la possibilité de relancer dans les seize mètres.
Une sortie de balle depuis l'arrière, avec la possibilité de relancer dans les seize mètres.

Le rugby a compris avant tout le monde le poids des erreurs et des sanctions sur son bilan comptable. D'autres diront qu'il vit avec son temps, celui du contrôle et du risque zéro, depuis qu'il est privé d'apéro. Reste que dans le top 14 français, plus de la moitié des clubs emploie un arbitre, parfois chèrement, pour éduquer les joueurs à davantage de civilité (sinon de discrétion). Le football commence tout juste.

«Je vous avoue que le thème de votre article m'a d'abord surpris», rigole Stéphan Studer. «A la réflexion, je vois un vrai potentiel. Tactiquement, c'est un avantage considérable de savoir que votre prochain arbitre ne siffle pas beaucoup les petits contacts, les petits tirages de maillot, parce qu'il privilégie la fluidité du jeu. On pourrait citer d'autres domaines assez classiques (hors-jeu, marquage) où un travail préventif peut donner des clés.»

A Strasbourg, Frank Schneider effectue ce travail à raison de deux jours par semaine, l'un auprès des professionnels, l'autre au centre de formation. L'ancien arbitre est un membre à part entière du club, comme l'atteste son bizutage en bonne et due forme - une interprétation périlleuse de Alors on danse, debout sur une chaise (vidéo👇) .

«Il est important de mieux connaître le rôle de l'arbitre, l'évolution et la maîtrise des règles. De bien savoir gérer les comportements liés à des faits de jeu et de comprendre les attitudes à adopter», explique Frank Schneider sur le site officiel du club.

Sébastien Pache approuve: «Fatalement, les joueurs ne contesteront pas des règles qu'ils connaissent mieux. Un arbitre employé par un club peut même débriefer les litiges a posteriori, surtout s'il y a un sentiment d'injustice, afin d'évacuer la frustration».

Selon Sébastien Pache, il serait vain de vouloir amadouer un arbitre. «En revanche, on peut déjà éviter de l'énerver. Avec moi, le joueur qui aboyait à chaque fois que je sifflais finissait souvent par prendre un carton. Il n'était pas inutile de le savoir.»

Le Vaudois insiste: «Le football a apporté des améliorations dans tous les domaines, la psychologie, la nutrition, le sommeil. L'arbitrage représente 10% d'amélioration supplémentaire, les 10% manquants.» En Suisse, pourtant, aucun club n'y a pensé. «Avant chaque saison, la Swiss football league (SFL) organise une séance d'information d'environ une heure, mais c'est tout. Et ces séances intéressent peu les joueurs...», témoigne Sébastien Pache.

Le jeune retraité raconte une anecdote: «Un jour, devant une équipe romande tout entière, j'ai demandé qui avait déjà lu les règles du football. Personne n'a levé la main». Stéphan Studer n'est pas étonné: «En général, les joueurs connaissent très mal les règles. J'ai l'impression que mieux ils les maîtriseront, mieux ils en exploiteront les subtilités. Tactiquement, techniquement ou mentalement. Engager un ancien arbitre, finalement, c'est assez malin». Stéphan Studer précise qu'il n'est pas intéressé par le job...

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